Adultes Aînés : les oubliés de la formation

Campiche, Roland J., Kuzeawu, Afi Sika,

2014, 172 pages, 14 €, ISBN:978-2-88901-094-3

Le vieillissement de la population a permis l’éclosion d’une nouvelle période de la vie, où les personnes à la retraite sont pour la plupart en bonne santé physique et mentale. Se pose ainsi la question de leurs besoins en formation et leur rapport au savoir, que cet essai sociologique explore en se référant en priorité aux Uni3.

Format Imprimé - 20,00 CHF

Description

Pourquoi continuer à se former quand on a atteint l’âge de la retraite? Inutile? Coûteux? Plus d’un million et demi de Suisses sont des piliers invisibles de la vie sociale et politique de ce pays, générant de nouveaux besoins en formation. Il s’agit d’y répondre, en les cernant avec soin pour apporter une réponse qui soit adaptée à une population qui a acquis, au fil de la vie, compétences et expériences. La pédagogie elle aussi doit tenir compte de cette situation.

La formation des Adultes Aînés ainsi conçue apportera des éléments propres à donner sens à ce moment de la vie et des clés pour comprendre un monde qui change. Neuf universités du 3e Âge s’efforcent aujourd’hui de relever ces défis en proposant des programmes pertinents, avec l’appui des universités locales. Mais leur organisation est fragile, car elles ne sont guère reconnues publiquement.

En six chapitres bien documentés, ce livre analyse la situation actuelle, décrypte les besoins en formation, légitime sa mise en oeuvre, décrit les institutions existantes et esquisse la pédagogie à inventer. Il s’agit de séduire et non d’imposer. Cantons, Confédération et membres du 2e Âge doivent prendre au sérieux une des grandes mutations de la société contemporaine, caractérisée par l’avènement d’adultes motivés et responsables, mais à la retraite!

Dossier de presse [débat du 18.09.2014]

 

Table des matières

Introduction

1. Les défis à relever

  • L’urgence et l’essentiel
  • Pourquoi ne devraient-ils pas se former?

2. Vieillissement de la population et nouvel âge de la vie

  • Les chiffres parlent d’eux-mêmes
  • L’âge est-il si important?
  • Les Adultes aînés et l’apprentissage la vie durant
  • Les Adultes aînés ou AA (60 à 85 ans)
  • Conclusion: relativisation de l’âge et nouvelle période de la vie

3. Modes de vie des Adultes aînés et identification de leurs besoins en formation

  • La révolte tranquille du 3e âge
  • Les Adultes aînés dans le miroir des représentations
  • Diversité des modes de vie et des aspirations
  • Besoins différenciés en formation
  • Point d’orgue

4. Se former la vie durant, pourquoi et comment?

  • De l’éducation permanente à la formation professionnelle continue
  • Éducation (learning) et vieillissement
  • Défense et illustrations d’une idée vitale
  • Les universités: centres de compétences pour la formation des Adultes aînés
  • Rester en vie, c’est poursuivre sa formation
  • Institutionnalisation de l’apprentissage la vie durant
  • Conclusions

5. Les Uni dans le monde occidental

  • Modèle britannique
  • Modèle français
  • Modèle hybride: l’université du 3e âge de Finlande
  • Les universités du 3e âge en Suisse
  • Une enquête révélatrice
  • Osher Lifelong Learning Institutes: un modèle à suivre ?
  • D’un chapitre à l’autre

6. Pédagogie spécifique ou aiguillon pour une pédagogie renouvelée (Jacques Lanarès, Sandrine Fellay Morante et Denis Berthiaume)

  • La motivation et les freins à l’apprentissage
  • La capacité d’apprendre
  • Favoriser l’autonomie des Adultes aînés
  • Conclusion

Conclusions

  • Les raisons de changer
  • Adultes aînés : acteurs de la révolution tranquille
  • Quelle formation?
  • Le rôle des Uni3
  • Le rôle de la Confédération
  • Qu’attendre alors de la Confédération?
  • Envoi

Presse

Une « source de vie » pour « les adultes aînés »

Il est fréquent de retrouver beaucoup de professionnels à la retraite chercher à poursuivre d’autres activités ou à réaliser une ambition de vie manquée. La retraite est, pour certains, un temps anxieux et stressant où se développent parfois des vices tels la dépendance à l’alcool, les comportements antisociaux… Souvent le retraité ne se sent pas utile et peut développer en lui des attitudes susceptibles de conduire à une mort précoce. Une telle situation appelle à la valorisation des retraités, à travers une formation spécifique. Dans un ouvrage intitulé Adultes Aînés: les oubliés de la formation, Roland J. Campiche (Elvetique) et Afi Sika Kuzeawu, une Togolaise en Suisse), abordent ce problème de nouvel âge sous divers angles touchant la sociologie, la psychologie, la pédagogie, l’économie, le droit, la médecine, la politique, la démographie, l’histoire et autres. En vacances à Lomé, Mlle Kuzeawu s’est exclusivement ouverte à Togo-Presse pour partager les préoccupations soulevées dans l’ouvrage, en les situant dans le contexte africain où le départ à la retraite ne rime pas nécessairement avec la vieillesse.

Adultes Aînés: les oubliés de la formation est un ouvrage de recherche scientifique qui traite de la question de formation des retraités. Cet ouvrage, dont les coauteurs sont Roland J. Campiche et Afi Sika Kuzeawu, se réfère à la société suisse confrontée aux problèmes de vieillesse de la population, où les adultes aînés (les retraités) constituent une tranche sociale dont l’âge varie entre 60 et 85 ans. C’est dire qu’à priori, l’ouvrage s’intéresse plus aux contextes européens qu’africain. Mais. ces centres d’intérêt, selon Mlle Afi Sika Kuzeawu, touchent les sociétés africaines où, dans certains domaines, on peut aller à la retraite à 45 ans. Dans ce dernier cas le retraité est un homme apte à servir ailleurs. Mais, dispose-t-il d’une formation nécessaire pour être serviable? Ailleurs, la retraite est une situation de précarité insupportable qui précipite l’intéressé à la mort. Tout ceci atteste qu’une attention particulière devrait être portée sur cette catégorie sociale en matière de formation pour son mieux-être.

Une autre formation s’impose

Le livre note que les retraités « constituent un formidable réservoir d’énergies créatrices, qui ne demandent qu’à se déployer, pour autant qu’ils puissent entretenir et développer les compétences nécessaires pour ce faire ». En cela, l’ouvrage éclaire sur les défis à relever si l’on veut prendre au sérieux ce nouvel âge de la vie qu’est la retraite, le 3e âge ou encore « le temps des adultes aînés ». C’est une tranche d’âge, dont les besoins en formation n’intéressent personne, étant donné que les sociétés ont tendance à subordonner la formation à l’exercice d’une profession rémunérée. Pour Mlle Afi Sika Kuzeawu, qui est à la fois sociologue, économiste et musicienne, la formation doit être permanente et à vie, vu son importance dans la réalisation de l’Homme dans toute sa plénitude. « Les réactions de quelques éminentes personnalités et chercheurs qui consacrent leur intelligence à trouver des parades aux maladies dégénératives, ouvrent de nouvelles pistes de réflexion. La formation n’est plus seulement un vecteur de développement personnel, d’intégration sociale, de sécurité économique, de citoyenneté politique, mais encore, une source de vie », a-t-elle expliqué en citant le livre.
Pour elle, cette formation doit être spécifique, différente de la manière dont on enseigne les élèves et étudiants. Leur savoir et maturité, ainsi que leurs expériences appellent au développement de nouvelles approches pouvant, paradoxalement, féconder le système de formation dans son entier. Ces approches appellent à passer d’une formation axée sur la transmission d’informations, à une formation ciblée sur l’apprentissage en profondeur, plutôt que sur le vernis culturel. Une formation qui tient compte du style de vie et des besoins qui en découlent. Celle-là qui « aide chacun à penser sa vie, en vue de trouver sa voie », mieux, qui séduit sans s’imposer. Du reste, le présent ouvrage, de l’avis de Mlle Afi Sika Kuzeawu, insiste sur la nécessité de la formation « des adultes aînés » dans l’apport d’éléments propres à donner sens à ce moment de la vie, et dans l’apport des clés pour comprendre un monde qui change, pour éclairer des pans de la vie sociale.

Nécessité de créer un centre de formation

Dans le contexte typiquement africain, il faut dire que des études attestent que beaucoup de retraités n’aimeraient pas se reposer. Dans certains pays, ceux parmi eux qui ne trouvent pas du travail, meurent en grande partie après cinq à dix ans. Pour Mlle Kuzeawu, il est démontré que la formation permet à l’Homme de se maintenir en bonne santé. En Afrique, continuer donc à stimuler intellectuellement les retraités, permettra à coup sûr d’impacter positivement sur leur espérance de vie. Cette formation doit répondre aux intérêts des concernés et se focaliser sur des données leur permettant de comprendre la situation géographique, sociologique et culturelle de leur pays. Ceci, pour identifier dans quel contexte ils prouvent apporter quelque chose à la société, tout en se sentant utiles, en étant en joie et en se divertissant. Selon elle, l’on peut fleurer les yeux sur, par exemple, le parrainage des enfants, sur la manière dont le retraité peut faire profiter de ses expériences à la jeunesse. Il s’agit surtout de lui offrir un repos progressif par un travail à temps partiel. Dans ces conditions, les États devront oeuvrer à mettre en place des centres pour ce genre de formation. Diplômée en sciences économiques et sociales en Allemagne, Mlle Afi Sika  Kuzeawu, s’est spécialisée en statistique, en économétrie et en économie internationale. Elle a publié en 2005 un article scientifique sur « les facteurs déterminant la satisfaction et la réussite des étudiants », suite à un travail de à l’Institut d’études qualitatives de Hanovre.

Bernardin Adjosse, Togo-Presse, No 9859, 26 août 2016

 

Dans la revue Retraite et société

Même si les recherches ont débuté dans les années 1950 à la fois aux États-Unis et en Europe, le champ traité par ce livre reste paradoxalement encore peu connu. Malgré les évolutions démographiques, le savoir sur les « adultes plus âgés » reste faible et il est toujours nécessaire de rappeler qu’apprendre est bien possible tout au long de la vie, y compris dans la vieillesse. Le rapprochement du public âgé de l’idée de formation n’a rien d’aberrant, il relève tout simplement de l’évidence. Le livre de Roland J. Campiche et d’Afi Sika Kuzeawu est dans ce sens une contribution utile à un débat qui devrait pourtant avoir depuis longtemps dépassé le stade de la sensibilisation.
L’écrit est engagé et ne cache pas son orientation militante dont l’objectif consiste à convaincre aussi les instances politiques. Au-delà du contexte spécifique helvétique auquel le livre se réfère de manière ponctuelle dans certaines parties (par exemple, p. 149), les auteurs contribuent, avec leur ouvrage, à la promotion de la thématique dans l’espace culturel francophone. Le livre propose, en six chapitres (et la conclusion), un résumé efficace de certaines questions centrales en lien avec la formation des adultes plus âgés, ceci en appliquant une perspective pluridisciplinaire.
Bien que les auteurs promettent de placer les universités du troisième âge (U3A) au centre de la réflexion (p. 12), cette orientation n’est pas toujours aussi systématique que dans le chapitre V (p. 85 sqq.). L’objectif de faire la promotion des U3A peut tout de même être considéré comme atteint. Mais le livre ratisse en réalité plus largement le champ de la formation des adultes aînés, de manière à faire de l’ouvrage un écrit pouvant intéresser bien au-delà du cercle des U3A.
Le livre annonce dans le premier chapitre les trois défis qu’il souhaite relever: la « communication » pour oeuvrer contre « la réticence sociétale à instituer la formation des Adultes aînés » (p. 18); la « séduction » des publics éloignés de la formation (p. 19) et l’articulation d’une « approche centrée sur l’âge à celle axée sur la formation » (p. 19). Pour ce faire, les chapitres approfondissent d’abord la connaissance du public (chapitres II à IV), avant d’analyser le dispositif U3A sous différentes facettes (chapitre V) et d’enchaîner finalement sur des interrogations pédagogiques (chapitre VI).
Le chapitre II développe les éléments de définition du public en question. Pour les Uni3 – abréviation utilisée dans l’ouvrage pour désigner les U3A –, l’appellation choisie est celle d’Adultes aînés (AA), qui est également celle privilégiée dans l’ensemble de l’ouvrage. Il s’agit, selon la définition livrée, des personnes âgées entre 60 et 85 ans. Ce choix repose sur les « préférences exprimées par les intéressés » eux-mêmes qui englobent la volonté d’être considérés comme « responsables » et perçus comme « des citoyens à plein titre », se distinguant ainsi des assistés ou personnes dépendantes (p. 29). Du fait des évolutions démographiques, ce public se composera de plus en plus des personnes issues de la génération du baby-boom, dont les premiers représentants viennent d’atteindre l’âge de la retraite. Le chapitre III analyse les spécificités de ces générations et conclut que le nombre de retraités s’intéressant à la formation augmentera en quantité et que ces derniers auront « des besoins différenciés en formation ». (p. 49).
L’historique de l’idée d’une formation ne se limitant pas au jeune âge mais embrassant toute la durée de vie, présenté dans le chapitre IV, valorise un passé aussi riche que complexe. Du discours de Condorcet sur l’utilité de l’instruction pendant toute la durée de la vie, en passant par la notion d’éducation permanente dans les années 1970, pour arriver à l’apprentissage et la formation tout au long de la vie – pour ne nommer que trois étapes –, l’évolution n’a pas été continue mais caractérisée par des ruptures. Logiquement, la réponse à la question posée dans l’intitulé du chapitre – « Se former la vie durant, pourquoi et comment? » – varie en fonction des changements paradigmatiques auxquels s’ajoute la complexité des termes et des concepts liés. En effet, éducation, formation, apprentissage représentent des ensembles d’idées fort variés et leur signification peut même changer en fonction des auteurs, des langues ou des législations dans différents États-nations.
Le chapitre V présentant « les Uni3 dans le monde occidental » (p. 85) constitue l’épine dorsale du livre. Sur 30 pages se trouvent des résumés (très) brefs des modèles britannique, français, hybride (U3A de Finlande), les résultats d’une enquête comparative auprès des U3A en Suisse ainsi qu’une présentation détaillée des « Osher lifelong learning institutes » (Olli) aux États-Unis. Les résultats font apparaître la grande diversité des U3A helvétiques à la fois au niveau des activités, de leur conceptualisation mais également au niveau organisationnel. Les auteurs pointent comme éléments communs la fragilité des institutions et soulèvent la nécessité de mener des réflexions sur les questions pédagogiques. Contrastant avec l’expérience Suisse, les Olli d’Outre-Atlantique constituent un modèle intéressant, notamment du fait de l’implication active dans les différentes tâches et activités des retraités eux-mêmes. Leur appréciation se fonde d’ailleurs sur l’expérience de la participation directe d’un des auteurs du livre.
Le chapitre VI est le seul de l’ouvrage à avoir été rédigé par d’autres auteurs (Jacques Lanares, Sandrine Fellay Morante et Denis Berthiaume). Il traite de la question pédagogique en interrogeant sa spécificité éventuelle pour le public des AA. Les angles choisis sont d’un côté la motivation et la capacité des apprenants âgés et, de l’autre côté, les dispositifs. Ces trois thématiques font objet d’introductions informatives pour être mises en lien par la suite. Les facteurs de motivation sont ainsi rapprochés des implications cognitives dans les processus d’apprentissage pour argumenter ensuite les dispositifs appropriés. C’est l’occasion d’aborder avec une brève et synthétique introduction l’apprentissage par l’expérience, particulièrement pertinent dans le contexte des adultes aînés.
Le dernier chapitre regroupe les conclusions et formule des objectifs pour les différents acteurs dans la promotion de la formation des adultes aînés. À côté des instances politiques et conformément à l’intention du livre, ce sont surtout les Uni3 qui en « devraient être les fers de lance » (p. 148).
La structuration de l’ouvrage est limpide et facilite l’orientation. L’argumentaire étaye différents éléments de compréhension de la formation des AA permettant ainsi d’alimenter la réflexion au-delà de l’orientation militante. Le livre constitue dans ce sens un recueil de données riches, réunissant un nombre important de sources convoquées pour étoffer l’argumentaire.
L’analyse consacrée aux Uni3 inclut surtout les résultats d’une enquête auprès des neuf universités du troisième âge en Suisse menée au printemps 2012. Avec une orientation à la fois exploratoire et comparative, elle interroge leurs évolutions stratégiques, les relations institutionnelles qu’elles entretiennent avec les universités locales ainsi que les programmes et pédagogies. Les auteurs s’intéressent aussi au public touché et son implication sur l’orientation de ces organisations. Dans un troisième champ, ils examinent les rapports avec l’environnement, notamment autour de la question du financement par les collectivités et du statut de service public lié. Enfin, un des objectifs visait à questionner la place des Uni3 en Suisse dans l’enchaînement de « l’apprentissage la vie durant » (p. 88). La présentation des résultats s’appuie sur plusieurs graphiques et tableaux illustrant de manière synoptique leurs interprétations et explications. Les lecteurs scientifiques regretteront ici l’absence d’une présentation plus détaillée des éléments méthodologiques de l’enquête ainsi que d’une discussion plus contradictoire des résultats, établissant notamment le lien avec la problématisation des premiers chapitres. Mais conformément à l’objectif de s’adresser à un public plus large, la réflexion répond à son orientation tournée vers l’essentiel. Ceci compte aussi pour la présentation d’un dispositif états-unien de la formation des adultes plus âgés: à la fois pour des raisons financières, organisationnelles et pédagogiques, les Olli constituent une source de réflexion précieuse et innovatrice pour les organisations opérant dans ce champ.
Cette analyse fait ainsi de l’ouvrage un document justifiant sa place dans les bibliothèques dédiées à la formation des publics plus âgés. Il est compréhensible que l’approche suivie n’ait pas permis une analyse plus critique de certains aspects comme des critères servant à définir le public. En effet, le choix de la variable « âge » et la limitation aux personnes âgées de 60 à 85 ans simplifient beaucoup la définition de la population ciblée et se trouvent aussi en contradiction avec la pluralité du public, bien abordée dans l’ouvrage par ailleurs. La même simplification sert à identifier l’ »apprenant singulier » que constitue le senior à la retraite (p. 117). L’homogénéité sous-entendue des adultes plus âgés, qui, de surcroît, se limite ici aux personnes possédant le statut légal de retraité, mériterait une discussion. D’un point de vue scientifique, il paraît ainsi prématuré de conclure en généralisant que « les seniors sont des apprenants auxquels correspondent des caractéristiques bien précises » (p. 131). Ce dilemme est typique dans le champ des adultes plus âgés. Bien qu’existant dans la pratique, le public (que l’on peut appeler par exemple « senior ») échappe encore et toujours à une définition scientifique précise, ce qui entrave son analyse systématique. Mais il est vrai que c’est davantage un problème théorique que pratique et que cela joue, par conséquent, dans ce contexte un rôle secondaire.
En résumé, on peut retenir que l’ouvrage témoigne de l’aboutissement réussi d’un projet qui visait à promouvoir la formation des adultes plus âgés en général, et des U3A en particulier. Ce travail est précieux et intéressera tous les lecteurs souhaitant approfondir leur savoir sur cette thématique. Les conditions devraient ainsi être réunies pour atteindre l’objectif de « séduire » les instances politiques et les « membres du deuxième âge ».

Dominique Kern, Retraite et société, 2015/1, No 70,  pp. 178-181

 

Dans Allez savoir!

La notion de « formation la vie durant » s’arrêterait-elle d’un coup à l’âge de la retraite? Professeur honoraire à l’UNIL, Roland J. Campiche déplore le manque de reconnaissance publique des neuf « universités des seniors » que compte la Suisse, ainsi que le faible intérêt des chercheurs pour ce sujet. Pourtant, l’accroissement de l’espérance de vie ouvre des perspectives, à la fois pour de nouvelles formations et des pédagogies à inventer.

David Spring, Allez savoir!, No 60, mai 2015, p. 61

 

Pour une pédagogie au service de la formation la vie durant

La politique de formation suisse reste uniquement centrée sur les besoins du marché de l’emploi, alors que le monde change: l’espérance de vie augmente, les seniors sont devenus de véritables piliers de la vie sociale et politique et ils aspirent à continuer de se former. Tel est le constat dressé par le Prof. Roland Campiche et Afi Sika Kuzeawu, auteurs du livre Adultes aînés, les oubliés de la formation, paru en septembre 2014 avec le soutien de la Fondation Leenaards.

Apprendre tout au long de la vie! Si cette affirmation est de plus en plus présente dans le discours général sur la formation, elle peine à devenir réalité dans les textes législatifs et, de ce fait, manque de reconnaissance officielle et de soutien financier pour le développement d’une offre spécifique aux seniors. Pour preuve, les récentes discussions autour de la révision de la loi sur la formation continue qui oublie les aînés.

Une pédagogie à inventer

« Tout se passe comme si, passé le Rubicon de la retraite, on entrait dans une zone grise en matière de formation », s’indignait le Prof. Roland Campiche, sociologue, lors du colloque co-organisé par le Pôle de recherche national LIVES à l’occasion de la sortie du livre, paru aux Éditions Antipodes. Aboutissement d’une recherche soutenue notamment par la Fondation Leenaards, cet ouvrage analyse la situation actuelle et décrypte les besoins en formation de centaines de milliers de Suisses retraités. Au chapitre consacré aux institutions déjà existantes pour satisfaire ces nouveaux besoins, en Suisse et ailleurs dans le monde occidental, s’ajoute une réflexion sur la pédagogie à inventer pour tenir compte des spécificités de ce nouveau type d’apprenants, dont le nombre ne cessera d’augmenter dans les années à venir.

Se former pour rester pleinement citoyen

L’objectif de ce livre est de séduire et non d’imposer, précise son auteur, pour qui l’essentiel est de faire passer le message que « la formation a une autre fonction que de rendre compétent pour l’exécution d’une tâche spécifique ». Et ce, notamment au moment où cesse l’activité professionnelle, lorsqu’il s’agit de repenser sa vie pour rester pleinement citoyen, en forme, épanoui et en contact avec
les autres durant vingt à vingt-cinq ans. « Voire pour servir de vivier de main-d’œuvre indigène après l’électrochoc du 9 février », lançait de façon volontairement provocatrice la conseillère aux États Géraldine Savary, intervenante lors du colloque.

Quels moyens?

Si tous les participants à ce colloque se sont déclarés convaincus par la cause, les avis étaient plus partagés sur les moyens à développer pour y parvenir. Engager un financement public? Créer des bases légales? Renforcer le rôle aujourd’hui assumé par les neuf Universités du 3e âge de Suisse ou, au contraire, diversifier l’offre à l’intention des seniors? Le débat est lancé!
Un débat qui se poursuivra en tout cas dans le canton de Vaud, où un postulat récemment accepté demande au Conseil d’Etat de concevoir une véritable politique de formation des aînés, intégrée à sa politique du vieillissement et complémentaire aux initiatives déjà prises dans les domaines de la santé et du social. Mais la Suisse alémanique ne sera pas en reste: l’ouvrage paraîtra prochainement en allemand aux Éditions Seismo.

Fondation Leenaards, Rapport d’activité 2014, pp. 32-33

 

« La formation sert à vivre, pas seulement à trouver un travail »

Faut-il continuer à se former après la retraite? Aucun doute! Pour le sociologue Roland J. Campiche, il est urgent que les seniors, toujours plus nombreux, puissent continuer à apprendre. D’autant qu’ils sont souvent en forme, physiquement et intellectuellement…

Un livre entier consacré à la formation des seniors. Pourquoi?

Parce que l’avènement d’un nouvel âge de la vie, le fameux troisième âge, est le phénomène le plus important des XXe et XXIe siècles. D’ailleurs, on utilise toutes sortes d’appellations pour parler des retraités: les seniors, les AVS, les « young olds »… Moi, je préfère les nommer « les adultes aînés ». Une façon de dire que les personnes qui arrivent à la retraite ne sont ni des marginaux ni des assistés, mais qu’elles restent des adultes, qui ont droit à l’entier de la considération sociale.

L’espérance de vie s’est allongée, ce qui change la donne…

Disons que les temps de la vie se sont multipliés. A la fin du siècle dernier, on parlait du troisième âge, qui se situe grosso modo entre 60 et 85 ans. L’allongement de la vie n’étant pas terminé, on pense tout de même que 94 ans sera le terme moyen. Du coup, on distingue maintenant une autre étape, le quatrième âge, celui de la fragilisation où apparaissent les petits maux de la vieillesse.
Mais assimiler, comme on le fait souvent, la vieillesse à l’impotence, est erroné. Beaucoup de gens ont 90 ans et sont capables de faire leurs courses, de conduire une voiture, d’avoir une vraie vie intellectuelle. On pense qu’une personne sur huit au milieu de ce siècle sera atteinte d’Alzheimer. Mais la réalisation de cette prévision médicale dépend aussi de la manière dont notre société considérera la prévention. Laquelle consiste, par exemple, à faire travailler ses neurones, le plus tôt possible, pour se constituer un capital pour plus tard. Or gagner six mois sur la maladie représente une économie très importante.

Mais en quoi les seniors d’aujourd’hui sont-ils différents des précédents?

C’est la génération des baby-boomers, née après-guerre, entre 1943 et 1960. Ce sont des gens en meilleure santé que ceux de la génération précédente. Ils arrivent à la retraite avec une énergie intacte, un haut niveau de formation et veulent rester actifs. Ils ont des projets de voyage et de plage, certes, mais également l’envie de continuer une profession. L’idée 65 ans égale ne rien faire, c’est fini! Beaucoup veulent lancer des projets rêvés, par exemple artistiques, ou s’engager dans le bénévolat. Autant d’activités ou de services qui nécessitent un suivi dans la formation.

Justement vous insistez sur l’importance de la formation continue…

Oui, parce que plus on avance et plus on s’aperçoit que l’on ne sait pas grand-chose. Le savoir, c’est comme les semelles de soulier, ça s’use et doit être renouvelé. Si on veut rester à niveau et ne pas devenir un vieux schnock, il faut continuer tout le temps à se former pour comprendre la vie, comprendre les autres, rester au fait des changements qui s’opèrent dans la société. Une société dans laquelle les adultes aînés ont aussi un rôle à jouer.

Mais, exclus du monde professionnel, quel rôle les seniors peuvent-ils encore tenir?

Les adultes aînés ont accumulé compétences et expériences! Ils peuvent amener une réflexion et une mise en perspective. Ils sont aussi la mémoire d’une société. Prenez les différents dossiers dont on parle actuellement, comme les banques, l’énergie nucléaire, les migrations ou l’aménagement du territoire. Autant de sujets dont on a déjà débattu dans les années 1980… Il faut des personnes pour se souvenir, pouvoir dire stop, se rendre compte que l’on recommence les mêmes discussions avec les mêmes arguments et se demander si cela fait sens.
En Allemagne, on réfléchit à associer les aînés et les jeunes générations pour se pencher ensemble sur les problèmes difficiles de notre temps. Cela permet de reconnaître la valeur de ceux qui ont atteint le Rubicon de la retraite et de favoriser les relations intergénérationnelles. Mais il faut d’abord casser les préjugés, les fausses images qui rendent les relations difficiles. Comme dire que les vieux sont inutiles et qu’ils coûtent cher à la société, ce qui n’est pas vrai: ce sont les six derniers mois de la vie qui coûtent cher d’un point de vue médical. Ou que l’AVS est en perdition, un discours très idéologisé, que l’on entendait déjà dans les années 90…

En 2040, un tiers de la population aura plus de 60 ans. C’est une force politique également…

Oui, notre société doit apprendre à vivre avec une population qui sera organisée différemment et où les adultes aînés auront un poids considérable. Si l’on ne veut pas que notre société devienne conservatrice avec des gens qui disent constamment « de mon temps », il faut que ceux-ci aient la possibilité de continuer à se former pour comprendre les enjeux de la société. Comme on sait que ce sont les gens de 70 ans qui votent actuellement le plus, il vaudrait mieux leur donner les moyens de bien se préparer aux décisions…

D’où l’importance de la formation continue. Or la Suisse ne compte que neuf Uni3, qui ne reçoivent aucun soutien financier de la Confédération. Pourquoi aussi peu d’enthousiasme?

Parce que d’un point de vue idéologique, il y a tout un courant pour dire que la formation continue doit être une affaire individuelle. Et parce que les stéréotypes ont la vie dure: quand vous avez passé l’âge de la retraite, on ne voit plus quelle est votre utilité sociale. Comme si la vie s’arrêtait à 65 ans! C’est une conception qu’il faut absolument changer et revenir aux idées de la formation permanente, lancées dans les années 1960, idées qui se sont malheureusement effilochées.
La formation continue est aujourd’hui essentiellement liée à l’exercice d’une profession, comme si la vie devait se focaliser sur une activité rémunérée. La formation sert à vivre, pas seulement à trouver un travail. Or, si l’on veut que la culture reste un fleuron de l’humanisation de la société, il faut que la formation soit multiple, ouverte à l’ensemble de la population et ne se focalise pas sur le payant, l’utile, le performant.

Quel message aimeriez-vous faire passer à la Confédération?

Mon message est très simple: il faut que la Confédération reconnaisse les Uni3 pour que les adultes aînés se sentent valorisés. Actuellement, ce sont tous des bénévoles qui tirent la langue pour faire vivre ces institutions et trouver des fonds. Ensuite, il faudrait penser comment ces universités qui touchent entre 20’000 et 30’000 personnes pourraient mieux jouer leur rôle par rapport au million et demi de retraités qui ont entre 60 et 85 ans. Une des priorités est de donner les moyens aux responsables de se former, et de réfléchir à la pédagogie adaptée aux seniors. Il faudrait un subside de 500’000 francs à la Fédération suisse des Uni3 pour qu’elle puisse mieux remplir sa mission. Et le Fonds national suisse de la recherche pourrait lancer un programme national de recherche pour mieux connaître ces gens et leurs besoins.

Est-ce qu’il y a des différences entre la Suisse alémanique et la Suisse romande?

Les premières Uni3 sont nées en Suisse romande, à Genève, Lausanne, Neuchâtel dans les années 1970. Celles de Suisse allemande sont créées un peu plus tard. Chacune a son génie propre. Le trait commun est qu’elles sont toutes liées à une université. Lucerne, la dernière née, a été beaucoup soutenue par le canton et la ville. Mais, signe des temps, lors de récentes restrictions budgétaires, on a coupé dans les subventions à l’Uni3. C’est dire le crédit que l’on accorde à ces institutions…

Quelle est la situation dans les autres pays?

Les Etats-Unis sont en avance, ils ont développé les Osher Lifelong Learning Institutes, qui font un excellent travail. Mais leur financement est assuré par un mécénat: un milliardaire attribue des subsides de 100’000 dollars à toute personne désirant créer une université, pour autant qu’elle respect certaines normes. A savoir, en particulier, que l’institution soit « non-credit », autrement dit qu’elle ne décerne aucun diplôme, ce qui montre que la formation ne sert pas uniquement à gagner sa vie, mais à vivre sa vie. De même les cours ne doivent pas être donnés par internet, mais in situ, afin de favoriser les rencontres et les échanges.

Une sorte de formation sans finalité, juste pour le plaisir…

Oui, mais aussi avec une vraie fonction sociale. Aux Etats-Unis, les aînés passent souvent leur retraite dans un autre Etat que celui où ils ont vécu. Du coup, les Unis3 sont l’occasion de se refaire un réseau d’amis. Ça crée du lien social. On sait que dans les grandes villes, la dominante est les ménages à une personne. D’où l’importance de multiplier à tous les âges les possibilités de rencontre et de convivialité. Les Uni3 peuvent jouer ce rôle, en organisant des conférences, des visites culturelles par exemple. Et en pratiquant une politique des prix bas pour permettre à un maximum de gens de participer. Et contrairement à ce qu’on croit souvent, les universités pour les seniors ne sont pas réservées à une élite. Toute personne qui a exercé une profession, même si elle n’a pas fréquenté l’université, a acquis des connaissances tout aussi pertinentes et échangeables.

La formation à tout âge: un idéal qui n’est pas dans l’air du temps… Il faudrait un changement total de regard!

Oui, c’est un idéal, qui révèle quelque chose des valeurs d’une collectivité. On dit que la force d’une société tient dans l’attention qu’elle prête aux plus petits. Elle tient aussi à la qualité de la formation à tous les âges.

Et vous, vous la vivez comment la retraite?

Je n’ai jamais arrêté en fait. J’ai continué mes travaux en sociologie de la religion. J’ai passé la main de la présidence de l’Université des seniors, parce que je considère que le pouvoir corrompt et qu’il ne faut pas y rester trop longtemps. Mais la retraite, je ne sais pas encore ce que c’est!

Patricia Brambilla, Migros Magazine, Nº 51, 15 décembre 2014

 

« 1,5 million de Suisses sont marginalisés »

Les adultes aînés sont les oubliés de la formation, dites-vous. Mais politiquement, on parle énormément des seniors et des aînés, non?

Il est vrai que nous parlons beaucoup du vieillissement, mais, dans la majorité des cas, en lien avec les maladies dégénératives. La politique du vieillissement en Suisse a aujourd’hui deux piliers essentiels: l’un est médical, l’autre social. Je n’ai aucune critique à formuler là contre, mais il manque le piller de la formation. Le fait qu’il n’existe pas est, au fond, le signe que l’on n’a pas encore perçu que le vieillissement est devenu un processus long et non homogène. Il s’est creusé un nouvel espace de vie, de 60 à 85 ans, que nous n’assumons pas encore vraiment. Les gens dans l’âge d’après la retraite ont aussi besoin d’avoir un endroit où réfléchir au sens de leur nouvelle existence et où se former. 

Les pouvoirs publics ont une approche utilitaire de la formation. Comment voulez-vous changer cela? 

Il faut revenir au sens même de la formation dans la société. Aujourd’hui, elle se limite à l’exercice d’une profession, alors qu’elle a une tout autre fonction. Elle est là pour aider à vivre à tous les stades de l’existence. Dans les instances internationales, on ne cesse de parler de l’apprentissage durant toute la vie. Nos instances fédérales se contentent, elles, de le proclamer sans en tirer les conséquences. Il est intéressant de constater qu’aux Etats-Unis, où les Universités du 3e âge ont connu un essor fantastique dans les années 90, on a compris que la formation a un rôle sociétal important qui va au-delà de la performance ou de la productivité.

Mais qu’est-ce que la société a à gagner de former davantage les ainés et d’y investir plus de moyens?

Sur le plan citoyen, les institutions ont tout intérêt à ce que les adultes aînés soient capables d’exercer la démocratie, en étant en capacité de voter en toute connaissance de cause. Deuxièmement, le bénévolat par exemple nécessite souvent une formation. Troisièmement, l’Etat est toujours intéressé à sa bourse. Or il est prouvé que maintenir les gens en bonne santé mentale représente un gain énorme. Finalement, cela ne coûterait rien de reconnaître les Universités du 3e âge au niveau légal. Et la subvention demandée au niveau fédéral est misérable par rapport au budget actuel de la recherche et de la formation. Marginaliser de la sorte le million et demi de personnes entre 60 et 85 ans qui résident en Suisse relève aujourd’hui du mépris.

 Lise Bailat, 24 Heures, 5 novembre 2014

 

La formation des aînés, un droit à garantir

Les 60-85 ans sont les oubliés de la formation, déplore le sociologue Roland Campiche. Dans un ouvrage bien documenté, il décrit de nouveaux besoins et voit les universités populaires comme la clef de voûte d’un dispositif qu’il revient à l’Etat de renforcer

Le livre que signent le sociologue Roland Campiche et l’économiste Afi Sika Kuzeawu exprime une conviction forte. Et il lance un cri d’alarme: il convient de prendre au sérieux une des grandes mutations de la société contemporaine, à savoir l’avènement d’adultes motivés et responsables, mais à la retraite. Cela passe, défendent les auteurs, par un geste politique: reconnaître un droit à la formation aux « adultes aînés », les 60-85 ans.

« Qui n’a pas entendu un politicien vanter les mérites de l’apprentissage ‘la vie durant? » questionne Roland Campiche. Or, les textes de loi qui règlent l’éducation, l’accès à la formation et le marché du travail ignorent les seniors, ce million et demi de Suisses qui ont atteint l’âge de la retraite et ne sont pas encore concernés par les fragilités et les dépendances du quatrième âge. Ce « déni », critique Roland Campiche, reflète une approche utilitariste de la formation et un regard obsolète sur la retraite, à renouveler.

L’expérience montre que les baby-boomers à la retraite n’aspirent pas à un repos passif après une vie professionnelle remplie. En Suisse, un sur deux veut rester actif, selon une enquête citée. Ils ont faim de s’épanouir différemment et de comprendre le monde contemporain dans lequel ils évoluent, souligne le sociologue. Roland Campiche milite depuis des années pour que soit apportée une réponse adaptée à leurs besoins. Il voit dans les Uni3 – les universités du troisième âge – la clef de voûte de cette formation des aînés qu’il appelle de ses vœux. Le bien-être des apprenants augmente, leur autonomie se renforce et toute la société en profite, assurent les auteurs dans un ouvrage richement documenté et qui cerne bien le sujet.

La priorité donnée aux Uni3 et assumée sans complexe par Roland Campiche l’expose au reproche d’élitisme. Reproche renforcé par le fait que l’ouvrage n’accorde pas d’attention particulière aux autres offres de formation proposées aux seniors par le secteur privé – apprendre le japonais, jouer d’un instrument, s’initier à un sport, découvrir l’informatique ou encore se former à une tâche bénévole.

Une modeste subvention

Le sociologue et professeur honoraire de l’UNIL, qui a lui-même présidé l’Université des seniors du canton de Vaud, privilégie l’accès à la connaissance sans bien sûr nier la diversité des aspirations. Il déplore qu’en Suisse les Uni3 – on en dénombre neuf – soient trop fragiles et leurs moyens insuffisants pour répondre aux besoins nouveaux qu’il identifie. Il a visité d’autres pays et cite en exemple le modèle américain des Osher Lifelong Learning Institutes (OLLI), combinant initiatives publiques et privées. Il plaide pour davantage d’ambition de la part de la Confédération et des cantons. Une subvention modeste – 500 000 francs – aurait déjà de grands résultats. C’est vrai que ce n’est pas réclamer la lune.

 François Modoux, Le Temps, 4 novembre 2014

 

Les oubliés de la formation continue

Notre pays se dote enfin d’une loi cadre sur la formation continue mais ne paraît concevoir la formation qu’en vue de favoriser l’emploi et le développement professionnel. Sans établir de lien avec les grands discours sur l’heureuse augmentation de l’espérance de vie et le souci du maintien de la santé tout au long de l’existence.

Sans prendre en compte les milliers de retraités qui sont les indispensables piliers de la société, tant dans le domaine des proches aidants ou de la garde des petits enfants que dans celui de la participation bénévole à des projets d’intégration, de culture, de sport ou de partage.

Le plaidoyer de Roland Campiche dans son livre Adultes aînés, les oubliés de la formation vient donc à son heure. Celui qui a permis de créer Connaissance 3, celui qui sait combien la formation donne du sens à la vie et qui défend le développement d’une pédagogie renouvelée sait de quoi il parle. Simplement, au fil des pages, il développe des arguments et des preuves de ce qui est indispensable et possible. Les recherches sur les retraités montrent d’ailleurs que ceux qui participent à une activité d’apprentissage sont en meilleure santé et vivent mieux, ce qui va de paire avec une diminution des coûts des soins de santé, un argument qui ne devrait pas laisser insensible la Confédération.

Or, l’auteur remarque que ceux qui arrivent à l’âge de la retraite paraissent sortir soudainement de la catégorie des adultes pour être catalogués dans celle des « seniors » ou des « aînés », comme s’il s’agissait d’une nouvelle espèce protégée, sans potentiel. Comme si la formation continue ne les concernait plus.

Certes, il y a une grande disparité entre les personnes déjà bien formées à la base et qui ont eu la possibilité d’entreprendre de nouvelles formations et celles qui ont perdu, au fil des années, des compétences ou l’envie de les développer. L’âge de la retraite est une occasion fantastique de rétablir un meilleur équilibre et de lutter avec efficacité pour l’intégration de tous et de toutes dans la société actuelle.

Les associations de retraites savent combien donner l’occasion d’organiser ou de participer à des animations, à des activités sociales et culturelles, à des aides ponctuelles comme le remplissage des feuilles d’impôts pour leurs concitoyens, permet de développer des compétences et l’estime de soi. 

Puisse l’utile ouvrage de Roland Campiche faire comprendre qu’il doit y avoir dans notre société un projet humain de vie allant de la naissance à la mort. 

Christiane Jaquet-Berger, Le Courrier de l’Avivo Vaud, 6/2014, p. 29

Bulletin de l’AVIVO – Billet présidentiel du 1er septembre 2014

“Se former pour ne pas devenir un vieux schnock”, tel est le titre de la conférence à laquelle j’ai eu la chance et le plaisir d’assister, au mois de juin dernier, lors de la dernière assemblée générale de la plate-forme des associations d’aînés “AGORA”.

Or, ce même mois de juin, les chambres fédérales ont adopté le texte de la nouvelle loi fédérale sur la formation continue. En quoi cela peut-il bien nous concerner, nous qui en avons fini avec le vie professionnelle, me direz-vous ? Pourquoi la formation continue ne devrait-elle concerner que les savoirs et compétences professionnels? La vie s’arrête-t-elle à 65 ans? les 15, 20, 30 voire 35 ans suivants ne doivent-ils être consacrés qu’aux loisirs préfabriqués? N’avons-nous plus notre place dans la vie citoyenne? La société suisse n’attend-elle plus rien du quart de sa population? Nos savoirs, nos compétences, notre expérience sont-elles juste bonnes pour la poubelle?

L’art. 1 de la nouvelle loi spécifie que “la présente loi vise à renforcer la formation continue en tant que partie intégrante de l’apprentissage tout au long de la vie…” Malheureusement, la suite de la loi ne fait état que de la formation continue dans le cadre de la vie professionnelle.

Pourtant, notre rôle de grands-parents auprès de nos petits-enfants est reconnu tant par le monde politique qu’économique. Les économistes qui aiment bien chiffrer les choses parlent d’une activité valant 3 milliards annuels.

Notre implication dans la vie associative, extrêmement importante pour une société équilibrée est toujours plus forte du fait de notre disponibilité.

La présence des plus de 65 ans dans les parlements est bien représentative de la part de la population que nous représentons. N’en trouve-t-on pas également dans les exécutifs de communes qui sont bien soulagées d’avoir des municipaux disponibles. Il paraît que les septuagénaires représentent la classe d’âge qui vote le plus.

Ne parlons pas de la place des aînés dans le bénévolat…

Pour remplir toutes ces tâches, à la vitesse à laquelle arrivent les changements, les innovations, ne serait-il pas nécessaire, utile et bénéfique que nous puissions mettre à jour nos savoirs et compétences? Rester dans le coup. Combien de générations entre l’enfance d’un septuagénaire et sa petite-fille de 10 ans? La conduite d’une association, le travail dans un parlement, un engagement bénévole auprès des personnes en difficulté. Tout aujourd’hui se fait à un rythme différent, à l’aide d’outils évoluant en permanence. Se donner les moyens de se maintenir dans la société en cours n’est-ce pas de la formation continue?

Alors que nos autorités prônent une intégration de toutes les classes d’âge dans la société et le développement des relations intergénérationnelles, ce qui est également notre souhait, il serait profitable de favoriser la mise à jour des modifications technologiques et socioculturelles des aînés.

Nos représentants aux chambres fédérales n’ignorent pas, ne devraient pas ignorer, que si l’exercice physique permet aux aînés de se maintenir en bonne santé et donc d’engendrer de coûts de santé, faire travailler son cerveau, maintenir sa curiosité, continuer d’apprendre jusqu’au bout de notre vie sont des bons moyens de prévenir les maladies dégénératives.

Soutenir les associations qui organisent et offrent de la formation, des activités culturelles. Encourager les aînés à la découverte, à continuer d’apprendre, à exercer leur curiosité, à se maintenir au fait de ce qui se passe aujourd’hui contribuera au maintien des aînés dans la société à leur profit et à celui de toute la société.

Une formation continue pour les aînés, c’est aussi recevoir, intégrer le savoir et l’expérience qu’ils ont acquis tout au long de leur vie. 

L’AVIVO, dont les activités des sections sont organisées par les membres eux-mêmes en fonction des souhaits exprimés et des compétences présentes, permet à ses adhérents, non seulement de découvrir et d’exercer des activités nouvelles ou déjà connues, mais également d’appliquer des compétences acquises précédemment. Beaucoup trouvent dans cet engagement un stimulant et une occasion de garder une bonne confiance en soi.

Votre Président

Roland Rapaz 

Sur Reiso [http://www.reiso.org/]

Les idées toutes faites limitent la compréhension du vieillissement à un processus de perte, voire à un temps d’agonie! Dans cet article et dans l’ouvrage qu’il présente, nous désignons les cohortes de ce nouvel âge par l’expression « adultes aînés » pour stipuler qu’il s’agit d’acteurs sociaux à part entière et non d’une espèce à protéger. Car un défi nous est lancé par ces bouleversements touchant le cours de l’existence. Comment marier cette nouvelle réalité au droit conféré à chacun et à chacune de recevoir une formation la vie durant. Autant il apparaît « naturel » que les enfants dès 4 ans entrent dans un système de formation, autant il apparaît « normal » que les personnes ayant dépassé les 65 ans n’apparaissent plus dans les statistiques de la formation continue. Après la mort sociale, voici la mort cognitive!

Mais le défi va bien au-delà. En abordant le droit à la formation des adultes aînés, c’est le statut et la raison d’être du savoir et de sa diffusion qui entrent en discussion. S’agit-il d’un droit visant exclusivement la socialisation primaire et la préparation à l’exercice d’une profession rémunérée ou d’un droit plus large, favorisant la vie, l’épanouissement personnel et la participation citoyenne à la vie de la société?

Depuis les années 1970, les Universités du Troisième Age (Uni3) ou Universités des Seniors tentent un peu partout en Europe et en Amérique du Nord d’offrir aux adultes aînés des programmes d’ »apprentissage la vie durant », idée chère aux organisations internationales, mais quasi ignorée sur le plan national. Même si elles sont le plus souvent liées par un accord avec une université locale, ces universités n’apparaissent pas dans l’organigramme du système de formation. Plus est, elles ne touchent qu’une partie infime de la population concernée, faute de moyens et de soutiens suffisants. […]

Lire la suite: http://www.reiso.org/spip.php?article4552

 

Formation et adultes aînés

Depuis les années 1970, les universités des seniors tentent un peu partout en Europe et en Amérique du Nord d’offrir des programmes d’apprentissage aux adultes aînés. Mais elles n’apparaissent pas dans l’organigramme du système de formation, et ne touchent qu’une partie infime de la population concernée, faute de moyens et de soutiens suffisants. A quoi attribuer la résistance de cette inscription dans le système de formation? s’interrogent Roland J. Campiche, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, et Afi Sika Kuzeawu dans un livre intitulé Adultes aînés, les oubliés de la formation.

Les auteurs constatent que la question de la formation reste uniquement centrée sur les besoins du marché de l’emploi. Elle est totalement déconnectée de cette nouvelle réalité humaine qui voit de plus en plus d’adultes aptes à apprendre et à transmettre une fois leur carrière achevée, mais dont les besoins persistants d’épanouissement sont ignorés. En Suisse, un million et demi de personnes sont âgées de 60 à 85 ans, et donc potentiellement concernées. Une véritable pédagogie tournée vers les seniors, prenant en compte leurs savoirs, compétences et expériences, reste en tout cas à inventer, postulent Roland J. Campiche et Afi Sika Kuzeawu. […]

Claudine Dubois, La Liberté, 16 septembre 2014

On a encore besoin d’apprendre passé 65 ans: une évidence qui fait son chemin

Une table ronde soutenue par le Pôle de recherche national LIVES le 18 septembre 2014 à Lausanne a réuni plusieurs acteurs politiques, académiques, économiques et associatifs autour de la question de la formation des seniors, à l’occasion de la sortie du livre plaidoyer de Roland J. Campiche et Afi Sika Kuzeawu. Si les participants étaient d’accord sur l’urgence des besoins, ils peinent à s’accorder sur les mesures à prendre.
« J’avoue que ce livre a un peu bousculé mes certitudes: ses constats devraient être évidents, mais ils ne m’avaient pas encore frappé, et ils n’ont pas encore pénétré tout le monde », a déclaré jeudi 18 septembre Guy Parmelin, conseiller national UDC, lors de la table ronde organisée par le PRN LIVES en collaboration avec la Fédération suisse des Universités du 3e âge, la Fondation Leenaards et la Fondation Champ-Soleil, et suivie par près de 80 personnes à l’hôtel Continental de Lausanne. Animé par la journaliste Manuela Salvi, le débat a réuni un large consensus sur la place grandissante des aînés dans la société. « Ensemble ils forment la plus grande garderie de Suisse », a déclaré Roland J. Campiche, qui présentait son dernier ouvrage paru aux éditions Antipodes: Adultes aînés, les oubliés de la formation.

Le poids et le déni

Professeur honoraire de l’Université de Lausanne, Roland J. Campiche a également relevé l’apport des seniors dans les activités associatives, leur poids lors les votations et dans les conseils municipaux, et indiqué qu’en Suisse la moitié  des personnes interrogées souhaiteraient travailler plus longtemps. « Pourtant tout se passe comme si passé le rubicond de la retraite, on entrait dans une zone grise en matière de formation ». Preuve du déni, selon le sociologue: les récentes lois sur les universités et sur la formation continue ne disent pas un mot des seniors. Plusieurs intervenants ont largement évoqué ces besoins de nouveaux apprentissages: pour se diriger dans un monde de plus en plus numérique, pour être capable d’aider des proches entrés dans le 4e âge, pour prévenir la dégénérescence  – car « le cerveau s’use quand on ne l’utilise pas », a rappelé le neurologue Yves Dunant -, pour lutter contre la dépression qui frappe les individus lors des grandes transitions – adolescence ET retraite, et dont les coûts seraient encore supérieurs à ceux de la maladie d’Alzheimer -, voire même pour « servir de vivier de main d’œuvre indigène après l’électrochoc du 9 février », a lancé de manière volontairement provocante la conseillère aux Etats socialiste Géraldine Savary, se disant « persuadée que cette discussion va naître ».

Quels moyens?

Mais les participants ont butté sur la question des moyens. Introduire un financement public? Créer des bases légales? Et quelle(s) organisation(s) mettre en place ou défendre? Dans son livre, Roland J. Campiche plaide pour une reconnaissance officielle du rôle des universités du 3e âge, accompagnée d’un soutien financier par l’Etat, qu’il évalue à 500’000 francs par an. « Il faudrait aussi dire ce que ça rapporterait comme retour sur investissement, c’est un langage que les politiques comprennent », a proposé un auditeur. Certains se sont cependant émus du caractère jugé « élitiste » des universités du 3e âge, signalant qu’il existe d’autre voies pour se former à la retraite, voire s’y préparer: associations ou fondations (Pro-SenectuteForce NouvelleFAAG), universités populaires, cours Migros, etc.

Pour une nouvelle « andragogie »

Roland J. Campiche s’est insurgé contre « le mythe d’une université inaccessible », déclarant que les étudiants des Unis 3 provenaient de toutes les catégories de la société. Mais il a reconnu qu’une nouvelle forme de pédagogie reste à développer, « des pairs par les pairs », plus interactive, valorisant les compétences acquises des adultes aînés, qui pourrait même « féconder l’ensemble du système de formation ».Enfin quelques pistes ont été proposées par les intervenants: réduire les coûts de la santé pour les aînés qui se forment, réclamer un programme national de recherche sur la thématique, professionnaliser la formation des bénévoles, considérer l’éducation comme un projet humain « allant de la naissance à la mort », favoriser les échanges intergénérationnels… « La proportion de jeunes retraités qui s’engagent dans une formation est encore une minorité, mais il est prouvé qu’une ou deux années de plus ou de moins de formation au cours de la vie ont des effets significatifs sur la longévité », a rappelé le sociologue François Höpflinger. 600’000 babyboomers arriveront dans quelques années à la retraite. « Il faut du temps entre le constat et la mise en œuvre. C’est pourquoi le lobbysme est nécessaire », a estimé Guy Parmelin, définitivement rallié à la cause. Il disposera bientôt d’un outil pour ce faire auprès de ses collègues alémaniques: le livre de Roland J. Campiche et Afi Sika Kuzeawu paraîtra l’an prochain en allemand aux éditions Seismo.
 

LIVES, 19 septembre 2014

 

Apprendre toute sa vie: un combat pour les prochaines générations?

Roland Campiche est invité par Manuela Salvi à l’émission Haute Définition, 21 septembre 2014

Ecouter l’émission