Revue historique vaudoise 122/2014

La culture des musées

2014, 319 pages, 28 €, ISBN:978-2-88901-101-8

Ce 122e numéro offre une approche globale et inédite sur le thème des musées vaudois dans toute leur diversité. Le lecteur découvrira non seulement l’histoire de ces lieux de culture, mais aussi les questions actuelles liées à la muséographie et les défis futurs qui attendent les institutions muséales, à l’exemple du futur Pôle muséal de Lausanne.

Format Imprimé - 40,00 CHF

Description

La Revue historique vaudoise consacre cette année un large dossier thématique aux musées.

Ce dossier rassemble treize contributions inédites et qui renouvellent en profondeur nos connaissances sur ce thème encore peu exploré. Il n’existe en effet pas d’ouvrage récent qui présente d’une façon globale les musées vaudois.

Parmi les nombreux articles de ce dossier, le lecteur découvrira non seulement l’histoire de ces lieux de culture, mais aussi les questions actuelles liées à la muséographie et les défis futurs qui attendent les institutions muséales, à l’exemple du futur Pôle muséal de Lausanne.

Ce volume traite de sujets aussi divers que les musées d’art, d’histoire, d’archéologie, les châteaux ouverts au public ou encore les musées régionaux. Le lecteur découvrira également dans ce numéro la richesse des différents musées horlogers présents en Suisse. 

Placé sous la direction scientifique des professeurs d’histoire de l’art à l’Université de Lausanne Philippe Kaenel et Dave Lüthi, ainsi que de France Terrier, directrice du Musée d’Yverdon et Région, ce 122e numéro de la RHV s’adresse autant aux responsables d’institutions culturelles qu’aux lecteurs curieux d’approfondir leurs connaissances sur l’histoire et la constitution de notre patrimoine muséal. Il constitue aussi à sa façon un témoignage sur la diversité des musées présents dans le canton de Vaud et en Suisse occidentale de nos jours.

Également dans ce numéro: Les voyageurs russes à la découverte du château de Chillon; La révolution conservatrice de l’éducation physique vaudoise (1970-2000).

Table des matières

Éditorial (David Auberson)

Dossier: La culture des musées

  • Introduction (Philippe Kaenel)

Musées, patrimoines et territoires

  • Les musées vaudois: deux siècles d’histoire (Chantal Lafontant Vallotton)

Revoir le passé

  • Un musée d’histoire vaudois? (Claire Huguenin)
  • L’archéologie muséifiée (Gilbert Kaenel et Marie-France Meylan Krause)
  • Un cabinet iconographique vaudois: un musée virtuel (Silvio Corsini et Anne Lacoste)

Les musées en leurs murs

  • L’impossible musée: notes sur l’architecture muséale dans le canton de Vaud (Dave Lüthi)
  • Châteaux et musées, une relation contre nature? (Helen Bieri Thomson et Brigitte Pradervand)
  • Du Palais du savoir à la Halle aux locos: histoire du Musée cantonal des beaux-arts (Françoise Jaunin)

Diversités usages

  • De la visibilité des collections photographiques: trois exemples vaudois (Sylvie Henguely)
  • Musées locaux et régionaux, semblables et différents: les exemples de Nyon et d’Yverdon-les-Bains (France Terrier et Vincent Lieber)
  • Musées scolaires: documentation professionnelle ou patrimoine historique? Expérience vaudoise (Geneviève Heller et Yvonne Cook)
  • Les musées thématiques: une nouvelle histoire? (Martin R. Schärer)
  • Le musée d’entreprise horlogère: entre patrimoine et communication (François H. Courvoisier)
  • La muséologie à l’Université de Lausanne (Philippe Kaenel et Dave Lüthi)

Mélanges

  • Les voyageurs russes à la découverte du château de Chillon (Valentina Smekalina)
  • La « révolution conservatrice » de l’éducation physique vaudoise (1970-1986) (Grégory Quin)

Comptes rendus

Hommage

Rapports d’activités

Index

Presse

Nicole Duparc parle de La culture des musées dans Les Matinales, Espace 2, 3 mars 2015. Écouter

Au temps des premiers musées cantonaux

1818. En deux siècles, le canton de Vaud s’est enrichi de 92 musées. Les premiers étaient faits de bric et de broc.

En septembre de cette année-là, deux bénévoles férus d’antiquités et de curiosités – mais sans expérience muséale – en rassemblent à leur façon dans un bâtiment situé beaucoup plus haut. Celui de l’Académie, juché sur la colline de la Cité, à trois pas de la cathédrale.

Grâce à des souscriptions publiques, et sans un sou de l’État, les initiateurs de cet embryon de musée sont deux messieurs respectivement âgés de 53 et 30 ans, Daniel-Alexandre Chavannes, directeur général des Forêts du canton, et Charles Lardy, minéralogiste. Leur première acquisition est d’ailleurs une collection de minéraux qui appartenait au directeur des Salines de Bex.

S’y ajoutent la même année une série d’aquarelles du peintre Abraham Louis Ducros, puis des tableaux et objets – dont des médailles – offerts par des gens passionnés d’art et de sciences: encore dépareillé et pêle-mêle, un premier musée cantonal vient de naître. Soit deux pleins siècles avant la création probable à Lausanne d’un pôle culturel polymorphe à proximité des rails de sa gare centrale…

Dès 1842, une Société d’histoire de la Suisse romande parvient à convaincre le gouvernement vaudois de transformer le château de Chillon, dont il est propriétaire et qui est jugé d’ »une nudité désespérante », en nouveau musée rappelant « les diverses périodes de l’histoire vaudoise ». Ainsi, dans ce joyau architectural de notre Moyen Age seront longtemps déposées des collections de moyenne importance, jusqu’au jour où l’on comprendra que le principal intérêt de Chillon est son château! Même, et surtout, « dénudé ». Désencombré de pièces étrangères à sa propre chronologie.

Cette genèse, un peu drolatique, des débuts de la muséographie dans notre canton est narrée par l’historienne des monuments Claire Huguenin, dans un travail collectif de treize contributions tout aussi rigoureusement élaborées, que la Revue historique vaudoise (RHV) a consacré aux musées vaudois. Aujourd’hui, ils seraient au nombre de 92, alors que la Suisse en a un millier, et le monde entier 50 000…

À l’instar de tous ceux-là, ils sont désormais confrontés aux mêmes défis de scénographie, d’agrandissement, et de financement qui, hélas, les condamnent à des manœuvres un peu dégradantes de marketing: vente de colifichets, de peluches ou de T-shirts emblématisés, etc. Nés en majorité vers la fin du XIXe siècle, ils avaient été subventionnés par de riches érudits soucieux d’éduquer la population, et parfois – hors de Lausanne – de forger des identités régionales, notamment à Vevey, à Nyon ou à Sainte-Croix.

Multiplication de petits musées

Dès le mitan du XXe éclosent de petits musées thématiques ou monographiques: celui du pain à Echallens, du Léman, ou des porcelaines, à Nyon, du jeu à La Tour-de-Peilz, du cheval à La Sarraz, de Sherlock Holmes à Lucens, du fer et du chemin de fer à Vallorbe, de la terre et du bois à Saint-George, de la machine agricole à Gingins, de la calèche à Territet, du Jardin alpin du Pont de Nant à Bex où se trouve surtout un Musée de la mine de sel, de la science-fiction à Yverdon, et l’on en passe.

Deux ou trois de ces institutions rivaliseront en prestige avec celles, incontestables, de Rumine, d’Arlaud, de l’Elysée, de l’Hermitage, de Jenisch de Vevey ou d’Alexis-Forel, à Morges. Y aurait-il pléthore de musées, non seulement dans le Pays de Vaud, mais en Suisse? Selon des statistiques récentes, notre voisine l’Autriche en compte plus de 2000. Deux fois plus que nous. Il y aurait donc encore de la marge… Ce 122e volume de la RHV traite de sujets aussi divers que les musées d’art, d’histoire, d’archéologie, les châteaux ouverts au public ou encore les musées régionaux. On y découvre aussi la richesse de différents musées horlogers.

Un des maîtres de ce travail, Philippe Kaenel, professeur d’histoire de l’art à l’UNIL, révèle quelques inquiétudes: « Aujourd’hui les musées se veulent ‘branchés’. Le mot ‘musée’ devient même suspect tant il évoque la poussière des réserves et des vitrines. On préfère les notions de centre, de fondation, de maison, de galerie du patrimoine. » Les musées manifestent la mémoire de l’histoire et de la culture: ils la font revivre dans un monde de plus en plus régi par le présentéisme ou le court terme, à l’âge de l’Internet. Ils invitent la société civile contemporaine à prendre du recul, à relativiser, à tirer les enseignements du passé proche ou lointain. Internet, qui a repris à son compte les idées de ‘collection’, de ‘galerie’, d’exposition, ou de showroom, ne saurait se substituer à ces organismes ni aux médias traditionnels. »

Même s’il faut convenir que la culture digitale contribue à fait revivre et rajeunir, en les numérisant, nos trésors poussiéreux d’antan, elle a aussi permis de diffuser par vidéo la destruction par des barbares des chefs-d’œuvre assyriens du Musée Mossoul.

Gilbert Salem, 24 Heures, 15 mars 2015

La Revue historique vaudoise se penche sur l’histoire et la problématique des musées

Sait-on qu’il y a plus de 50 000 musées dans le monde et que plus de 1 000 sont en Suisse? Notre pays figure parmi ceux qui abritent le nombre le plus élevé d’institutions muséales. Le canton de Vaud, qui en recense 92, est en troisième position derrière Zurich et Berne.

On peut donc comprendre que la Revue historique vaudoise ait choisi de consacrer son tome 122/2014 à leur histoire, mais aussi aux problématiques qu’elles sous-tendent.

Notons d’emblée que ce dossier thématique, qui réunit treize contributions de spécialistes, n’épouse pas un point de vue étroitement cantonal. La référence est fréquente à des institutions telles que la Fondation Beyeler à Riehen ou la Fondation Paul Klee à Berne. Et au fond, les défis qui touchent tous les musées, en Suisse et dans le monde (financement, accueil du public, scénographie, adéquation entre le contenant architectural et le contenu, etc.) sont largement les mêmes.

Les musées européens naissent pour la plupart dans la deuxième moitié du XIXe siècle, en général à l’initiative de notables ou d’érudits cultivés qui y consacrent une partie de leur fortune. Ils répondent à un souci d’éducation de la population, sous l’égide de la bourgeoisie. C’est ainsi que s’ouvrent, après le Musée Rath fondé à Genève en 1826, l’édifice Arlaud (1841), puis le Palais de Rumine (1904) à Lausanne et le Musée Jenisch à Vevey (1897). Mais les musées concourent aussi fortement à la construction d’une identité régionale. D’où les fondations de sociétés de musées à Nyon, Sainte-Croix, Vevey, etc.

Depuis les années 1950, on assiste à une floraison de créations de musées. Parallèlement, c’est l’essor des musées thématiques ou « monographiques ». Ils sont innombrables, consacrés au blé et au pain, à la médecine, à la chaussure, au cheval, à la porcelaine, à l’histoire militaire, au général Guisan, à l’imprimerie, à la science-fiction… nous nous arrêtons là! Citons pour exemples la Collection de l’art brut (1976), le Musée de la photographie (1985) et le Musée Olympique (1993) à Lausanne, l’Alimentarium à Vevey (1985), le Musée suisse du jeu à La Tour-de-Peilz (1987).

Surtout depuis 1970, les musées se débarrassent de leur image de lieux poussiéreux, modernisent leur présentation et se soucient d’accueillir un public plus large, notamment les familles, les enfants, les groupes. Ce qui peut certes induire un danger: la course au succès, voire au profit, notamment par la vente d’objets, parfois de gadgets.

L’une des contributions est consacrée à la longue marche hésitante vers un Musée cantonal d’histoire et d’archéologie. Les collections historiques ont été longtemps déposées dans le château de Chillon, avant que l’on comprenne que le principal intérêt de Chillon est… le château lui-même. Aujourd’hui serrées dans des espaces beaucoup trop confinés au Palais de Rumine, elles attendent toujours un lieu d’exposition digne de leur importance.

C’est le même problème pour les riches collections romaines du Musée d’Avenches, qui espèrent être dotées un jour d’espaces d’exposition adéquats. Le Laténium, sur les bords du lac de Neuchâtel, constitue à cet égard un modèle de musée moderne et accueillant dévolu à l’archéologie.

Un texte particulièrement intéressant de la RHV étudie l’architecture muséale. Il faut remarquer (et l’on observe dans les autres cantons une situation similaire) que rares sont les musées vaudois construits en tant que tels. Et quand ils l’ont été au XIXe siècle, c’est dans un style historicisant, tantôt sobre tantôt pompeux, avec des références marquées à la Renaissance florentine (Musée Arlaud, Palais de Rumine), voire des emprunts au classicisme français (Musée Jenisch). Des espaces de prestige et d’apparat, qui hélas conviennent souvent mal à l’exposition des collections qu’ils sont censés mettre en valeur.

Mais en réalité, les musées ont été le plus souvent placés dans des bâtiments préexistants. Quand il s’agit d’un château ou d’une maison de maître (comme le Musée Alexis Forel à Morges), ils peuvent jouer une double carte, celle de l’exposition permanente ou temporaire, et celle du bel espace architectural qui les contient: ce dernier permet aussi de comprendre l’histoire et l’évolution d’une ville ou d’un coin de pays. En témoigne le château d’Yverdon qui abrite le musée régional, mais qui est signifiant en lui-même, par son plan savoyard et ses fenêtres percées par Pestalozzi, au nom de sa pédagogie nouvelle ouverte à l’air et à la lumière.

Le problème des nombreuses fondations liées à des châteaux vaudois – à l’exception de Chillon qui fait un tabac touristique – est le manque de moyens financiers: l’exemple de La Sarraz, qui se débat dans les difficultés, est emblématique.

Une contribution attendue se penche sur la saga du nouveau Musée des beaux-arts. Depuis des décennies, on a constaté l’inadaptation croissante du Palais de Rumine face à ses vocations éclectiques: Université (fonction qu’il a perdue), Musées au pluriel (des beaux-arts, d’histoire, de numismatique, des sciences naturelles…) et Bibliothèque cantonale. Dès 1991, le Grand Conseil décide qu’il faut au moins en sortir les beaux-arts.

Mais on connaît le naufrage, en votation populaire le 30 novembre 2008, du projet de bâtiment à Bellerive, au nom du « Touche pas à mon lac! » et sans doute aussi d’autres motivations plus troubles. Le nouveau projet, celui de la transformation des anciennes halles CFF, s’inscrit dans la vague de réaffectation culturelle d’anciennes zones industrielles, dont on pourrait donner de multiples exemples: bornons-nous à l’ancienne gare d’Orsay, aux Hallen für Neue Kunst de Schaffhouse et au Mamco de Genève. On peut seulement regretter, dans le beau projet de la gare de Lausanne, que la partie conservée des anciennes halles des locomotives soit bien mince…

Nous ignorions totalement le fait que dans l’Allemagne de la seconde moitié du XIXe siècle, pas moins de 36 Schulmuseen ont été créés! Deux auteures se penchent sur l’existence méconnue de ces musées scolaires. Le Musée scolaire cantonal vaudois, inauguré en 1901, a connu divers lieux d’accueil et bien des tribulations. Il a fini par devenir un service de prêt (de planches pédagogiques, diapositives, films, etc.) et a quasiment disparu. Depuis les années 1970 – où l’école traditionnelle a connu des bouleversements – on observe un intérêt renouvelé pour la sauvegarde du patrimoine historique scolaire.

Enfin, il est question de musées au statut et aux objectifs plus ambigus: les nombreux musées d’entreprises horlogères, qui se sont multipliés depuis les années 1980. Omega, Audemars-Piguet, Girard-Perregaux, Patek Philippe, Jaeger-LeCoultre… Il n’est pas de grande marque de prestige qui n’ouvre son « musée » (dont l’accès est souvent réservé aux clients). Volonté de conserver un patrimoine? Certes, mais on assiste à une jonction entre le domaine patrimonial et culturel d’une part, mercantile d’autre part. De tels espaces muséaux participent donc aussi à la stratégie marketing de l’entreprise.

On le voit, les formes, les statuts, les objectifs, les thématiques, les situations financières des musées, les lieux d’accueil des collections, sont fort différents. Le mérite de ce volume de la RHV, au-delà du cas vaudois privilégié ici, est de retracer leur histoire et surtout de poser un certain nombre de questions essentielles.

Pierre Jeanneret, Domaine Public, Nº 2070, 17 février 2015

Les musées vaudois en examen

Bien des musées vaudois vivent une mue importante. Il suffit d’évoquer les constructions de nouveaux bâtiments prévus à Lausanne et à Avenches ou les divers changements dans plusieurs directions d’institutions. C’était le moment opportun pour se poser deux questions. D’où viennent les musées et où vont-ils? La Revue historique vaudoise de 2014 s’est attelée à y répondre dans divers articles. Ils montrent que les musées sont nés au XlXe siècle à côté des écoles et des bibliothèques à des fins pédagogiques. Ils racontent les aventures architecturales que leur création a impliquées: souvent le musée a intégré un monument historique existant et parfois résulté d’une construction ex nihilo. Les études rappellent que les mécènes privés et les collectivités publiques ont souvent permis leur existence. Les articles racontent les tâtonnements et les hésitations qui ont présidé à l’histoire de bien des institutions. Apparaît plusieurs fois la crainte que la recherche récente du succès populaire et financier ne nuise aux missions de base des musées: recherches, conservation et transmission. Une lecture à recommander aux autorités politiques.

Passé simple, Nº 1, janvier 2015, p.34