Les intellectuels antifascistes dans la Suisse de l’entre-deux-guerres

Clavien, Alain, Valsangiacomo, Nelly,

2006, 147 pages, 18 €, ISBN:2-940146-58-6

Écrire l’histoire des intellectuels antifascistes en Suisse, c’est écrire une histoire des vaincus. D’une certaine manière, ces hommes et ces femmes ont été vaincus trois fois. Une première fois, dans les années 30, leur combat fut celui d’une minorité stigmatisée qui peine à se faire entendre. En 1945, au moment de la Libération, ils auraient dû triompher, mais leurs témoignages furent immédiatement invalidés parce qu’ils révélaient en creux le comportement de la majorité des élites du pays. Enfin, même dans la mémoire de cette période qui se construira pendant un demi-siècle, nul espace ne leur fut réservé. L’image dominante a été celle d’une Suisse qui aurait formé un peuple menacé et héroïquement replié autour des valeurs de la Défense nationale spirituelle.

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Description

Écrire l’histoire des intellectuels antifascistes en Suisse, c’est écrire une histoire des vaincus. D’une certaine manière, ces hommes et ces femmes ont été vaincus trois fois. Une première fois, dans les années 30, leur combat fut celui d’une minorité stigmatisée qui peine à se faire entendre. En 1945, au moment de la Libération, ils auraient dû triompher, mais leurs témoignages furent immédiatement invalidés parce qu’ils révélaient en creux le comportement de la majorité des élites du pays. Enfin, même dans la mémoire de cette période qui se construira pendant un demi-siècle, nul espace ne leur fut réservé. L’image dominante a été celle d’une Suisse qui aurait formé un peuple menacé et héroïquement replié autour des valeurs de la Défense nationale spirituelle.

Il est temps de redonner la parole à ces combattants.

Table des matières

  • Introduction (Alain Clavien et Nelly Valsangiacomo)
  • Militantismes intellectuels dans le canton du Tessin pendant le fascisme: le cas de l’Associazione Romeo Manzoni, 1929-1930 (Nelly Valsangiacomo)   
  • « Bümpliz gegen das Dritte Reich ». Carl Albert Looslis Antifaschismus der ersten Stunde (Erwin Marti)
  • Un quotidien à abattre: Le Moment, 1933-1934 (Alain Clavien)
  • Le fascisme en dérision ou l’aventure du Canard libre, 1936-1938 (Milena Malandrini)
  • Carlo Emanuele A Prato et le Journal des Nations: un intellectuel antifasciste dans la Genève de la société  des Nations (Mauro Cerutti)
  • Les exilés antifascistes et leur impact sur la culure des pays d’accueil: réflexion autour de l’immigration italienne (Stéfanie Prezioso)

Presse

Il primo di questi lavori è una raccolta di contributi diversi, curata da Alain Clavien e Nelly Valsangiacomo. Gli autori sono, oltre agli stessi curatori, Erwin Marti, Milena Malandrini, Mauro Cerutti, Stéfanie Prezioso, Alexander Elsig e Arnaud Gariépy. È sufficiente uno sguardo veloce per rendersi conto di come essa rivesta interesse ben superiore a quello che il titolo sembra annunciare. Dietro al problema del fuoruscitismo, al tempo delle dittature europee, si nasconde l’eterna lacerazione di una Svizzera sospesa fra la propria cultura liberale e umanistica, e la sua realtà di piccolo stato neutrale, circondato da grandi e minacciose potenze espansioniste. Emerge qui con chiarezza quella « sindrome da accerchiamento » che ne ha spesso condizionato le decisioni politiche, sia all’interno che all’estero. Di cià fanno le spese i rifugiati, involontarie e scomode pedine in un gioco di equilibri più grandi di loro, talvolta generosamente accolti, talaltra inspiegabilmente boicottati o respinti oltre frontiera.
Gli autori descrivono, in pagine di raro interesse, talune storie di esuli antifascisti italiani tra le due guerre, paradigmatiche dell’eterno dramma dei fuggiaschi perseguitati che provano a ricostruirsi un’esistenza accettabile nel paese ospitante. La narrazione spazia dalle vicende dell’Associazione Romeo Manzoni, nata in Canton Ticino nel 1928 su ispirazione di Randolfo pacciardi, a quelle del quotidiano ginevrino Le moment, diretto dal giornalista romeno Alfred Hefter, alla rivista satirica Le canard libre, al prestigioso Journal des nations, fondato dal diplomatico e nobile trentino Carlo Emanuele a Prato. Il destino comune di tali iniziative è la loro vita breve, stentata, segnata dalla diffidenza degli intellettuali locali e dal timore delle autorità, sottoposte alle pressioni esplicite o implicite della Germania di Hitler e dell’Italia di Mussolini. Per que ste ragioni, la maggior parte dei fuorusciti considera la Svizzera assai più come terra di transito verso mete più lontane che come stabile dimora ove piantare le radici.
Latteggiamento della cultura ufficiale elvetica di fronte all’Italia fascista è in parte anche il te ma del secondo contributo qui considerato. Si tratta di una interessante antologia, i cui auto ri sono Alain Clavien, François Vallotton, philippe Olivera, Tomas Loué, Marina Allal, Nelly Valsangiacomo, Corinne Pernet, François Chaubert e Christine Rodeschini. Il testo analizza il ruolo della conferenza come strumento di scambio tra gli uomini di cultura europei in un arco temporale che abbraccia all’incirca mezzo secolo, tra la fine dell’Ottocento e la seconda guerra mondiale. Una delle ricerche più rilevanti appare quella di Nelly Valsangiacomo, dedicata alla Scuola ticinese di cultura italiana. Questa, diretta da Francesco Chiesa, intellettuale svizzero a tutto tondo (poeta, scrittore, giornalista, sovrintendente alla Biblioteca cantonale di Lugano), rappresenta forse l’istituzione didattica più vicina all’Italia fascista, ma non perché si schieri apertamente dalla sua parte. Latteggiamento del fondatore appare probabilmente ispirato a un pragmatismo eccessivo. Egli si limita a prendere attoche la cultura ufficiale italiana è quella che è. Pertanto, la sua principale preoccupazione consiste nel non provocare incidenti diplomatici con le autorità del vicino regno, e soprattutto col suo Console generale. Cià è confermato dai nomi dei più iUustri conferenzieri dalui ospitati: Giovanni Gentile, Margherita Sarfatti, Annie Vivanti e l’accademico d’Italia Massimo Bontempelli.
l rimanenti contributi riguardano invece i rapporti culturali tra la Svizzera e altri paesi europei, in particolare Francia e Germania. Oltre agli episodi specificatamente richiamati nellibro, affascina la ricostruzione storica assolutamente puntuale della rete internazionale di conferenzieri formatasi a cavallo tra l’Ottocento e il Novecento, divisi per discipline, accademie, istituti, scuole. Nel complesso un ottimo lavoro, utilissimo alla riscoperta delle origini e delle contraddizioni della democrazia europea in epoca moderna.

Carlo Vivaldi-Forti, Ricerche di storia politica, 3/08, pp.336-337

 

Conduit par Alain Clavien et Nelly Valsangiacomo, un recueil d’essais sur les intellectuels antifascistes en Suisse offre une approche novatrice sur leur rôle dans l’entre-deux-guerres.

La parole rendue aux résistants

« Ecrire l’histoire des intellectuels antifascistes en Suisse, c’est écrire une histoire des vaincus. » Car les mouvements antifascistes ont essuyé une triple défaite. La première durant les années trente, qui voient la victoire des vagues fascistes européennes (Allemagne, Italie, Autriche); la deuxième à la Libération, où leur triomphe aurait dû éclater mais a été étouffé par la défense des élites fascisantes qui dirigeaient la Suisse; la troisième dans la non-reconnaissance du rôle qu’ils ont pu jouer. Pour preuve, le nombre très réduit des études menées sur ce sujet, surtout en Suisse romande.

Un oubli que l’ouvrage collectif Les Intellectuels antifascistes dans la Suisse de l’entre-deux-guerres se propose de réparer. Sous la direction d’Alain Clavien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Fribourg, et de Nelly Valsangiacomo, enseignante dans la même université, sept articles esquissent la trajectoire des mouvements intellectuels antifascistes et démontrent que même vaincus, ils ont occupé une place essentielle dans une Suisse couvée par le mythe de la neutralité.

Méfiance envers les élites

« L’histoire des intellectuels est, en Suisse, un genre relativement jeune qui a eu de la peine à sortir d’une position marginale » écrivent Alain Clavien et Nelly Valsangiacomo dans leur introduction.

Car, contrairement à d’autres pays, la Suisse « glorifie volontiers l’engagement amateur, milicien, et citoyen, (…) elle se méfie, voire se défie, des élites, et donc de la notion même d’intellectuels ». Eh conséquence, l’intellectuel suisse se voit « plutôt dans la position de l’expert qui n’exerce pas son influence en opposition ou en parallèle au pouvoir politique, mais avec ou par le biais du même pouvoir, en guise de conseiller du prince ». Dans ces conditions, les recheches ont, le plus souvent, été axées sur l’antifascisme des intellectuels italiens et allemands exilés en Suisse. C’est que leurs pays étaient devenus, durant l’entre-deux-guerres, inhospitaliers. L’Italie promulguait en 1926 les lois « fascistissimes » avec l’obligation, dès 1931, de jurer fidélité au fascisme. En Allemagne, le décrêt de février 1933 « zum Schutz von Volk und Staat » annulait l’essentiel des libertés civiles de la République de Weimar et ouvrait la voie à l’accession au pouvoir des nazis et à l’élimination de leurs opposants.

Le combat du moment

En se penchant aujourd’hui sur la résistance des intellectuels antifascistes dans la Suisse de l’entre-deux-guerres telle qu’exprimée dans la presse, l’ouvrage aborde donc un angle d’analyse peu étudié jusqu’ici, particulièrement en Suisse romande. L’occasion de se plonger dans l’histoire de revues et quotidiens romands comme La Bise, Le Canard Libre ou Le Journal des Nations, qui montre la difficulté du mouvement à s’exprimer dans un pays replié « autour des valeurs de la défense nationale spirituelle ». Spécialiste de l’histoire de la presse, Alain Clavien analyse quant à lui le destin du journal genevois Le Moment, qui reflète à merveille le sort réservé aux mouvements antifascistes à l’époque, et symbolise cette « histoire des vaincus ».

Quotidien antifasciste de gauche, Le Moment naît en juin 1933 à Genève. Il meurt quelques mois plus tard, en mars 1934. Un arrêté fédéral promulgue l’expulsion de son propriétaire et rédacteur en chef, Alfred Hefter, ressortissant roumain. « C’est encore un antifasciste qu’on expulse! », s’exclame le quotidien socialiste La Sentinelle. C’est le seul journal qui prononce « quelques mots de regrets ». Que s’est – il passé?

Le succès du Moment attise les craintes de la presse bourgeoise genevoise, qui se mobilise. Edgard Junod, rédacteur en chef de la Tribune de Genève, écrit au conseiller fédéral Giuseppe Motta pour lui demander d’enrayer le développement du nouveau canard. Ses arguments reflètent les clichés antisémites de l’époque: « La cheville ouvrière de cette entreprise est un certain Hefter, sujet roumain, israélite de surcroît… ne serait-il pas indiqué de lui refuser le renouvellement de son permis d’établissement dont la validité expire, m’a-t-on dit, au mois de novembre prochain? » Motta et son homologue Haberlin refusent, mais ce dernier suggère des pressions sur l’administrateur du nouveau journal.

Attaques antisémites

Malgré cela, Le Moment se trouve un public au sein de la population. Fort d’une forme typographique différente, d’un style journalistique original (interview et grand reportage), Le Moment vise des lecteurs du Journal de Genève, de la Tribune de Genève et du Courrier de Genève. Tout est donc mis en œuvre pour le contrer. Les directeurs des quotidiens genevois rencontrent discrètement la Société des commerçants de détails pour les convaincre « à coups d’arguments patriotiques d’abandonner » leur soutien publicitaire en faveur du journal. La défaite des partis bourgeois, aux élections du 26 novembre 1933 précipite les réactions de la presse de droite, ulcérée par la défaite-les socialistes obtiennent la majorité au Conseil d’Etat avec quatre sièges contre trois aux partis bourgeois.

Dès lors, les journaux se déchaînent. Journal de Genève: « Hefter est un métèque, son collaborateur Roissard du Bellet est un fripon juif puisqu’il s’appellerait en réalité Fleischmann…» Le Courrier de Genève: « Réclam[ ons] l’expulsion du métèque Hefter, du juif roumain sournois qui s’est introduit dans nos murs sous le manteau de l’information. » Au-delà de l’offensive par papiers interposés, l’APG (Association de la presse genevoise) dénonce, lors de son assemblée générale, les « honoraires dérisoires) que Hefter dispenserait à ses collaborateurs. Elle parle d’un « risque d’avilissement pour le journalisme ». Face à cette agitation, Berne attend une occasion pour mettre fin à l’aventure. Ce sera un article virulent de Hefter à propos du chancelier fasciste Dollfuss et de la répression de 1934. Berne formule alors, sous prétexte de « menaces envers la sécurité extérieure de la Suisse », sa décision d’expulsion qui précipite la chute du journal. La presse genevoise ne s’attriste guère, même le socialiste Léon Nicole « n’en souffle mot ».

Alexandre Bourqui, Le Courrier, 17 février 2007.

 

Météore dans la presse genevoise des années 1930, Le Moment a subi une campagne xénonophobe et antisémite haineuse

L’exécution sommaire d’un journal

De 1933 à 1934, un journal-Le Moment-a paru pendant six mois à Genève. Plutôt de gauche, mais surtout antifasciste à une époque où beaucoup de beaux esprits ne cachaient pas des sympathies pour Hitler et Mussolini. Novateur dans sa forme et son contenu. Courageux, ce qui a souverainement déplu aux élites locales. Et avec ça, un propriétaire, éditeur et rédacteur en chef, Alfred Hefter, étranger (Roumain) et juif, des raisons déjà suffisantes pour le disqualifier.

Dans un ouvrage collectif, Alain Clavien s’est plongé dans cette courte histoire révélatrice des passions de l’époque, et de laquelle même le leader socialiste Léon Nicole ne sort pas grandi.

Qui est donc Hefter? Son passé est trouble, selon ses adversaires: il aurait eu affaire avec la justice de son pays d’origine, il aurait bâti sa fortune à Paris par des spéculations douteuses. Rien ne permet de confirmer ou d’infirmer ces accusations. Une chose est certaine: Alfred Hefter ne manque pas d’argent quand il arrive à Genève car la création d’un journal, même à l’époque, coûte très cher. Fallait-il pour autant le qualifier d' »affairiste »? On aurait dit « homme d’affaires » s’il avait été moins dérangeant et moins obstiné.

Alfred Hefter effraye surtout les éditeurs de journaux qui, en pleine crise, manquent déjà de revenus publicitaires. D’emblée, l’attaque est extraordinairement violente. Bien avant le lancement du nouveau journal, Edgar Junod, rédacteur en chef de la Tribune de Genève, s’adresse directement au conseiller fédéral Giuseppe Motta. Sa prose est particulièrement retorse, pour ne pas dire abjecte: « (…) La cheville ouvrière de cette entreprise est un certain Hefter, sujet roumain, israélite de surcroît, sur lequel les renseignements que j’ai pu obtenir jusqu’ici sont loin d’être de première qualité. ( … ) Point n’est besoin de vous dire que les journaux de Genève ne voient pas d’un très bon œil la création de ce nouvel organe sur une place qui compte déjà six organes quotidiens ( … ). Est-il possible d’empêcher Le Moment de voir le jour? Cela semble difficile, étant donné les dispositions constitutionnelles touchant la liberté de la presse et de l’industrie. Mais puisque l’animateur de l’affaire est le sieur Hefter et que la moralité de ce dernier ne semble pas être à l’abri de tout reproche, ne serait-il pas indiqué de lui refuser le renouvellement de son permis d’établissement dont la validité expire, m’a-t-on dit, au mois de novembre prochain? ».

Dans sa missive, Junod précise au conseiller fédéral qu’il a l’appui du nouveau rédacteur en chef du Journal de Genève, René Payot, qui plus tard se fera le champion de la lutte contre le nazisme et restera dans les mémoires comme l’un des plus grands journalistes suisses du siècle. Giuseppe Motta, visiblement irrité pas la requête de Junod, lui répond sèchement et refuse d’entrer en matière. Le journal peut paraître.

Mais les ennuis de son patron et de ses journalistes ne font que commencer, d’autant plus que le quotidien atteint rapidement un tirage tout à fait respectable, qui dépasse rapidement celui du Journal de Genève. La formule choisie, mêlant analyses et rubriques de distraction, grands reportages et sport, interviews et pages tout en photos, le tout chapeauté par des titres accrocheurs, a de quoi séduire tant des lecteurs exigeants qu’un public plus populaire. Les positions antifascistes et antinazies sont nettes dès les premiers numéros: dénonciation des pratiques hitlériennes, des camps de concentration, de l’antisémitisme. Cela n’empêche pas le journal d’être également très critique à l’égard de l’URSS. Rien d’autre, en fait, qu’une ligne éditoriale de démocratie libérale.

Succès d’audience, mais aussi succès publicitaire, au début en tout cas, les entreprises étant irritées par les tarifs qui leur sont imposés par Publicitas pour leurs insertions dans les autres journaux. Dans les premiers numéros du Moment, la manne tombe. Mais les patrons de presse genevois obtiennent des commerçants de la cité, à grand renfort d’arguments patriotiques, qu’ils boycottent le nouveau venu, dont les revenus chutent brutalement. L’aventure continue malgré tout. Les choses ne se gâtent vraiment que quand Le Moment prend position dans les débats genevois. Au lendemain de la victoire socialiste du 26 novembre 1933, il applaudit les opinions antifascistes affichées par Léon Nicole.

C’en est trop pour une presse bourgeoise qui se sent humiliée par la défaite électorale des partis, de droite, raconte Alain Clavien. Dans le Journal de Genève, René Payot se déchaîne: « Le très suspect organe du métèque Hefter apporte naturellement son misérable appui aux partisans du désordre. M. le métèque Hefter se mêle impudemment de nos affaires. Il va nous obliger à nous occuper des siennes. » Puis c’est le Courrier de Genève qui monte au front, fustigeant le « juif roumain » qui « s’est introduit dans nos murs sous le manteau de l’information »…

Finalement, le prétexte est trouvé: un article d’Hefter dénonçant la répression du chancelier autrichien Dollfuss contre les ouvriers de Vienne entraîne une intervention diplomatique de l’Autriche. L’expulsion du Roumain est prononcée le 8 mars par le Conseil fédéral. Il lui est laissé jusqu’à la mi-avril pour liquider son affaire. Il quitte Genève dans le silence. Même Le Travail, organe du Parti socialiste, ne verse pas une larme: Nicole a vu dans Le Moment moins un soutien politique qu’un concurrent.

En outre, ce court ouvrage défriche le terrain encore peu exploré du militantisme antifasciste en Suisse, dans un univers mental où la lutte contre le communisme a parfois conduit à fermer les yeux sur les dangers des totalitarismes de droite. Parmi les contributions proposées, on notera un article de Milena Malandrini sur l’aventure du Canard libre (1936-1938), une réflexion de Stéphanie Prezioso autour de l’immigration italienne ou encore une étude sur les militantismes intellectuels dans le canton du Tessin pendant le fascisme, par Nelly Valsangiacomo.

Xavier Pellegrini, Le Temps, 3 mars 2007.

 

Des intellectuels antifascistes constamment vaincus

En Suisse, l’histoire de l’antifascisme a été étroitement reliée à celle de l’exil politique. Qu’ils aient été ou non des réfugiés, les intellectuels antifascistes ont constamment connu la défaite. Stigmatisés au fil de leur combat, ils n’ont pas été mieux reconnus après-guerre parce qu’ils étaient devenus des révélateurs des ambiguïtés et des accommodations de la bourgeoisie helvétique à l’égard des fascismes. Depuis lors, l’historiographie dominante ne les a guère intégrés dans ses productions. Ce qui rend d’autant plus utile la publication récente d’un petit ouvrage collectif qui leur est consacré.

Durant l’entre-deux-guerres, les activités des intellectuels antifascistes faisaient régulièrement l’objet de contestations. Au Tessin, les conférences culturelles de l’Association Romeo Manzoni, évoquées par Nelly Valsangiacomo, n’ont ainsi duré qu’une éphémère saison. En fin de compte, cette histoire est également celle des intimidations et des pressions des milieux philofascistes.

L’affaire du quotidien antifasciste Le Moment, publié pendant une courte période à Genève, est intéressante. Alain Clavien cite notamment une lettre du rédacteur en chef de La Tribune de Genève qui cherchait discrètement à obtenir l’expulsion d’Alfred Hefter, son initiateur, sous prétexte d’une soi-disant mauvaise moralité. Par la suite, Le Moment a fait l’objet d’une campagne haineuse et les appels à l’expulsion du « métèque » et « juif roumain » Hefter se sont multipliés dans les milieux conservateurs. Ils ont d’ailleurs obtenu gain de cause au printemps 1934, après six mois de publication. Mauro Cerutti évoque un autre exemple, celui du journaliste Carlo A. Prato. l’une des principales plumes du Journal des Nations publié également à Genève. Bien que ses écrits soient restés mesurés, il a été expulsé en 1937 dans un contexte de forte restriction du droit d’asile.

Un autre élément de réflexion sur ces antifascistes est encore proposé par Stéfanie Prezioso. Il concerne la difficulté qu’éprouve l’histoire à reconstruire les interactions que ces exilés entretenaient avec la société d’accueil. Il serait pourtant intéressant, en Suisse, de mettre à jour les échanges entre exilés et autochtones pour faire mieux connaître les perceptions et les postures effectives de la population suisse de cette époque face aux dictatures fascistes alentour.

Charles Heimberg, Le Courrier, 3 avril 2007.

 

Depuis la dernière décennie du XXe siècle, sous l’impulsion d’une historiographie largement revisitée, la perception de la Suisse des années trente et quarante a été complètement révolutionnée. Les médias ont d’ailleurs largement relayé cette prise de conscience collective. À ce titre, la terre d’accueil des exilés politiques et des juifs en fuite ou encore le bastion de la résistance démocratique aux pays autoritaires, s’est mué en un Etat où le gouvernement percevait de manière plutôt positive le virulent anticommunisme porté par les régimes totalitaires d’Europe occidentale et où le système institutionnel (secret bancaire, politique restrictive d’accueil des réfugiés) a assisté, plus ou moins passivement, l’œuvre génocidaire nazie. Cet ouvrage collectif, fruit du travail du GRHIC (Groupe de recherche en histoire intellectuelle contemporaine) de l’université de Fribourg a pour objet d’approfondir les premières recherches qui commencent tout juste à être menées sur cette « minorité stigmatisée » qu’ont constituée les intellectuels antifascistes des années d’avant-guerre.

Les auteurs insistent surtout sur trois aspects. D’abord, « l’intellectuel suisse est le plus souvent un intellectuel « expert » qui se prétend plus technicien qu’idéologue et dont l’action discrète se développe grâce à son réseau et à sa proximité avec le pouvoir » De fait, la politisation des élites, sans être moins évidente, est plus discrètement assumée ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes aux étrangers, fraîchement installés. Ils notent par la suite la difficulté qu’ont rencontrée les intellectuels réfugiés à s’installer en Suisse et à poursuivre leurs activités du fait de la législation restrictive des autorités. Cela explique le fort taux de ré immigration vers des foyers antifascistes plus importants (Paris). Ils relèvent enfin que l’éclatement du champ linguistique suisse permet de prendre en considération deux types d’intellectuels antifascistes: ceux de langue allemande et ceux de langue italienne. Partant les deux cercles se côtoient mais n’agissent que rarement de concert, accentuant l’hétérogénéité de ce milieu particulier.

On trouvera dans ce recueil sept articles dont la majorité porte sur la presse écrite et étudie des cas particuliers du paysage médiatique suisse : Le Moment, Le Canard libre, Le Journal des Nations, La Bise socialiste. Deux des autres textes s’intéressent à l’antifascisme italien au Tessin. Enfin, le dernier document, en allemand, porte sur la personnalité et l’engagement de Carl Alfred Loosli. De manière générale, cet ouvrage fait le point sur un objet historiographique en devenir de l’histoire contemporaine suisse. Au contact d’une des grandes puissances démocratiques de l’époque (la France), des deux plus grands pays autoritaires du moment (l’Allemagne et l’Italie), géographiquement et politiquement proche des pays d’Europe centrale refondés par les traités de paix, abritant, en outre, le siège de la Société des Nations, la Suisse de l’entre-deux-guerres est au centre des problématiques inhérentes à ces années. Ce livre contribuera, il faut le souhaiter, à faire connaître les contradictions idéologiques propres à la Suisse de ces décennies difficiles.

Matthieu Boisdron, Histobiblio.com
 
 
Die Geschichte der antifaschistischen Intellektuellen in der Schweiz als eine Geschichte der Besiegten zu schreiben ist das erklärte Ziel der acht Beiträger, überwiegend Lehrende und Studierende an den Universitäten Fribourg, Genf und Lausanne. Alle gehören dem Groupe de recherche en histoire intellectuelle contemporaine (GRHIC) an, der 2001 gegründet, seinen Sitz an der Universität Fribourg hat und Forscher aus allen drei Landesteilen vereint.
Sie wollen die Kämpfer gegen den Faschismus zwischen 1930 und 1945 wieder zu Wort kommen lassen, nachdem diese in gewisser Weise dreimal besiegt worden seien, nämlich nach 1930, dann 1945 und erneut in den Jahrzehnten danach.
Tatsächlich fanden diese Intellektuellen in der Schweiz der 1930er Jahre kaum Gehör, weil der im Europa der Zwischenkriegszeit dominierende hierarchisch-korporative Staatsgedanke auch das geistige und politische Leben der Schweiz erfasst hatte. 1945 sahen sich die antifaschistischen Streiter zwar in ihrer Kritik bestätigt, ihr wurde aber die Geltung abgesprochen, weil sie sozusagen die Kehrseite der Kompromissbereitschaft eines großen Teils der Führungselite gegenüber den Achsenmächten darstellte. Damals und in den folgenden Jahrzehnten wirkte im schweizerischen Selbstverständnis das alle umschließende Konzept der « Geistigen Landesverteidigung » nach, das abweichende Positionen als quantitité négligeable erscheinen ließ. Hinzukommt, dass die Schweizer politische Kultur mit ihrer Wertschätzung des Milizsystems, d.h.des ehrenamtlichen Engagements der Bürger in vielen Bereichen, antielitär wirkt und eine Definition des Intellektuellen erschwert.
Vorgestellt wird zunächst eine Vereinigung für politische und kulturelle Erwachsenenbildung im Tessin, die Associazone Romeo Manzoni (1929–1930). Sie entstand aus dem Zusam­menwirken von Tessinern und politischen Flüchtlingen aus Italien, den fuorusciti.
Ziel war eine von faschistischem Einfluss freie und einem breiteren Publikum zugängliche Erwachsenenbildung. Ebenso farbig wie dieser Berichte sind die Präsentationen der west­schweizerischen Blätter »La Bise« (1932–1933), Le Canard libre (1936–1938), Le Journal des Nations (1931–1938) und Le Moment (1933–1934), wobei 12 Titelblätter bzw. Karika­turen aus den beiden zuerst genannten Zeitungen das hier vorgestellte Buch illustrieren. Alle Blätter waren der Initiative von zwei- oder mehrsprachigen Emigranten oder Schweizern zu verdanken, die auf diese Weise die totalitären Ideologien von recht und von links ins Visier nahmen. Dies schloss Kritik an der Innen-und Außenpolitik der Schweiz ein, so z.B. an der Einschränkung der Pressefreiheit und an dem Fehlen einer klaren Positionierung gegenüber den Achsenmächten. Die Kurzlebigkeit des Tessiner Instituts und der politischen Blätter war nicht etwa einem Mangel an Originalität oder Qualität zuzuschreiben, sondern vielmehr innen-und außenpolitischen Pressionen und finanziellen Problemen.
Eine Sonderstellung unter den Beiträgen nimmt das Porträt von Carl Albert Loosli aus Bümpliz (Bern) ein. Es ist der einzige Beitrag in deutscher Sprache (mit einem Résumé auf Französisch) und enthält die bewegte Lebensgeschichte eines umstrittenen Journalisten und freien Schriftstellers. Er beeindruckte durch seine Bekämpfung des Antisemitismus bereits seit 1927 und durch sein humanitäres Engagement, insbesondere zugunsten der in Lagern untergebrachten Flüchtlinge. Looslis rigider, für viele nicht nachvollziehbarer Nonkonformismus hatte indessen zur Folge, dass er trotz zahlreicher Kontakte und Veröffentlichungen ein Außenseiter blieb und wenig Gehör fand.
Ein weiterer Beitrag fragt nach den Einflüssen der italienischen Emigranten auf die Kultur des Aufnahmelandes Schweiz. Aus einer Reihe von Gründen gelang den fuorusciti nicht der be­absichtigte politische und kulturelle Brückenschlag zu der großen Kolonie der aus wirtschaft­lichen Gründen eingewanderten Italiener. Immerhin bot die Tessiner Zeitung Libera Stampa ähnlich wie das sozialdemokratische Blatt Volksrecht (Zürich) antifaschistischen Emigran­ten ein Forum der Kommunikation und gesellschaftlichen Beachtung. Aus den hier nur knapp gewürdigten Forschungsergebnissen wird deutlich, dass der Mehrzahl der kurzlebigen Fronten in der Schweiz ein Mehrzahl ebenso kurzlebiger antifaschistischer Initiativen gegenüberstand. Diese zum größten Teil erstmals ins Licht gerückt zu haben ist das Verdienst der lesenswerten Beiträge.
 Reinhard Schiffers (Bonn), Perspectivia.net