Les métiers de l’ombre de la Fête des Vignerons

Vinck, Dominique,

2019, 360 pages, 32€, ISBN:978-2-88901-171-1

Portant sur la face cachée de cet événement spectaculaire qu’est la Fête des vignerons, ce beau livre illustré en couleurs s’intéresse aux multiples travailleurs et travailleuses de l’ombre. Il rend compte de l’engagement de ces personnes qui rendent le spectacle possible: leur travail est une réussite s’il ne se voit pas… et quel travail!

Format Imprimé - 39.00 CHF

Description

Ce livre se penche sur le travail invisible, sur la face cachée de l’événement spectaculaire qu’est la Fête des Vignerons, qui ne se produit qu’une fois par génération.
Alors que l’attention du public, des médias et du monde de la recherche porte principalement sur la partie visible du spectacle, sa charge symbolique et la part de créativité artistique qu’il exhibe, il s’agit ici de s’intéresser aux travailleuses et aux travailleurs de l’ombre – professionnel·le·s et bénévoles – et aux défis auxquels ils et elles se confrontent pour que le spectacle soit pure fête, art et tradition. Leur travail est considérable, suppose compétence et engagement de leur part, mais aussi créativité et innovation. Il se réduit rarement à de la pure et simple exécution ; au contraire, il demande des compétences, de la débrouille, et même parfois du génie, tout en gardant bien l’esprit de la fête et sa singularité pour façonner l’infrastructure qui convient.
L’ouvrage enquête sur les arcanes du spectacle en portant l’attention au travail d’organisation et de façonnage des infrastructures.

Dominique Vinck est professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne. Il est spécialiste des sciences et des techniques.

Table des matières

1. Ce que le verre à vin raconte de la fête

  • Un verre-souvenir plein de promesses
  • Des traces sur le verre
  • Distribuer le souvenir
  • Le verre laisse des traces
  • Ce que le verre nous fait boire : le vin de la Fête
  • Le verre en plastique : une concurrence déloyale ?
  • Ce que le verre nous fait voir : le verre est comme un cristal

2. La fête comme défi générationnel

  • La grande affaire dans une petite ville
  • D’une ordinaire parade à la fabrication d’un spectacle
  • Technique et organisation au service d’une théâtralisation
  • L’élaboration d’un grand spectacle, genre opéra musical
  • Conclusion

3. La dernière du siècle : travail multidimensionel

  • Une longue maturation
  • La mise en place d’une structure d’organisation
  • Le travail des commissions et autres métiers de l’ombre
  • Façonner la fête : le metteur en scène prend le leadership
  • Les retombées parlent aussi de métiers invisibles

4. Le réveil de 2019

  • Imaginer une fête
  • Que la fête soit une belle et se perpétue : une orientation stratégique intemporelle
  • Mettre la préparation de la fête sur de bons rails
  • Faire et refaire : le travail d’organisation
  • Conclusion

5. Des défis pour la fête : création artistique et innovation technologique

  • La fête comme laboratoire
  • Tradition et innovation dans la création artistique
  • Entre-nous… 30’000
  • Faire de beaux son(ge)s
  • C’est le jour et la nuit
  • Conclusion : des métiers et des gens derrière chaque détail

6. Une mobilisation générale

  • Recruter et entraîner des milliers d’acteurs-figurants
  • Les petites mains qui habillent les acteurs-figurants

7. La ville en fête

  • La fête hors de l’arène
  • Faire venir 1’000’000 de visiteurs dans une fête rurale

Conclusion – Les métiers de l’ombre font la fête

Presse

Compte-rendu dans le numéro 129/2021 de la Revue historique vaudoise

La Fête des Vignerons est une célébration pluriséculaire dont le cœur est un spectacle présenté avec un intervalle de temps d’une vingtaine d’années. Elle a suscité des publications en nombre, le plus souvent des ouvrages photographiques, commémoratifs et historiques. C’est le côté cour de la Fête.

Au lieu de porter son attention sur le moment de la Fête ou sur ses effets, Dominique Vinck se penche sur sa conception et sa préparation. En rompant avec la pratique éditoriale et l’angle usuel d’approche, il a bravé le scepticisme de ses interlocuteurs universitaires. Certes le thème de la fête a sa légitimité pour les sciences sociales et ses interprétations sociologiques et anthropologiques. Mais de là, à s’emparer de la Fête… de ses tâtonnements et des contacts infructueux qu’il raconte dans son introduction, l’auteur débouche sur une formulation qu’agréent l’abbé-président et les directeurs artistique et exécutif, en subordonnant leur accord à la discrétion. Il doit éviter de casser la Fête. C’est le côté jardin.

Au centre de la scène, une vue des coulisses. Il entend documenter les phases de préparation, les conte-nus et le rôle des métiers de l’ombre de la Fête. Aider à comprendre l’implication des personnes dans cette préparation. Contribuer à conserver la mémoire de cette grande et complexe aventure collective, fondée sur une foultitude de personnes et une diversité insoupçonnée de métiers, en produisant des données et des analyses portant sur une partie invisible.

L’hypothèse de travail : la Fête se fabrique, elle n’est pas le résultat d’une effervescence spontanée. Il s’agit de rendre compte du travail engagé pour « faire la Fête », car « faire la Fête », c’est du travail.

Les choix : documenter le temps long de la préparation (en fait plusieurs années) ; s’interrompre au moment de la production et de l’exécution, d’une durée de quelques mois, en conséquence ne rien rapporter du spectacle et du démontage. Suivre la mise en place de tous les éléments conceptuels, organisationnels, matériels, techniques et humains qui permettent à la Fête de se dérouler ; s’attarder sur la dynamique et la motivation de l’engagement.

Les contraintes : rendre compte de la simultanéité et de l’enchevêtrement des activités dans la linéarité du texte ; recourir au langage épicène pour refléter la présence forte des femmes ; jouer sur le temps des verbes : le présent pour « le déroulement de l’action », le futur « pour ce qui ne s’était pas encore produit » et le conditionnel « pour ce qui n’est pas certain ou laissé dans le suspens ».

L’étude est divisée en sept chapitres, d’inégale longueur – le cinquième « Des défis pour la Fête : création artistique et innovation technologique » occupe près de la moitié du livre.

Elle débute de manière décalée et périphérique par l’évocation du verre à vin, tout à la fois élément de souvenir, « madeleine », preuve que son détenteur a été de la Fête ou a une relation avec elle. Il est présent dans les archives de la Fête depuis 1905. Sa fabrication exige de nombreuses microactivités, une chaîne de compétences et de solidarités, des décisions stratégiques et soupesées, pour le faire émerger et en assurer la diffusion graphique sur toutes sortes de supports.

Les éditions de la Fête des Vignerons de 1797 à 1977 et de 1999 sont commentées dans les chapitres 2 et 3. La Fête de 1999 offre un point de comparaison utile à la compréhension de celle de 2019 ; car elle renseigne sur toutes les étapes du processus.

La mise en perspective situe les continuités et les enrichissements de la Fête, son adaptabilité et l’extension de l’événement. Elle situe les combinaisons changeantes des aspects théâtraux, chantés, musicaux et scéniques. Entre 1797 et 1905, la Fête a passé de 2000 à 60 000 spectateurs, de 200 à 1800 acteurs-figurants. Jusqu’à la Fête des Vignerons de 1927, la préparation se faisait en moins d’un an. Pour cause de guerre et de reconstruction, celle de 1955 s’est étalée sur onze ans. Depuis, les longs préparatifs sont devenus la règle. À chaque édition, surtout pour les dernières, on en vient à douter qu’une nouvelle puisse être organisée.

Les chapitres 4, 5 et 6 rendent compte de la préparation de la Fête de 2019, la douzième du genre, des défis artistiques et techniques à relever, des grandes problématiques à solutionner. On commence à s’interroger sur sa date dès 2007. Quelques frémissements sont relevés en 2010. Dès 2011, la Confrérie des Vignerons se met en mouvement. Sont installés progressivement les commissions permanentes, une commission préparatoire, un conseil stratégique, un directeur artistique, un directeur exécutif, l’équipe de création. La communauté des métiers se construit en même temps que la Fête s’échafaude. Elle ne préexiste pas, elle se constitue au fil des besoins. Les premiers accords sont pris, on évalue la faisabilité du projet, on budgétise les coûts, on procède à la réservation de nombreux locaux pour recevoir les entraînements et les essayages. La logistique et la communication prennent leurs aises. Les défis ne manquent pas : « tradition et innovation dans la création artistique » ; « briser les codes sans casser les attaches » ; « collecter et créer des sons et des musiques ». Les organigrammes se font et se défont aussi rapidement. Les membres des sous-commissions « Infrastructures et constructions » empoignent les dossiers les uns après les autres, à une vitesse incroyable, les services de la Ville de Vevey sont mobilisés. Les équipementiers sont requis pour amplifier et équilibrer la sonorisation, conjuguer « qualité acoustique et confort visuel », capter l’intensité et l’intelligibilité de la parole. Il faut encore maîtriser et moduler l’éclairage du spectacle, le jour et la nuit, en évitant d’en faire deux spectacles différents, ce qui ne va pas sans interroger toute la dimension scénique. Le choix des emplacements des caméras et le recours aux grands écrans doivent provoquer de l’émotion.

« Des métiers et des gens derrière chaque détail », des intrications fortes entre le projet artistique et la réalisation technique, les souhaits de la Confrérie et les attentes du public, l’héritage et la modernité, les lectures plurielles de la Fête. On sent partout l’envie de la réussite, la préoccupation de réunir les savoirs et les réseaux, le souci de surmonter les obstacles, l’intérêt de dépasser les controverses et les frictions. « Explorer, expérimenter, bricoler et innover », pourvu que la Fête soit belle !

Il n’est pas étonnant que la montée en puissance et en clarification du projet trouve sa concrétisation dans « Une mobilisation générale », relatée dans le chapitre 6. Il s’agit de recruter et d’exercer 5400 acteurs-figurants, parmi lesquels les gymnastes et les acrobates, les chanteurs·euses, les musicien·ne·s, le collectif pour le Ranz des vaches. Il faut constituer et répartir les troupes et les groupes ; des petites mains se chargent de leur habillement (25 000 pièces). Couturiers et couturières conçoivent, prennent les mesures, effectuent les essais et les retouches.

La Fête se répand hors de l’arène. C’est aussi la « Ville en Fête » (titre du chapitre 7), avec ses cortèges, ses animations, la restauration et son million estimé de visiteurs citadins et ruraux, venus de partout en Suisse. Pour y faire face, toutes sortes de professions assurent l’infrastructure, la sécurité, la convivialité, la population entière est sollicitée, elle ajoute sa touche personnelle. Des lieux d’accueil sont prévus pour déguster les produits régionaux et partager des moments d’amitié. Les parcours sont balisés pour le déroule-ment des cortèges et la réception des cantons que la Fête rappelle par la présence du corps des Cent-Suisses. La ville est pavoisée des drapeaux cantonaux. Le chef du protocole croise le pompier de faction, le vétérinaire doit pouvoir diagnostiquer sans retard, les 5000 journalistes attendus sont pris en charge.

Classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, la Fête n’a lieu qu’une fois chaque vingt-cinq ans. Elle est ancrée dans la glorification de la terre, de la patrie et du travail ancestral dans la campagne et dans la vigne. Chaque édition est un marqueur temporel et familial. Entre-temps, le monde, les goûts et les aspirations du public ont changé. Le fait qu’elle mobilise des membres de mêmes familles sur plusieurs générations et que son souvenir se transmette sur plusieurs décennies oblige la Fête à se démarquer de la dernière. « Elle est une histoire différente. Ce n’est ni la religion, ni l’État, ni les affaires, qui en sont le moteur, mais une sorte de défi générationnel de faire mieux que les parents » (p. 107).

Si l’auteur intitule sa conclusion « Les métiers de l’ombre font la Fête », c’est qu’au-delà de donner de la visibilité à des activités dont l’ampleur, la variété, l’épaisseur et le mélange surprennent, il souligne la qualité et l’intensité du don personnel « colossal » de chaque agent·e sans quoi la Fête ne serait pas ce qu’elle est et le succès ne serait pas garanti. Il confesse, malgré les 358 pages denses, servies par une mise en page soignée et colorée, avoir délaissé de nombreux aspects méconnus de la Fête dont il dresse la liste. En fait, le sujet reste ouvert à de nouveaux développements, une manière pour l’auteur de revenir dans la Fête, porteur d’autres regards, et de jalonner le parcours de la future Fête par la mise en exergue qu’une édition, aussi étincelante soit-elle, ne peut se passer des apports des métiers de l’ombre. Ainsi va la Fête.

Gilbert Coutaz

 

«Si le public voyait les fils du magicien, la magie s’en irait»

Vevey accueille depuis 1797 la Fête des Vignerons, chaque quart de siècle environ. La 12e a eu lieu en 2019.

Le spectacle est le cœur de la Fête inscrite, en 2016, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

Plutôt que le décrire, Dominique Vinck (DV) préfère sortir les «métiers de l’ombre», soit ceux qui préparent et créent la Fête. Il rend compte sur la durée du don «colossal» de leur temps et de leur savoir de ces femmes et de ces hommes qui forment la communauté événementielle. Celle-ci permet à 5400 acteurs-figurants chamarrés, de virevolter dans une arène pour 20 000 personnes, réverbérante et chatoyante. Chaque Fête marque son époque et traverse les générations familiales dont les membres se disputent la primauté de l’édition à laquelle ils ont participé. Si à chaque fois, la Fête innove et brise les codes, elle assure sa continuité par la célébration des vignerons-tâcherons et des travaux de la vigne.

En plus-value de la Fête, DV consigne l’invisible, insoupçonné et méconnu. Il livre des archives originales de l’immatérialité/la matérialité du vécu et du partage depuis les coulisses.

Les livres de 2019

Une approche radicalement différente de la fête est offerte dans le langage des sciences humaines par Dominique Vinck. Pour les Editions Antipodes, loin des chatoiements, le professeur ethnographe a réalisé une enquête sur l’ensemble des rouages et compétences pointues qui ont permis l’événement (Métiers de l’ombre de la Fête des vignerons). Ainsi saurons-nous, par des organigrammes et techniques du XXIe siècle, de quelles complexités et perplexités put s’élever une gigantesque émotion populaire.

Bertil Galland, Bon pour la tête, 23 décembre 2019

La tradition vinicole est à nouveau célébrée

La Fête des Vignerons de Vevey, une célébration suisse pluriséculaire, qui se tient tous les 20 à 25 ans, a été célébrée à nouveau cet été. Sur les 420 000 billets disponibles, 355 000 ont été vendus, faisant de cette édition, la douzième édition depuis 1797, la plus populaire de l’histoire du festival. Cette année, la fête a mobilisé divers contacts belges. Des produits textiles personnalisés, de haute qualité et respectueux de l’environnement, ainsi que des structures bâchées sur mesure, ont été fournis par le secteur privé belge. Aussi le professeur belge Dominique Vinck, de l’Université de Lausanne, a suivi les travaux préparatoires du festival et a publié un livre sur le sujet: « Les Métiers de l’ombre de la Fête des Vignerons ».
Cette fête rurale à Vevey est un spectacle où l’attention du public, des médias et de la communauté des chercheurs se concentre sur la partie visible de l’événement, sa valeur symbolique, et la créativité artistique qu’elle expose. Le Professeur Vinck étudie cette « fête des Vignerons » sous un autre angle. Il met l’accent sur les travailleurs de l’ombre – professionnels et bénévoles – et les défis qu’ils doivent relever pour faire de l’événement un festin, un art et une tradition.

Bulletin d’information de l’ambassade de Belgique à Berne, octobre 2019

 

La Fête des Vignerons, ce laboratoire d’innovations

Dominique Vinck, professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques, décrypte avec son regard de sociologue les coulisses de la grand-messe veveysanne qui aura lieu du 18 juillet au 11 août 2019. Il y consacre un livre, qui paraîtra au début de la fête.

Lyôba, lyô-ô-ba, por aryâ… Vous reconnaissez peut-être le refrain du Ranz des vaches, fameux air chanté en patois et moment incontournable du spectacle de la Fête des Vignerons de Vevey. Cet hymne d’armailli et bien d’autres traditions telles que le couronnement des meilleurs vignerons-tâcherons seront valorisés par des dispositifs numériques dernier cri lors de la douzième édition de l’événement, qui se déroulera du 18 juillet au 11 août 2019 dans toute la ville et surtout dans l’arène construite pour l’occasion sur la place du Marché. Un plateau LED de 783 mètres carrés diffusera lumières et images sous les pieds des acteurs-figurants. De quoi susciter l’intérêt du sociologue Dominique Vinck, directeur du Laboratoire d’études sociales des sciences et des techniques à l’UNIL. Pour son livre Les métiers de l’ombre de la Fête des Vignerons publié au lancement des festivités, il a inspecté les coulisses depuis 2016 et a interrogé une grande diversité de personnes, des membres de la Confrérie des Vignerons aux techniciens en régie en passant par les graphistes et des couturières.

« Cette célébration traditionnelle bourgeoise, organisée à la base par les propriétaires des vignes en l’honneur du travail de leurs employés, est un vrai laboratoire d’innovations. À chaque édition, c’est-à-dire environ cinq fois par siècle depuis 1797, apparaissent des nouveautés techniques, organisationnelles et artistiques. De plus, l’événement correspond à une dynamique sociale impressionnante et mobilise toute la région », constate le professeur, également membre du Laboratoire de cultures et humanités digitales de l’Université.

Un cocon high-tech

Comment la Fête des Vignerons parvient-elle à se maintenir dans la durée, s’agrandissant toujours plus ? « Cet événement est générationnel, et la génération qui tient les rênes met tout en œuvre pour ne pas répéter les erreurs de la précédente, tout en se réappropriant le passé », analyse Dominique Vinck. En 1999, les spectateurs s’étaient souvent plaints des problèmes de décalage acoustique entre le chœur et l’orchestre, situés à des endroits différents dans l’arène et difficiles à synchroniser. Pour cet été, l’ingénieur du son et son équipe ont mis au point un nouveau logiciel qui les aide à régler les problèmes de diffusion sonore des cinq scènes de l’arène et qui coordonnera les cinq régies. « Un outil de modélisation 3D a aussi été élaboré pour évaluer comment chaque spectateur entend », ajoute le chercheur. Le but étant que chacun ait l’impression que la petite fille et le grand- père, narrateurs du spectacle, soient à côté de lui pour lui conter l’histoire d’une année dans la vie de la vigne.

Créer de l’émotion chez le spectateur, telle est l’intention du metteur en scène Daniele Finzi Pasca et de la Confrérie des Vignerons de Vevey, après un millésime 1999 jugé par- fois trop intellectuel par le public. « C’est un énorme défi technologique de construire une arène pour que 20’000 personnes se sentent dans l’intimité », commente le professeur. Pour y parvenir, l’arène a été conçue comme un nid, un cocon fermé. Cette fois, pas de vue sur l’étincelant Léman ou les majestueuses Dents-du-Midi, le spectateur se concentrera seulement sur ce qui se déroule dans l’arène.

Fabriquer une archive

Dominique Vinck relève une autre différence par rapport à l’édition précédente de la fête, d’un point de vue organisationnel. «Pour la première fois dans l’histoire de la manifestation, une trentaine de salariés y sont employés, dont un directeur exécutif, professionnel de l’événementiel. La Fête des Vignerons est de- venue une PME. J’ai noté que la relation entre les salariés et les bénévoles s’avérait parfois compliquée, comme cela peut être le cas pour les ONG ou les hôpitaux », note le chercheur.

Le sociologue évoque aussi la féminisation de la fête : la Confrérie des Vignerons s’est ouverte aux femmes en 2008. Elle a aussi accepté que le metteur en scène Daniele Finzi Pasca bouscule les codes des Cent-Suisses, troupe traditionnelle d’infanterie composée d’hommes défilant au pas pendant le spectacle, en ajoutant une troupe mixte et non armée, les « Cent pour Cent ».

Son livre publié, Dominique Vinck ne compte pas se détourner de la Fête des Vignerons. Avec des chercheurs UNIL, Sarah Waeber et Laurent Camus, il suit une partie des essais techniques et des répétitions du spectacle, ainsi que quelques représentations, notamment pour filmer le travail au sein des régies de la RTS, partenaire de la fête. Pour ce projet, soutenu par le Fonds national suisse et intitulé « La patrimonialisation du direct : sonoriser, filmer et monter la performance scénique à l’ère du numérique », l’universitaire analysera les interactions entre les techniciens des régies et observera comment « leur perception va fabriquer la mémoire, l’archive qui restera de l’événement pour les futures générations ».

Noémie Matos, L’uniscope, N° 645 / 17 juin – 1er septembre 2019