Militants de l’UDC. La diversité sociale et politique des engagés

Gottraux, Philippe, Péchu, Cécile,

2011, 304 pages, 26 €, ISBN:978-2-88901-036-3

Beaucoup de choses ont été écrites au sujet de l’Union Démocratique du Centre et de sa progression. Au-delà des commentaires et des analyses électorales, cet ouvrage innove en se penchant sur les militants de ce parti et la diversité de leurs profils. En s’appuyant principalement sur une étude par entretiens approfondis, cette analyse va au-delà d’une recherche de causalité simple. Elle remet en cause les interprétations qui attribuent d’abord aux « perdants de la mondialisation », pris dans des logiques de frustration, la responsabilité du succès de ce parti, et restitue toute la complexité du phénomène.

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Description

Beaucoup de choses ont été écrites au sujet de l’Union Démocratique du Centre et de sa progression. Au-delà des commentaires et des analyses électorales, cet ouvrage innove en se penchant sur les militants de ce parti, provenant de deux sections cantonales aux histoires contrastées, Genève et Zurich.

Plutôt que de dresser l’irréel portait d’un militant UDC au singulier, ce livre met au jour une diversité de profils militants. Le lecteur aura ainsi l’occasion d’opérer un voyage auprès de plusieurs catégories de militants, non uniquement des personnes appartenant aux catégories populaires; de découvrir les logiques et motifs multiples, parfois décalés par rapport à la ligne officielle du parti, qui conduisent à cet engagement politique.

Cet ouvrage remet en cause les interprétations qui attribuent d’abord aux « perdants de la mondialisation », pris dans des logiques de frustration, la responsabilité du succès de ce parti. En s’appuyant principalement sur une étude par entretiens approfondis, cette analyse va au-delà d’une recherche de causalité simple. Elle restitue la complexité du phénomène, situé au croisement des caractéristiques sociales et idéologiques des personnes, forgées tout au long de leur vie, du contexte politique et de l’offre mobilisatrice du parti. Elle montre tout l’intérêt de mobiliser les méthodes qualitatives et l’étude intensive des engagements pour les saisir véritablement.

Table des matières

  • Angle d’approche et démarche d’enquête
  • Une enquête située
  • Les « populaires »
  • Les « déclassés »
  • Les jeunes antieuropéens
  • Les méritants
  • Les libéraux
  • Idéologues et moralistes
  • Conclusion

Presse

Dans la Revue française de science politique

Caractérisé par sa grande stabilité en comparaison internationale, le système de partis suisse fut longtemps considéré comme un exemple classique de la fameuse hypothèse de gel de Seymour Martin Lipset et Stein Rokkan (1967), selon laquelle les systèmes partisans européens reflètent encore la structure des clivages au moment de leur genèse au début du siècle dernier. Cependant, avec la progression de l’Union démocratique du centre (UDC), qui doubla son score électoral entre 1991 et 1999 pour devenir le premier parti de Suisse en 2003, le paysage partisan subit d’importantes transformations et se caractérise désormais par une structure tripolaire avec trois camps politiques à forces plus ou moins égales (la gauche, le centre-droit et la droite conservatrice constituée par l’UDC). Dans la littérature, l’explication dominante de ces changements majeurs est liée à la transformation de la structure traditionnelle des clivages et surtout à l’émergence d’un nouveau clivage entre les « perdants » et les « gagnants » de la mondialisation. Dans cette optique, l’ascension de l’UDC s’expliquerait principalement par la mobilisation des perdants–réels ou subjectifs–de la mondialisation.
L’ouvrage se veut une alternative théorique à cette perspective qualifiée de réductrice, mécanique et économiciste car centrée sur la seule demande sociale des « perdants « . Ainsi, l’objectif déclaré de Philippe Gottraux et Cécile Péchu est de montrer les « limites » et la « faible pertinence » de la théorie perdants-gagnants (p.12) à travers une approche sociologique « internaliste », qui insiste sur l’importance de l’offre partisane et de son interaction avec l’individu, ses propriétés et ses diverses socialisations, pour rendre compte de l’engagement militant à l’UDC (chapitre 1).
En se fondant principalement sur 40 entretiens approfondis avec des militants genevois et zurichois, les auteurs dégagent six profils types de militants UDC et soulignent ainsi la diversité des logiques d’engagement et, plus généralement, l’impossibilité d’attribuer les succès électoraux de l’UDC à la seule mobilisation des « perdants » de la mondialisation. Les populaires (chapitre 3), tout d’abord, sont unis dans leur appartenance à des milieux sociaux plutôt défavorisés et dévalorisés ainsi que dans leur sentiment de dégradation du monde qui les entoure, couplé à une très forte fierté nationale. Deuxièmement, l’engagement militant des déclassés (chapitre 4) se lit avant tout comme moyen de pallier le manque de reconnaissance ou d’intégration sociale qu’ils subissent en raison de leur échec professionnel par rapport à leur famille d’origine. Ensuite, les jeunes antieuropéens (chapitre 5), dont la motivation principale de l’adhésion est l’opposition ferme à l’Union européenne, rejoignent l’UDC vers la fin des années 1990 souvent dans le but de briguer des mandats politiques. Les méritants (chapitre 6), quant à eux, valorisent l’effort personnel (qu’ils consacrent à l’amélioration ou au maintien de leur statut socioéconomique) et, en accord avec les positions défendues par l’UDC, s’opposent généralement à l’interventionnisme étatique. Cette vision libérale du monde est partagée par les libéraux (chapitre 7), qui perçoivent l’UDC comme le seul véritable parti bourgeois, prennent des responsabilités au sein du parti et trouvent dans leur engagement militant un moyen pour défendre leurs intérêts socio-économiques. Enfin, les idéologues et moralistes (chapitre 8), issus de familles bourgeoises aisées et héritiers d’un fort capital culturel, sont avant tout portés sur le conservatisme culturel. Les portraits des différents profils types sont suivis par une conclusion synthétique (chapitre 9), qui met en évidence ce qui réunit les militants en dépit de leur diversité sociale, leurs orientations idéologiques variées et les multiples motifs de leur engagement. Ainsi, la suspicion envers les étrangers et l’attachement à une Suisse traditionnelle ressortent comme thèmes fédérateurs qui permettent au parti de trouver sa cohésion.
Si l’ouvrage de Ph. Gottraux et C. Péchu contribue sans conteste à une meilleure compréhension de la progression de l’UDC et enrichit plus généralement la littérature internationale sur la montée des partis populistes de droite en pro- posant une approche alternative aux théories dominantes de type perdants-gagnants, l’on est tout de même en droit de s’interroger sur la pertinence de leur critique vigoureuse de ces dernières. Premièrement, les auteurs des théories per- dants-gagnants sont loin d’imputer tous les effets politiques à la seule position sociale des individus et de négliger leurs motifs idéologiques et politiques. Ils affirment plutôt que le nouveau clivage perdants-gagnants de la mondialisation se manifeste surtout en termes culturels et identitaires et doit se lire comme un conflit entre les tenants de l’ouverture politique et les défenseurs de la démarcation nationale1. À l’inverse, il est curieux de constater que Ph. Gottraux et C. Péchu se servent principalement des pentes sociales, qui ne sont pas sans rappeler la distinction entre perdants et gagnants, pour construire leur typologie de militants UDC. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que les deux types d’approches arrivent à la même conclusion principale: militants et électeurs UDC sont loin de défendre des posi- tions unanimes sur le libéralisme économique, alors qu’ils se retrouvent dans leur opposition au libéralisme culturel (notamment la question européenne et l’immigration) qui ressort comme le moteur de leur soutien à l’UDC. De plus, les théories perdants-gagnants ne se focalisent pas uniquement sur la demande politique, mais tiennent également compte de l’offre partisane. À titre d’exemple, les auteurs de ces théories affirment que la saillance de ce nouveau clivage dépend de l’effort de mobilisation du parti2 ou soulignent l’importance de la concurrence partisane pour comprendre le succès de l’UDC3. Ensuite, les études électorales ne prétendent pas que l’électorat de l’UDC est homogène et composé uniquement ou principalement de perdants. La théorie stipule plutôt qu’une partie importante des nouveaux électeurs ressemble à des perdants, même si les conclusions empiriques tendent à relativiser l’utilité du critère socio-économique pour déterminer l’électorat UDC avant les élections de 2007. Finalement, il faut se demander à quel point les théories explicatives du choix électoral sont transférables à l’engagement des militants, qui ne constituent qu’une frange spécifique de l’électorat et pour qui d’autres motifs et considérations rentrent en jeu que pour un simple électeur. Dans un autre ressort, on peut aussi regretter que Ph. Gottraux et C. Péchu ne reviennent plus aux histoires contrastées des sections UDC zurichoise et genevoise dans les divers chapitres consacrés aux profils types. Bien que les chercheurs lausannois situent leur enquête dans le contexte de ces deux cantons (chapitre 2), leur analyse ne mentionne plus ces différences et il est difficile d’évaluer si les profils types dégagés sont également pertinents dans ces deux contextes.
En somme, il s’agit toutefois d’un ouvrage important et particulièrement riche en détails, dont le point fort est de saisir la dimension subjective de l’engagement et d’ouvrir des pistes de réflexion prometteuses pour de futures études visant à l’intégration entre approches quantitatives et qualitatives.

Anke Tresch, Revue française de science politique, 62/3, 2012, pp. 490-492

1. Cf. Hanspeter Kriesi, Romain Lachat, Peter Selb, Simon Bornschier, Marc Helbling (dir.), Der Aufstieg der SVP. Acht Kantone im Vergleich, Zurich: NZZ Verlag, 2005. Voir aussi Hanspeter Kriesi, Edgar Grande, Romain Lachat, Martin Dolezal, Simon Bornschier, Timotheos Frey, West European Politics in the Age of Globalization, Cambridge: Cambridge University Press, 2008 (dont a rendu compte Pierre Martin, dans « La politique euro- péenne occidentale à l’âge de la mondialisation », Revue française de science politique, 60 (2), avril 2010, pp. 359-366).

2. Cf. Daniel Oesch, Line Rennwald, « The Class Basis of Switzerland’s Cleavage Between the New Left and the Populist Right », Swiss Political Science Review, 16 (3), 2010, pp. 343-372.

3. H. Kriesi et al. (dir.), Der Austieg des SVP…, op. cit.

Dans la revue Quaderni

Les publications portant sur les « populismes » ou les « extrêmes » qui saturent les univers médiatique et académique traduisent une fascination chez nombre d’observateurs et de chercheurs pour un objet aux contours pourtant flous1. Néanmoins, peu d’ouvrages scientifiques se penchent précisément sur celles et ceux qui sont membres de ces entreprises politiques.

C’est ce que tentent de faire Philippe Gottraux et Cécile Péchu en s’intéressant aux membres de l’Union démocratique du centre (UDC)2 actifs à Genève et à Zurich. Ces enseignants-chercheurs de l’université de Lausanne ont mené3 une recherche approfondie-entretiens biographiques, demandes de réactions à des stimuli photographiques et observations de réunions partisanes-en 2005 et 2006 auprès de quarante militants lato sensu de l’UDC (simples membres, actifs, leaders, élus). Cette recherche visait à déterminer nettement les ressorts de leur engagement et à appréhender ainsi la diversité des membres de ce parti de droite « populiste  » le premier parti suisse en termes de suffrages exprimés. Leur démarche suit une optique « internaliste », qui insiste sur l’importance de l’offre partisane dans l’explication des comportements politiques. Elle cherche en outre au cas par cas à comprendre le « contexte » de l’engagement. C’est un travail faisant preuve d’une rigueur et d’une prudence épistémologique sans faille, refusant les explications mécanistes du succès de l’UDC qui s’apparentent parfois à une stigmatisation voilée des milieux populaires (par exemple, les analyses en termes de coalition de gagnants et de perdants, la combinaison des deux constituant la « formule gagnante » des partis populistes selon Herbert Kitschelt, ou les hypothèses axées sur l’autoritarisme ou la frustration supposés des dominés, schèmes d’explication psychosociaux omniprésents et souvent réductionnistes, reprenant parfois les raccourcis qui ont pu prévaloir dans l’historiographie des fascismes).

Ce voyage dans l’univers militant de l’UDC qui se présente comme une série de portraits détaillés se lit comme un passage en revue des matrices de l’engagement. Une telle déambulation permet aux auteurs de construire une typologie fine à partir des propriétés sociales et des trajectoires personnelles des individus composant leur échantillon. Six grands profils type sont décryptés: les populaires marqués par un rapport au politique peu compétent (subdivisés en trois sous-types, les ouvriers issus soit de la « matrice autoritaire » de droite soit de la gauche et des individus davantage définis par leur marginalité); les déclassés, pour lesquels on distingue entre ceux pour qui la carrière politique joue un rôle de compensation symbolique et ceux pour qui elle permet une intégration sociale évitant la marginalité; les jeunes anti-européens, engagés précoces contre le rapprochement avec l’Union européenne en rupture partielle ou non avec leur tradition familiale; les méritants dont le ressort principal de l’engagement est une forte valorisation anti-étatiste du mérite justifiant leur position sociale-divisés en trois sous-catégories: agents en ascension sociale accédant au statut d’indépendant, connaissant une progression comme salarié, ou luttant contre le déclassement par l’effort; les libéraux, issus des classes supérieures à fort capital économique et en reproduction, qui sont principalement des patrons de petites entreprises héritées mais également des individus proches de l’univers bourgeois « classique »; enfin, les idéologues et moralistes issus des classes supérieures à fort capital culturel hérité (les premiers manifestant un rapport idéologique et compétent à la politique, la Weltanschauung et l’engagement des seconds étant davantage le produit d’une matrice religieuse).

Ce tableau a le mérite de ne pas faire fi des idiosyncrasies, même si cette catégorisation en quatorze sous-types peut paraître traduire une « diversité » qui n’est peut-être pas supérieure à celle de la plupart des autres associations partisanes « non populistes » ni à celle d’autres groupements labellisés « populistes de droite » dans les autres États européens. De surcroît, si les auteurs montrent très bien ce qu’on pourrait nommer une « diversité trajectorielle » des militants de l’UDC, la diversité « idéologique » apparaît quant à elle comparativement faible. En effet, le discours militant, voire l’engagement, apparaissent surdéterminés par ce que les auteurs nomment la « suspicion envers les étrangers » (et dans une moindre mesure, par l’homophobie), un des seuls dénominateurs communs des membres, qui unifie d’autant plus leur univers symbolique que leurs univers sociaux quotidiens sont différenciés. Les auteurs soulignent ainsi que l’attribution principale de la xénophobie aux milieux populaires est très contestable. L’habitus nationaliste des militants de l’UDC semble attester par conséquent la perpétuation de « sous-cultures politiques » dans des sous-univers ethnoculturels conservateurs dont la diversité (sociale, géographique, linguistique) apparente n’estompe pas une forte « cohérence » interne.

Laurent Godmer, Quaderni, la revue de la communication, N°78/2012, pp.125-127

1. Cette fascination n’est pas sans rappeler celle qu’ont pu exercer les « révolutions arabes » qui ouvriraient, par exemple pour Alain Badiou, un « temps des émeutes, par lequel se signale et se constitue un réveil de l’Histoire » (Alain Badiou, Le réveil de l’Histoire, Circonstances, 6, Paris: Lignes, 2011, p.101).

2. UDC en Suisse romande et SVP (Schweizerische Volkspartei-parti du peuple suisse) en Suisse alémanique.

3. Avec Michaël Girod à Zurich.

 

Dans  Contretemps

Les classes populaires, parce qu’elles sont les « perdantes de la mondialisation », votent à l’extrême droite. Voilà en quelques mots la thèse dominante pour expliquer le succès des partis d’extrême droite en Europe. Le succès de l’UDC en Suisse serait basé sur la même recette. Cette théorie « perdants-gagnants » est habilement critiquée par les deux auteurs de l’ouvrage dont il sera ici question. Ne dévoilons pas toutes les critiques qui sont faites à ce modèle mais résumons la principale: la théorie « perdants-gagnants » offre la vision d’une « demande » politique existant en soi préalablement à « l’offre politique ». Comme si les problèmes publics n’étaient pas précisément co-construit par les partis, les acteurs du champ médiatique, désignant des enjeux et des « problèmes ». Bref, l’ouvrage de Gottraux et Péchu l’annonce d’entrée de jeu, il faudra analyser les médiations, tenter un niveau intermédiaire d’analyse et non pas penser mécaniquement (et de façon économiciste).

Il y aurait donc, chez les militants de l’UDC ici analysés, notamment à travers de longues conversations, une transaction entre des acteurs ayant des propriétés (essentiellement idéologiques) et un contexte avec l’image publique d’un parti parmi d’autres partis.

Passé un premier chapitre qui explique donc les partis pris méthodologiques des auteurs, le livre rentre dans le vif du sujet, tout en effectuant une contextualisation serrée des spécificités suisses (peu de professionnalisation du personnel politique, mythe d’une citoyenneté ethno-culturelle, de la neutralité, du rapport cantonal à la politique, démocratie directe référendaire, etc.)

La montée de l’UDC s’est faite progressivement dans les années 1990, principalement en Suisse alémanique. L’UDC a réussi a faire tourner le débat politique autour de ses thèmes idéologiques. Thèmes idéologiques qui sembleront étrangement familiers aux lecteur·rices: dénonciation des parasites sociaux abusant des aides sociales, dénonciation des « réfugiés politiques criminels », d’un Islam envahissant, d’une Gauche responsable de la hausse de la criminalité et des impôts.

Ainsi la rhétorique idéologique de l’UDC allie thématiques traditionnelles de l’extrême droite (xénophobie notamment) par ailleurs anciennement implantés en Suisse, à des thèmes ultra-libéraux (attaque de l’État, exaltation de la liberté individuelle et d’entreprendre) qui doivent lui permettre de se dégager de l’épithète « fasciste ». Surtout, alors même que l’UDC ne peut faire adopter peu de ses propositions, elle pèse durablement sur les débats et tend à faire glisser l’ensemble des forces politiques sur la droite, changeant la donne à moyenne terme.

L’instrument référendaire est utilisé pour rendre visible les thèmes du parti, avec une communication politique relativement inédite (et professionnalisée) d’un style nouveau et provocateur; notamment des affiches-chocs « contre la Gauche et les gentils » – c’est à dire les partis de droite dits « bourgeois » en Suisse – empruntant d’ailleurs aux techniques publicitaires.

Des efforts de propagande qui sont rendus possibles par les ressources financières importantes des chefs du parti, comme Blocher, entrepreneur, ou Walter Frey, importateur de voiture et président de l’UDC à Zurich. Par ailleurs les auteurs tiennent à fortement relativiser, y compris dans un bastion comme Zurich, l’idée que l’UDC disposerait d’une base militante importante et serait fortement implanté sur le terrain. Chez les militants actifs de l’UDC c’est bientôt plutôt une certaine frustration sur le manque d’implication des membres qui surgit spontanément dans les entretiens.

L’effort de contextualisation se fait aussi sur les transformations socio-économiques de la Suisse qui peuvent être résumées à la perte massive des emplois agricoles et du secondaire, ainsi que d’un phénomène intense de périurbanisation. Quant aux migrants ils ne sont plus italiens ou espagnols, mais viennent des Balkans.

La structure de la majorité des chapitres est celle d’un classement des militants de l’UDC, typologie qui n’est pas réellement discuté méthodologiquement. Ainsi s’offriraient à voir des « populaires » qui s’inscriraient dans la dimension protestataire de l’UDC, notamment sur le thème du « vol des emplois par les étrangers » mais aussi d’un « socialisme caviar », qui auraient par ailleurs majoritairement reçu une éducation autoritaire. Leur véritable distance avec les autres militants UDC se manifesteraient par leur attachement au service public et le détachement face au discours libéral du parti. Des typologies, on peut le voir, assez lourdes. Les « déclassés » socialement verraient leur carrière politique comme compensatoire, lieu d’intégration sociale. Mais la majorité des typologies « idéologues », « méritants », « libéraux » se distinguent par un capital économique et social important. Il serait donc bien impossible de limiter l’engagement à l’UDC aux « frustrés » et aux « craintifs ». En réalité, ce serait même les « gagnants » qui manifesteraient le plus de suspicions envers les étrangers.

Il faudrait plutôt constater la présence régulière d’un sentiment de dégradation du monde, de nostalgie réactionnaire, d’une lecture pessimiste de la réalité. Un seconde élément commun serait le rapport au mérite et à l’effort, qui ne serait pas récompensé à sa juste valeur. Il existerait par ailleurs un flottement d’un nombre important de militants sur le rapport à la ligne ultra-libérale du parti, qui pourrait s’expliquer par la tension dans les rapports à l’État. L’hostilité au libéralisme culturel serait plus largement partagée dans l’UDC. Plus généralement, la relative cohésion du parti s’expliquerait par la suspicion envers les étrangers et l’attachement défensif à la Suisse. La relative stigmatisation venant de l’extérieur renforcerait le sentiment d’appartenance au parti et les pratiques militantes assurerait également un renforcement. Il ne faudrait pas pour autant nier les différences internes, preuves de la capacité de l’UDC à mobiliser au-delà des clivages traditionnels, mais aussi source potentielle de tensions.

Pierre Hodel, Contretemps, 9 mars 2012

 

Dans Choisir

Fruit d’une étude universitaire financée par le FNRS (Fonds national de la recherche scientifique), cet ouvrage se penche sur des militants UDC, tant à Zurich qu’en Suisse romande. Les chercheurs ont opté pour la méthode dite qualitative, soit des interviews approfondies d’une vingtaine de militants, dont on tire l’analyse.

L’étude a classé ces militants par « types »: populaires, déclassés, anti-européens, etc. Il en ressort une pluralité de profils, confirmée par les données socioprofessionnelles des interviewés à la fin du livre. Une majorité de ces militants ont fait des études supérieures, voire universitaires, alors que l’on s’attendrait peut-être à n’y voir que des individus à faible formation (comme dans les anciens partis nationalistes-xénophobes). D’où la volonté des analystes de montrer que l’on n’est pas en face de perdants ou de passéistes: l’une des données les plus intéressantes de l’ouvrage.

Face à la question des étrangers, les visions sont également très variées. Toutefois, une agrégation se fait autour du sentiment de « dégradation du monde », de l’importance du mérite, de l' »hostilité au libéralisme culturel » (comprenez des moeurs), ainsi que d’une « logique du soupçon » vis-à-vis des étrangers et des « profiteurs » du système social. Il est peu fait mention par contre de la problématique de l’identité nationale et des mutations des valeurs, pôles de l’UDC. Tout au plus parle-t-on d’un « attachement défensif à la Suisse » (que voilà un jugement de valeur!).

Relevons un tic de certains chercheurs en sciences sociales: des extraits d’interviews retranscrits littéralement (et moi, je… oui, je…), ce qui n’est pas preuve d’objectivité, mais accroît la banalisation de certains propos…

Valérie Bory, Choisir, N°626, février 2012, pp.41-42

 

La force de l’UDC n’est pas due qu’aux « perdants de la mondialisation »

Selon des politologues de l’Université de Lausanne, la force de l’UDC n’est pas due qu’aux « perdants de la mondialisation ». Une étude lausannoise décrit les tribus très diverses qui composent l’électorat du parti populiste. Et pourfend quelques idées reçues.

Pourquoi le succès de l’UDC et, au-delà, des partis populistes en Europe? La question n’a pas fini d’embarrasser les formations politiques traditionnelles, de droite comme de gauche, et de questionner les chercheurs. Les conclusions auxquelles parvient l’étude de deux politologues de l’Université de Lausanne, Philippe Gottraux et Cécile Péchu, se démarquent d’une explication qui verrait dans la fragilisation d’un électorat populaire, en raison de la mondialisation économique, le principal ressort d’une progression, pour ce qui est de l’UDC, sans précédent dans toute l’histoire de l’Etat fédéral. A partir, principalement, d’entretiens approfondis avec 40 militants, 20 à Genève et 20 à Zurich, les deux universitaires font apparaître des logiques d’engagement beaucoup plus complexes, diversifiées et surprenantes.

Le Temps: Votre étude contredit la thèse qui voit dans la fragilisation des « perdants de la mondialisation » la cause du succès de l’UDC. Pourquoi n’y souscrivez-vous pas?

Philippe Gottraux: Cette thèse se fonde sur des sondages post-électoraux. Or ces analyses, c’est le grand problème, négligent le phénomène de l’abstention, particulièrement forte dans les catégories populaires. Leurs données ne permettent pas de savoir si réellement des électeurs de gauche basculent vers l’UDC plutôt que vers l’abstention. Plus fondamentalement, la thèse que vous citez – que l’on retrouve, en France, pour expliquer le vote en faveur du Front national – repose sur un modèle qui tend à faire mécaniquement de la situation socioprofessionnelle le seul critère déterminant, à l’exclusion d’autres espaces socialisateurs, du parcours de vie, etc… Elle ne prend pas non plus en compte les effets induits par l’offre politique elle-même et sa capacité à imposer des thèmes. L’offre ne crée pas ex nihilo la demande mais contribue très largement à la formater. Notre démarche met en évidence la rencontre entre une offre politique qui peut être très différente selon les cantons, et des individus aux parcours variés. C’est un schéma beaucoup plus complexe que l’explication par les « perdants de la mondialisation ».

Que montre donc votre étude?

Nous avons constaté qu’à côté de profils qui sont effectivement fragilisés par l’évolution économique, il existe des « gagnants » de la mondialisation qui se reconnaissent aussi dans les valeurs de l’UDC et contribuent à son succès. Qui plus est, ils ne sont pas toujours ni uniquement attirés par le discours néolibéral de ce parti. Ainsi, la suspicion envers les étrangers est transversale, elle est partagée, avec des nuances dans l’expression, par les six catégories de militants que nous avons distinguées, les « populaires », les déclassés, les jeunes anti-européens, les méritants, les libéraux et les idéologues ou moralistes. Chez les libéraux, la suspicion envers les étrangers est certes plus modérée, mais les positions du parti sur ce thème n’en sont pas moins défendues sans conditions. Ce thème semble donc avoir un effet rassembleur.

Vous soulignez la très relative stigmatisation dont l’UDC serait l’objet, à vos yeux, dans le discours public. Ce constat peut surprendre, dans la mesure où les médias se voient reprocher de contribuer parfois sans discernement à la diabolisation de ce parti….

Cette stigmatisation peut varier selon les cantons. Nous avons constaté un effet d’autocontrôle de la parole des militants plus fort à Genève qu’à Zurich, où les propos peuvent être assez extrêmes. Mais je pense qu’en Suisse, l’UDC connaît une forme de banalisation élevée pour des raisons historiques. Le thème de l' »Überfremdung » est ancien et présent au-delà de la droite de la droite. Par ailleurs, l’UDC est un parti gouvernemental depuis longtemps, à la différence, par exemple, du Front national en France.

Comment les médias sont-ils perçus par les militants que vous avez interrogés?

Ils se montrent méfiants. Les journalistes sont vus comme des gens de gauche qui critiquent l’UDC en permanence. Cette perception tend à renforcer la cohésion entre des militants souvent assez différents les uns des autres. Nous ne leur avons jamais entendu dire en revanche que les médias, en parlant de l’UDC même en termes critiques, lui auraient rendu service.

Votre étude permet-elle de tirer des enseignements sur ce que les adversaires de l’UDC devraient faire pour la combattre plus efficacement?

Je souhaite ne pas quitter mon rôle de scientifique pour endosser celui de prescripteur. Je constate simplement que la force de ce parti est d’offrir un programme « à la carte » qui lui permet de rassembler des militants aux profils très variés.

Quels sont les résultats de votre enquête qui vous ont le plus surpris?

Nous ne nous attendions pas à découvrir chez les jeunes anti-européens des attitudes a priori très contradictoires. Ce sont chez eux en effet que nous avons constaté le plus d’ouverture sur des questions de société telles que le « pacs » ou les drogues douces, mais en même temps une conception très conservatrice des rapports entre hommes et femmes. Nous avons été surpris également de constater dans les classes supérieures des militants UDC, en particulier chez les femmes, de faibles compétences politiques, peu d’aptitudes à séparer un discours subjectif et émotionnel d’une appréhension proprement politique. Nous nous sommes aussi rendu compte du poids de la culture de l’effort, le refus que l’Etat ponctionne les revenus des particuliers, qui traverse toutes les catégories de militants, même les « populaires ». Il s’agit dans ce dernier cas d’accuser « plus petit que soi », requérants d’asile ou bénéficiaires d’aides sociales, de vivre à leur crochet.

Propos recueillis par Denis Masmejan, Le Temps, 19 octobre 2011

 

Comment l’UDC ratisse très large

INTERVIEW  L’Union démocratique du centre mobilise des classes sociales très diverses. A la fois une force et une faiblesse pour le parti blochérien, selon les chercheurs Cécile Péchu et Phillipe Gottraux

Qui sont les militants de l’UDC? Dans le cadre d’un programme soutenu par le Fonds national de la recherche scientifique (FNRS), Philippe Gottraux et Cécile Péchu, maîtres d’enseignement et de recherche en sciences politiques à l’université de Lausanne, ont mené une série d’entretiens à Genève et à Zurich pour analyser les motifs, très contrastés, qui peuvent conduire à une adhésion à l’Union démocratique du centre (UDC). Le résultat de cette recherche est publiée ces jours-ci aux éditions Antipodes. Rencontre.

Comment avez-vous été accueillis par les militants de l’UDC lorsque vous les avez contactés?

Cécile Péchu: Nous étions un peu inquiets au départ. Mais nous avons été très bien reçus. Il est vrai que pour Genève, nous sommes passés par le secrétariat cantonal du parti, qui nous a ensuite orientés. Nous avons participé à plusieurs séances du Cercle de réflexion de l’UDC, qui organise des conférences et qui sert aussi de sas d’entrée pour accueillir des nouveaux militants.

Philippe Gottraux: En revanche, à mi-parcours, le FNRS, qui finançait cette étude, a publié un communiqué qui a mis le feu aux poudres. Notamment par l’intitulé du programme dont fait partie notre étude: « Extrémisme de droite – causes et contre-mesures ». L’UDC nationale a réagi et a protesté contre ce qu’elle estimait être une recherche orientée. A Genève, nous avons repris contact et le différend s’est finalement apaisé.

C.P.: Notre collègue qui a réalisé les interviews à Zurich a fonctionné différemment. L’UDC est un grand parti institutionnel et très implanté. Il a simplement débarqué dans les assemblées qui sont ouvertes et a réalisé les entretiens en se présentant. Là aussi, l’accueil a été bon.

Quand on lit votre ouvrage, on est surpris par la diversité des opinions exprimées. Au point qu’on se demande comment des gens aussi éloignés
 peuvent se reconnaître dans une même formation.

P.G.: C’est à la fois une force et une faiblesse du parti. Une force, parce que cela donne une assise large à 
cette formation qui parvient à attirer des personnes avec des origines et des motivations très diverses. Une faiblesse aussi, car l’UDC est obligée de faire le grand écart. A Genève, le parti a cherché à entrer dans les institutions. Il a notabilisé son discours et a donné des gages à la droite traditionnelle. Ce faisant, il a négligé le discours protestataire ce qui a ouvert un boulevard au Mouvement citoyens genevois qui s’y est engouffré.

Ensuite, au-delà des divergences, il convient aussi de mettre en lumière certains thèmes profondément unificateurs dans cette formation. Parmi ces éléments, relevons la très forte suspicion envers les étrangers, la méfiance par rapport aux influences externes sur l’ordre social et politique suisse. Ou encore l’identification présente envers le parti et son leader Christoph Blocher. Les attaques subies et les critiques souvent virulentes adressées contre l’UDC renforcent à l’interne la nécessité de faire front. Elles cimentent le groupe.

Vous mettez aussi en lumière l’impact des contradictions internes?

P.G.: On trouve des motivations très différentes à l’engagement, selon les origines sociales. Ainsi, les gens issus des milieux populaires ne briguent pas forcément des mandats électifs. Contrairement à d’autres groupes sociaux, ils font preuve d’une distance vis-à-vis des orientations néolibérales du parti. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes.

On voit aussi des militants « historiques », qui ont traversé les années de vaches maigres en Suisse romande, concurrencés par l’arrivée des personnes visant une carrière politique. Ces dernières sont perçues comme mues par la seule ambition. C’est particulièrement visible à Genève où l’UDC est devenue subitement un parti qui compte. En 2005, la direction cherche à améliorer le niveau de sa députation qui était un peu à la peine. Elle a tenté d’écarter certaines personnes jugées peu compétentes ou manquant de fiabilité. Celles-ci sont alors parties fonder le Mouvement citoyens genevois (MCG). Lors d’une assemblée, nous avons assisté à des scènes étonnantes, avec des chefs de sections locales effondrés qui avouent que la plupart de leurs membres ont déserté pour se tourner vers le concurrent populiste.

Chez les jeunes, il est frappant de voir à quel point le vote sur l’Espace économique européen a été fédérateur et a motivé leur entrée en politique.

C.P.: Une des personnes que nous avons interviewée nous a ainsi expliqué que le jour de ses 18 ans, elle s’est faite un piercing, a passé son permis de voiture et a adhéré à l’UDC. Son discours anti-européen s’inscrivait en rupture d’une tradition familiale plutôt à gauche.

Dans cette catégorie de militants, on retrouve des positionnements qui peuvent surprendre, notamment dans le domaine du libéralisme culturel ou économique.

C.P.: On retrouve chez certains individus interrogés un très grand conservatisme en matière de mœurs, voire un discours parfois homophobe. Inversement, chez les jeunes anti-européens, cette question est vécue très différemment. Au cours de nos interviews, nous montrions une photo d’une Gay Pride: elle ne suscitait pas d’opposition. Et le Pacs ne leur pose pas de problème. En revanche, ces mêmes personnes redeviennent très traditionnelles lorsqu’on aborde la question du rôle des femmes. Pour eux, leur place est au foyer, comme mère qui élève les enfants.

Vous vous inscrivez en faux contre la thèse disant que l’UDC fédère les perdants de la mondialisation.

P.G.: C’est tout l’intérêt de mener des entretiens qualitatifs. On sort d’une explication que l’on peut qualifier de monofactorielle et qui ferait de la fragilisation sociale ou économique une explication unique et presque automatique à l’adhésion à des thèses
 extrémistes.

On trouve à l’UDC des individus qui, au contraire, ont une carrière professionnelle jalonnée de succès, et ont un rapport à l’avenir très optimiste. Il est donc réducteur d’attribuer le succès de l’UDC uniquement au processus de fragilisation économique. Certaines des personnes que nous avons interrogées ont eu dans le passé un ancrage à gauche, mais il convient aussi de relever que nos entretiens mettent souvent en évidence, dans les catégories des populaires ou des déclassés, d’autres caractéristiques qui expliquent le positionnement politique de ces personnes. Elles ont souvent grandi dans des familles où l’autorité jouait un grand rôle. Ou encore ont exercé des activités professionnelles dans des domaines très hiérarchisés.

Dans la plupart des cas, les classes populaires qui se sentent abandonnées se réfugient dans l’abstention. Derrière ce discours, il y a aussi une stigmatisation des classes populaires vues comme manquant de sophistication. Et du même coup, une invisibilisation du soutien à l’UDC provenant de groupes sociaux favorisés.

Propos recueillis par Philippe Bach, Le Courrier, 17 octobre 2011

 

Les faux perdants de la mondialisation

Non, les Suisses qui votent UDC ne sont pas forcément des « perdants » du monde globalisé. Deux sociologues ont mené l’enquête auprès de militants du parti. Il se dégage une grande variété de profils et de motivations.

Une interprétation répandue du succès des mouvements populistes en Europe est qu’ils offriraient un refuge consolateur aux « perdants de la mondialisation ». Leurs adhérents et leurs électeurs seraient ainsi des « victimes » d’une économie dénationalisée qui les frustrerait de leurs perspectives professionnelles sur un marché de l’emploi décloisonné. La concurrence internationale et la culture cosmopolite qui l’accompagne les trouveraient donc inadaptés, rapetissés et impuissants. Ils demanderaient de l’aide, feraient valoir leurs droits. Seuls les partis de la droite extrême sauraient les entendre et les accueillir. En Suisse, la montée de l’UDC serait donc l’effet d’une détresse sociale que les partis bourgeois et les partis de gauche auraient négligé d’observer et de prendre en compte, les uns parce qu’ils sont aveugles et les autres parce qu’ils sont caviar. Un bloc populaire en révolte voterait UDC pour faire trembler cet establishment absent à ses devoirs. Il y aurait une demande politique et l’UDC accourrait.

Deux sociologues de l’Université de Lausanne, Philippe Gottraux et Cécile Péchu, posent le problème dans l’autre sens: il existe sur le marché des idées politiques, depuis le milieu des années 1970, une offre programmatique de l’UDC à laquelle répondent plus massivement depuis dix à quinze ans des citoyens inspirés par une multitude de raisons, dont la détresse sociale ne serait ni la principale ni, sociologiquement, la plus représentative.

Les deux chercheurs aboutissent à cette théorie de l’offre par l’observation non pas des électeurs de l’UDC mais de ses militants. Ils ont mené des entretiens approfondis avec quarante d’entre eux, vingt à Genève et vingt à Zurich – deux villes significatives par leurs différences politiques – pour connaître leur trajectoire personnelleet professionnelle, leur vision du monde et les motifs spécifiques de leur engagement.

Aussi limitée que soit l’enquête du point de vue quantitatif, elle donne une vision beaucoup plus diversifiée et complexe du milieu partisan de l’UDC. Elle éclaire les motifs politiques et idéologiques de l’engagement des militants, leurs convictions propres, souvent loin d’un sentiment de manque économique. Elle montre aussi comment l’image publique du parti, embellie par ses succès et le miroir flatteur que lui en offrent les médias, transforme les militants, les attache et contribue à les formater.

L’UDC, selon les résultats de l’enquête, est un milieu culturel à multiples couches. Pour résumer: des militants issus des catégories populaires, peu investis dans la politique avant leur adhésion, et dont les valeurs personnelles sont à droite. Ils sont indifférents au libéralisme économique et peu ouverts au libéralisme culturel. Ils perçoivent le monde comme dégradé et se réfugient dans une valeur sûre, la Suisse. Ils ne se voient pas adhérer à un autre parti de droite ni même voter pour lui. L’UDC contribue à leur reconnaissance sociale. Cette description vaut également pour une deuxième catégorie de militants que les auteurs désignent comme « déclassés » par rapport à leurs origines familiales, c’est-à-dire occupant dans la hiérarchie sociale une position inférieure à celle de leurs parents. La politique représente alors une compensation, un moyen de reconnaissance, voire de réussite sociale.

Une troisième catégorie est celle des « jeunes anti-européens » qui sont entrés dans la politique quand les grandes questions de la politique extérieure de la Suisse ont été mises à l’agenda politique. L’offre de l’UDC s’est présentée à eux comme débouché à leur patriotisme, qu’ils conjuguent sous ses différentes formes, allant d’un fort attachement à la Suisse au nationalisme, au chauvinisme ou à la xénophobie.

Une catégorie, appelée « les méritants », trouve également à l’UDC la réponse à leur conviction que l’effort individuel seul, souvent accompli dans la douleur, produit et mérite l’ascension sociale. Ils se connectent à une vision du monde méritocratique, très présente dans la culture suisse, mais qu’ils jugent affaiblie par les assurances sociales abusées par les tricheurs (étrangers souvent).

Les enquêteurs délimitent encore deux catégories, les libéraux, liés à l’univers des PME, disposant d’un capital économique et intellectuel, auxquels l’UDC offre une médiation pour défendre leurs intérêts socio-économiques; et enfin les « idéologues et moralistes », qui s’engagent pour des idées, soit comme transfuges des partis de la droite traditionnelle, soit comme nouveaux venus à la politique pour la « moraliser ».

Le principal dénominateur commun à tous ces groupes est l’adhésion à la valeur « Suisse » et la lutte contre ceux qui sont perçus comme les non-Suisses, c’est-à-dire toutes les sortes d’étrangers, qu’ils soient Albanais, Allemands ou Français.

On est loin du misérabilisme de la théorie des « perdants de la mondialisation ». D’ailleurs, pourquoi lesdits perdants choisiraient-ils automatiquement de voter à droite? Vu sous cet angle, le succès de l’UDC n’est pas le résultat d’une dévastation économique. Il résulte de l’agrégation de parcours et de destins très variés de militants qui peuvent avoir des opinions souvent opposées sur tel ou tel thème mais qui trouvent à l’UDC une forme ou une autre de rétribution.

Joëlle Kuntz, Le Temps, 15 octobre 2011

 

L’UDC , une machine de guerre

(…) Une armée de militants

« L’UDC offre un programme « à la carte » que les militants, mais aussi les électeurs, s’approprient de manière sélective, indique Philippe Gottraux, auteur avec sa collègue Cécile Péchu d’un récent ouvrage sur les logiques de militantisme à l’UDC (Militants de l’UDC, Editions Antipodes). Certains se reconnaîtront dans son intransigeant programme néolibéral; d’autres dans son offre politique xénophobe; d’autres enfin s’agrégeront sur la question européenne. » Tous ont pourtant une commune « suspicion envers les étrangers », que celle-ci soit de nature économique ou culturelle.

Philippe Gottraux et Cécile Péchu distinguent six sortes de militants. Ceux qu’ils appellent les « populaires » et les « déclassés » sont unis dans leur sentiment d’une certaine « dégradation » de leur pays – la fin du « Sonderfall » helvétique – contre laquelle il faut lutter. Fragilisés, ils s’isolent dans la valeur refuge qu’est la nation et perçoivent les étrangers surtout comme des concurrents sur le marché du travail. Les « jeunes anti-Européens » sont, eux, mus par leur opposition à l’UE. Leur engagement est né au tournant des années 2000 avec l’initiative « Oui à l’Europe » et les votations sur les bilatérales. Les « méritants » et les « libéraux » adhèrent d’abord à une vision néolibérale et méritocratique de la société, qui met l’accent sur la responsabilité individuelle, la valeur de l’effort et s’oppose à l’interventionnisme étatique.

Enfin, les « idéologues et les moralistes » sont plus portés sur la défense de l’identité, la critique de l’islam et la crainte de perdre des valeurs familiales et morales.

Malgré ces divergences, la base de l’UDC se caractérise par une forte discipline et une grande motivation. Cela représente l’un des principaux atouts du parti. Il en a conscience, puisqu’il investit lourdement dans la formation de ses militants. Juste avant la votation sur l’initiative demandant l’expulsion des délinquants étrangers, ils ont pu suivre un cours pour apprendre à défendre cet objet devant les journalistes et les citoyens. (…)

Julie Zaugg, L’Hebdo, N°41, semaine du 13 octobre 2011

 

Voyage au pays de la suspicion

Diversité des profils militants UDC

Alors que les élections fédérales approchent à grands pas, un livre très intéressant jette un éclairage nouveau sur les logiques et motivations qui poussent des hommes et des femmes à se reconnaître, à s’engager et à militer à l’Union démocratique du centre (UDC).

A partir de quarante entretiens approfondis avec des militants de Zurich et Genève, six profils types de militants ont été définis: les populaires, les déclassés, les jeunes antieuropéens, les méritants, les libéraux et les idéologues et moralistes. Rencontre avec les auteurs, Philippe Gottraux et Cécile Péchu.

syndicom, le journal: Qu’avez-vous découvert avec votre étude sur les militants UDC?

Philippe Gottraux et Cécile Péchu: Notre étude met en lumière la capacité de ce parti à attirer des militants de toutes les catégories sociales, et non pas seulement des « perdants de la mondialisation », en situation de difficultés économiques ou de frustration sociale. L’UDC recrute aussi bien des ouvriers que de grands avocats ou patrons, en passant par des petits commerçants. Et à l’intérieur d’un parti souvent perçu comme homogène, il y a une diversité de positions idéologiques. Les militants « populaires » sont tout à fait imperméables au discours néolibéral de leur propre parti, alors que certains militants des classes supérieures viennent précisément rejoindre le parti sur cet enjeu. Par ailleurs, les logiques qui poussent à s’engager vont de la classique recherche de mandat électif, à une simple quête d’intégration sociale, ou encore d’un lieu où partager une colère par rapport à un monde perçu comme immoral.

On lit souvent que l’UDC a su séduire un électorat populaire qui votait à gauche ? Est-ce le cas?

Nous avons travaillé sur les militants et non sur les électeurs, mais nous doutons de cette thèse qui fait de l’UDC le premier parti ouvrier, qui plus est ayant rallié des électeurs de gauche. D’abord parce que la majeure partie des catégories populaires ne vote pas. Les abstentionnistes sont souvent près de 50%, mais encore plus nombreux dans les catégories populaires. On n’est pas non plus en mesure de savoir, au moyen de sondages, si les nouveaux électeurs séduits par l’UDC viennent de la gauche, de la droite classique, ou de l’abstention. Finalement, cette thèse laisse dans l’ombre le poids des soutiens de groupes socialement aisés, bien présents parmi les militants et les électeurs de l’UDC. Pour nous, c’est une forme de stigmatisation des classes populaires qui leur attribue la responsabilité du succès de ce parti.

Chez les militants « populaires », vous montrez néanmoins qu’il y a une dimension protestataire à leur engagement.

En effet on trouve chez ces militants cette dimension protestataire: ils s’engagent pour protester contre les élites en place, pour un parti qui au plan national tient un discours anti-establishment. A Genève, par exemple, militer à l’UDC c’est militer dans un parti « qui n’est pas aux affaires ». D’ailleurs la tentative de certains leaders de l’UDC genevoise de partir dans une quête de respectabilité et d’alliance avec la droite classique est très mal perçue par ces militants. Mais paradoxalement, ils sont en même temps contents d’être associés à une force qui gagne. Notons qu’on peut retrouver cette dimension protestataire également chez des militants plus favorisés socialement, comme certains petits patrons.

Est-ce que le succès de l’UDC provient du fait qu’elle touche des personnes diverses socialement et politiquement, mais qui partagent la même suspicion envers les étrangers et un attachement défensif à la Suisse?

Ces deux thèmes constituent en effet un ciment qui va faire tenir ensemble des catégories sociales aux attentes très diverses. Ils sont affirmés avec plus ou moins de force selon les cas, et déclinés différemment. Les « libéraux » voient par exemple dans les étrangers surtout une menace pour le niveau scolaire, alors que cet aspect est absent chez les « populaires ». Ceux-ci sont plus enclins à percevoir les étrangers comme des concurrents sur le marché du travail et pour les prestations sociales. Mais tout cela reste relativement complexe, car chez une même personne peuvent coexister un registre culturel, de défense de l’identité (ex. « défendre nos valeurs suisses et chrétiennes »), et un registre plus économique (ex. « les abuseurs étrangers »). Les critiques adressées à l’UDC sur le caractère xénophobe de ses campagnes vont aussi renforcer la cohésion entre les militants malgré leurs différences. Et même les moins suspicieux envers les étrangers prendront la défense du parti s’il est accusé de xénophobie.

Propos recueillis par Yves Sancey, Syndicom, le journal, N° 15, 23 septembre 2011

 

L’UDC en quarante militants et sept leçons

Acteur majeur de la scène politique suisse, le parti de Christoph Blocher inspire les auteurs, à l’Université comme dans la presse satirique

Dans la présente campagne électorale, les stratèges de l’Union Démocratique du Centre ne parviennent pas à dicter l’agenda comme ils l’avaient fait il y a quatre ans. Cette manifeste perte d’influence, ils ont de quoi la compenser: on estime que la « machine à fric » de l’UDC a produit un trésor de guerre de 20 millions de francs, lui permettant de dépenser à elle seule davantage que tous les autres partis réunis pour les élections nationales de cet automne.

Ce somptueux budget ne suffira pas à faire de l’ancien conseiller fédéral Christoph Blocher un député au Conseil des Etats. Il n’y croit d’ailleurs pas lui-même, tandis que le président Toni Brunner semble avoir oublié l’objectif fixé de rassembler 30% des suffrages pour le Conseil national.

Le fléchissement de l’UDC rend particulièrement intéressants les éclairages donnés par deux publications récentes sur ce parti qui se revendique porteur de suissitude parfaite et s’avère en réalité tout à fait unschweizerisch. Cela dans la mesure où il se montre très peu porté sur les attributs du système helvétique, fait de compromis, d’arrangements et d’atermoiements aussi énervants que finalement efficients.

Si elles se complètent bien sur le fond, ces deux publications diffèrent en tous points par la forme et par le ton.

Sous le titre Militants de l’UDC. La diversité sociale et politique des engagés, Philippe Gottraux et Cécile Péchu signent un ouvrage qui livre 300 pages d’un texte compact réparti en neuf chapitres massifs. Dans leur langage de sociologues, les auteurs veulent objectiver l’interprétation des entretiens approfondis qu’ils ont conduits dans les années 2004 à 2006 avec 20 militants de Zurich et autant de Genève ainsi que des observations faites dans les circonstances de la vie du parti que les Alémaniques appellent « Parti suisse du peuple ». S’il arrive au terme de tant de pages savantes, le lecteur sait tout sur l’ambiance des années glorieuses de l’UDC triomphante, galvanisée par la présence de son leader au Conseil fédéral.

Elle est par définition plus drôle, L’UDC en 7 leçons données sous la direction de David Laufer qui a pu compter sur les analyses de huit observateurs attentifs (dont deux collaborateurs de Domaine Public) et surtout sur les contributions d’un trio de rédacteurs particulièrement en verve travaillant pour l’hebdomadaire satirique Vigousse, Laurent Flutsch en tête. Ce Petit manuel à l’usage des citoyens se présente en format géant (24×31 cm), favorable à l’aération de textes dont la mise en page soignée s’anime de dessins et recherches graphiques, avec exercices, jeux et devinettes en encadrés. Le tout forme un ensemble alerte, de la plus haute actualité grâce au bouclement tardif de ce Guide Vigousse N°1 tiré à 4500 exemplaires.

Par-delà leurs différences de forme et de propos, les deux publications se font écho et s’éclairent mutuellement.

L’enquête sociologique d’abord. Selon un schéma communément admis, l’UDC réunirait paradoxalement deux types de militants que tout devrait opposer. Il y aurait d’une part la foule de ceux qui se sentent les « perdants » de l’internationalisation économique et de la société multiculturelle et, d’autre part, les grands « gagnants » de cette évolution. Or les portraits des quarante militants étudiés de près révèlent toute la variété des raisons d’adhérer à un parti à la fois nationaliste et protectionniste, ultralibéral et antiétatiste, viscéralement populiste et méfiant à l’égard des élites et autres têtes pensant faux. Par-delà les différences de trajectoires, logiques et motivations personnelles, malgré les écarts individuels par rapport à telle position de leur parti commun, les militants de l’UDC se laissent ranger en six catégories distinctes: les « populaires » qui marchent à l’instinct et dont certains sont venus de gauche; les « déclassés » qui correspondent en gros aux perdants précités en mal de reconnaissance ou d’intégration sociale; les jeunes antieuropéens qui surfent sur la dernière vague du Sonderfall insubmersible; les méritants qui consacrent tous leurs efforts au maintien de leur indépendance économique ou à la lutte contre le déclassement; les libéraux qui se sentent mieux défendus par les « démocrates du centre » que par les radicaux dits du centre-droit; les idéologues et moralistes qui s’alignent vraiment sur les positions et les principes du programme UDC.

Dans leur conclusion, Philippe Gottraux et Cécile Péchu parviennent à expliquer ce qui rassemble les militants, toutes catégories confondues et tensions internes constatées, dans un engagement fondé sur des valeurs assez communes pour permettre une relative cohésion.

De son côté, le Petit manuel fait moins dans l’analyse en profondeur que dans l’approche générale et méthodique, fine et drôle en toutes ses sept « leçons ». A chacune son titre en forme de jeux de mots et son texte en phrases et citations drôles. Mais attention, les formulations recherchées ne sont jamais gratuites, toujours significatives. Elles amusent par leur tournure mais renvoient à un contenu consistant, elles font sourire au premier abord mais ont en réalité une gravité et une justesse qui frappent. Les têtes de chapitre sont de petits chefs-d’œuvre: de « La démocratie, us et abus » aux Jeunes UDC purs et durs jusque dans leurs abstinences mais qui « se lâchent sur la Toile », en prenant pour la plupart la précaution du pseudo. On passe par « L’argent: achat de pouvoir » qui traîte du financement de l’UDC et des autres partis en commençant par un délicieux « Sur nos ronds quand le soleil… ». Mention spéciale pour le titre de la plus joyeuse leçon du Petit manuel, consacrée à la modeste place laissée par l’UDC à « ses » femmes, confinées au foyer, voire à l’étable: « Moi Tarzan, toi Heidi ». Compliment suprême: on frise, en plus léger, le niveau du Canard enchaîné dont les Dossiers ont manifestement inspiré les rédacteurs du premier Guide Vigousse.

C’est à ce dernier que l’on peut emprunter une conclusion générale en forme de boutade, valable pour les deux publications récentes sur l’Union Démocratique du Centre. Dans cette appellation francophone, « le seul terme qui ne soit pas fallacieux, c’est du ».

Yvette Jaggi, Domaine Public, 10 octobre 2011

 

Dans la gueule du bouc

Sociopsychiatrie: Qui sont les militants de l’UDC? Des recalés de l’économie mondialisée? Des racistes? Des riches rentiers zurichois? Des simples d’esprit? Une étude répond: tout cela à la fois, et même pire!

Militants de l’UDC, par Philippe Gottraux et Cécile Pechu, chercheurs à l’Université de Lausanne, est une analyse d’une quarantaine d’entretiens avec ceux qui font le parti du bouc: élus, tâcherons et simples membres. Des « populaires » aux « idéologues » en passant par les « libéraux » et les « jeunes antieuropéens », le livre détaille l’indigeste fourre-tout qu’est le premier parti de Suisse.
On rencontre ainsi Pierre, conducteur de car à la retraite, qui croit à l’autorité sans toutefois « tomber dans l’hitlérisme, quand-même ». Il a « quand-même » un projet pour les homosexuels: « Tous les ramasser et les foutre dans un camp. Fini. » Quant à Paul, chômeur, recalé à l’examen d’entrée de la police, voici comment il conçoit le couple: « Chez moi, quand j’ai fermé la porte, si je veux foutre une tannée à ma femme parce qu’elle m’a fait une saloperie ou n’importe, je le fais. » Paul se dit aussi « un tout petit peu raciste », et comme Pierre il n’aime pas les pédés: « Des choses comme ça, moi, j’installe des mitrailleuses le long du chemin et je joue à Hitler. »

Voici encore le jeune Eric, qui envisage de se convertir au judaïsme, car il se dit attiré par le « côté un peu élitiste » de cette religion. C’est aussi un fin politologue: « Le seul problème, je dirais, c’est qu’on est… on est à l’extrême droite. » Il y a aussi Jean, qui a mis neuf ans pour finir ses études de lettres et trouvé dans l’UDC une « structure contenante qui [l]’empêche de passer à l’acte ». Giorgio, mécanicien à la retraite, est quant à lui un spécialiste de l’économie: « Si le patron est content, il donne plus de salaire. » Bref, une belle brochette de champions.
Donner la parole à ses militants, c’est montrer le capharnaüm absurde qu’est l’UDC: club de rencontre et de soutien, groupe de rattrapage scolaire, garde-fou pour les éléments les plus perturbés, on s’y rassemble autour de la « suspicion à l’égard des étrangers », la trouille de voir le monde se dégrader et le frisson de se croire stigmatisé. Au passage, on y grappille des rétributions minables sous la forme de mandats, honneurs, promotions et pistons divers. Militants de l’UDC se veut une étude aussi neutre et bienveillante que possible. C’est le cas, et son contenu n’en est que plus terrifiant.

Sebastian Dieguez, Vigousse, 23 septembre 2011