Hedwig ou la Pensée-louve

Mémoires d'outre-Sarine

Dufner Wanda, Emmenegger Véronique, Hofer Roland,

ISBN: 978-2-88901-187-2, 176 pages, 24€, 2021

Roman graphique illustré en couleur et trilingue (français, allemand et lucernois !), Hedwig ou la Pensé-louve fait écho aux vacances que l’auteure passait, enfant chez sa grand-mère lucernoise. Un lieu magique et foisonnant, parfois sombre, souvent drôle et cocasse, qui évoque le regard d’une enfant sur le monde des adultes.

Format Imprimé - 30,00 CHF

Description

Hedwig ou la Pensée-louve raconte la relation singulière d’une petite fille avec sa grand-mère.

« Dans ce livre, je reviens sur mes pas quand je passais mes vacances à Lucerne dans la maison d’Hedwig, qui ne parlait pas ma langue. Dans ce carnet d’exploration qui présente chaque pièce comme un chapitre, les nombreux souvenirs rejaillissent de ma tête d’enfant où les regards, les odeurs délicieuses de cuisine, les tremblements d’un train qui passe, la foudre et de bien étranges pieuvres colorées prennent la place du langage. » Véronique Emmenegger, auteure du texte

«Véronique Emmenegger versetzt sich zurück in ihre Kindheit und nimmt als kleines Mädchen die Leser ganz sachte mit in das Haus ihrer Grossmutter in den 70ern. Mit viel Liebe und Hingabe erzählt sie von ihren geheimen Träumen, der Beziehung zu ihrer Grossmutter und den mysteriösen Objekten in diesem Haus.» Wanda Dufner, illustratrice

Livre trilingue : Français, Deutsch, Lozärndütsch (traductions par Roland Hofer).

 

Exposition à venir :

Expositions passées :

Wanda Dufner : wandamirjana.ch

Véronique Emmenegger : veroniqueemmenegger.com

 

 

 

 

Extrait des planches

© Wanda Dufner

 

 

 

 

 

Presse

Compte rendu dans le journal Espaces

Les auteures :

Véronique Emmenegger est une jeune écrivaine franco–suisse. Elle travaille comme journaliste et a publié plusieurs romans. Dans cet ouvrage, elle se livre avec pudeur, à la recherche des souvenirs de sa petite enfance. Wanda Dufner, l’illustratrice, est d’origine argovienne. Elle a déjà publié un livre jeunesse : Viviendo al filo. Elle s’attache particulièrement à l’expression des sentiments par des compositions très colorées, des recherches de postures des personnages parfois décalées, très ludiques.

Un ouvrage trilingue !

Les textes explicatifs des pages illustrées sont chaque fois rédigés en français, en allemand et dialecte lucernois. Pour plonger les lecteur–trice-s dans l’ambiance que vivait la petite héroïne, en vacances chez sa « Grossmutti ».

Les personnages

La petite Véronique est francophone, mais sa grand–mère habite dans un petit village du canton de Lucerne. La petite–fille passe ses vacances en Suisse allemande, et ne peut pas échanger verbalement avec ses grands–parents. Alors d’autres modes de communication se créent. V. Emmenegger décrit avec une précision sans faille la maison, les différentes pièces, le jardin tout petit, la décoration désuète. On est véritablement dans la tête de l’enfant. « Le jeu de cartes : leur design me fascinait. Ce que je pensais être les as, les bannières, étaient aussi beaux que des cartes de tarot. Ma préférence allait aux grelots, aux fleurs, aux glands. Je tentais de recopier les drapeaux, les seules figures en noir et blanc, aussi attractifs que des masques africains. C’est une manière extrêmement poétique et originale de raconter la relation grands–parents / petits–enfants. Ce qui compte, c’est la chaleur humaine, l’intensité et la gravité des sentiments, le ressenti plutôt que les mots. La petite aime son aïeule, qui lui permet de grandir différemment. On ne se lasse pas de feuilleter ce roman graphique, pour rêver sur les dessins tellement suggestifs, un assemblage de couleurs indescriptible, foisonnant, sans aucun respect des codes de la pesanteur. L’auteure aborde aussi la difficile expérience que vivent les enfants lors de la mort des grands–parents, avec délicatesse et sensibilité. Un magnifique album, à lire en famille, toutes générations confondues.

Un article d’Annette Zimmermann dans le journal Espaces, mai 2022.

Dans le magazine de Livre Suisse

UN ROMAN GRAPHIQUE TRILINGUE
Ecrire et dessiner au-delà des mots et des frontières linguistiques, c’est l’étrange paradoxe de ce roman graphique trilingue. Dans Hedwig ou la pensée-louve, l’écrivaine Véronique Emmenegger fait l’inventaire des souvenirs et des lieux de ses vacances passées chez sa grand-mère. Entre le français, l’allemand et le lucernois, toutes deux ne partagent pas la même langue. L’illustratrice Wanda Dufner s’empare des évocations et les tisse entre elles dans un jeu de collage et de crayons pastel qui rappelle l’enfance et l’exploration d’une maison, étrangère et familière à la fois.

Magazine Livre Suisse, numéro 1, printemps/été 2021

L’équipe du posdcast Ça résonne invite Véronique Emmenegger pour la première émission de leur 3e saison « Nos chers parents » (octobre 2021) >> à écouter ici

 

Véronique Emmenegger invitée en direct dans l’émission La ligne de coeur avec Jean-Marc Richard (RTS), lundi 18 octobre 2021

 

Article dans Marie-Claire Suisse

Toujours sous le charme, Véronique Emmenegger revient sur ses vacances d’enfant chez sa grand-mère, à Lucerne dans les années 1970. La vieille dame ne parlant que le dialecte, la fillette se distrait en observant chaque détail d’une maison, d’un monde qui lui semblent si différents du sien… Sans savoir que, au-delà des mots, Hedwig à la forte personnalité a créé entre elles un lien indélébile, magnifiquement mis en images fantasques par Wanda Dufner. Ce roman graphique se lit simultanément en français, allemand et dialecte lucernois!

Dans la rubrique Culture/Livres, Marie-Claire Suisse n°829, Octobre 2021

Article sur le site Actuabd.com

Inspiré par ses souvenirs personnels, Véronique Emmenegger a imaginé un « carnet d’exploration » en hommage à Hedwig, sa grand-mère paternelle aujourd’hui disparue. Un récit où mystère et humour s’entremêlent pour redonner vie et place à une femme qui a marqué l’esprit et l’imaginaire de l’autrice.

Dans les années 70, Véronique Emmenegger est une enfant qui vit à Paris et passe ses vacances chez sa grand-mère paternelle, Hedwig, à Lucerne, en Suisse allemande. Hedwig parle le lucernois, un dialecte d’origine germanique. Véronique ne parle que le français et apprend à cohabiter dans le silence avec cette grand-mère « non partageuse » qui ne manifeste aucune émotion.

Dans la maison, il n’y a pas de jouets, hormis un ours en peluche qui devait appartenir à son père. Véronique s’ennuyait ferme mais assure aujourd’hui : « On devrait dire merci aux gens qui nous gâtent comme aux gens qui nous privent, avarice ou éducation, intentionnel ou inconscient, ce manque de partage génère une frustration positive, créative. À force d’être les mains et le cœur vides, on désire fabriquer de la matière, qu’elle soit de rêve, de fiction, de souvenirs, de désirs. »

Comment évoquer le souvenir d’un être et et la vie à ses côtés sans que jamais, aucune communication ni marque de tendresse n’aient été exprimées ? Peut-il y avoir transmission par-delà les mots ?

L’enfant transcende son ennui en s’arrêtant sur les objets, les couleurs ou les odeurs. Le bruit du train qui passe à proximité de la maison, les étranges pieuvres en laine colorées et de toutes les tailles, le jeux de cartes, les knöpflis, le pistolet… L’imagination de l’enfant vagabonde et se cristallise sur chaque détail, les réminiscences de l’autrice devenant alors de savoureuses madeleines de Proust.

L’autrice décrit la maison exiguë de sa Grossmutti comme un sanctuaire. Le roman est structuré en chapitres, chacun dédié à une pièce de la maison, qui devient un lieu empreint de magie et de mystères. Et c’est à travers l’évocation de chaque espace que se dessinent le portrait et la personnalité si singulière d’Hedwig.

L’illustration est confiée à Wanda Dufner, « fascinée par l’expression des sentiments ». Son dessin est magnifié par des couleurs vitaminées et une esthétique originale du collage qui renforce l’expression onirique du récit.

Écrit en trois langues, français, allemand et lucernois, Hedwig ou la Pensée-Louve est pensé comme un roman d’apprentissage sur la genèse de la création. Ou comment le trop-plein de vide devient source d’inspiration inépuisable. « Et c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui. De restituer ce qui n’a pas été donné mais transmis, qui reste une matière de premier choix. »

Article de Nadine Riu, sur le site ActuaBD, 30 juillet 2021

 

Rencontre avec Véronique Emmenegger
Article de Katia Furter publié dans le Chailléran et en images sur le blog Page à pages

La rencontre aurait pu figurer dans un numéro précédent du Chailléran. Nous avions repéré Véronique Emmenegger. Écrivaine installée dans les hauts de Chailly depuis 1994, elle avait déjà à son compte plusieurs livres. Dans un sens, c’est tant mieux, car « Hedwig ou La pensée-louve » est un trésor bien emballé dans sa boîte à bijoux, une drôle de maison dont la propriétaire, elle, ne l’est pas du tout.

Doit-on aimer ses grands-parents et eux aimer leurs petits-enfants ? Y a-t-il mieux qu’une grand-mère pour transmettre racines, recettes de cuisine et sagesse ? Ceux d’entre nous qui ont eu une grand-mère aimante et au long cours, lui gardent à vie une place dans leur cœur. Véronique n’a pas eu cette chance et pourtant…

Jusqu’à ses dix-douze ans, elle accompagne ses parents dans leurs visites, plusieurs fois par an, à la mère de son père qui vit à Fluhmühle, au Nord-Ouest de Lucerne. Hedwig, la grand-mère, ne parle pas. Jamais. Sauf à lâcher un rare « Passuuf ! ». Si Hedwig avait parlé français ou Véronique, le lucernois, les choses n’auraient pas été autres, car la vieille dame est revêche : elle ne rit, ni ne s’intéresse à sa petite fille. Il n’y a aucune générosité en elle. Ce tableau semble peu aimable, pourtant le livre de Véronique n’est jamais cri-tique. Il  relate, constate et rend hommage à ses racines suisses-allemandes.

A partir de l’adolescence, Véronique voit moins sa grand-mère. A la mort de celle-ci, quelque chose se passe. A la faveur de quelques photos et objets récupérés par son père, souvenirs et questions remontent. Elle réalise que la femme-forteresse l’a marquée par une non-présence qui, étonnamment, prend substance. Elle décide d’écrire un livre à partir de ses souvenirs de petite fille dans les années 70, d’odeurs et d’objets qui meublaient la maison d’Hedwig. Commence un jeu de piste pour en retrouver des bribes. « J’avais récupéré des objets que j’avais intégrés dans ma propre maison. Je ne pensais pas en avoir autant, une quinzaine, dont cette paire de boucles d’oreilles que je porte aujourd’hui. »

Dès le départ, elle sait que son livre sera bilingue, illustré, et que l’histoire sera bâtie comme une maison, en l’occurrence celle d’Hedwig, où chaque pièce se verra attribuer un chapitre et où les objets remplaceront les mots. Le lecteur commence sa visite dans la salle à manger. Y figure « l’objet à ne pas toucher : le meuble-machine-à-coudre avec sa pédale que je me retenais d’actionner, mais qui me tentait comme si j’allais pouvoir partir dans l’espace en mettant simplement mon pied ou ma main dessus. » Et ainsi de suite, de pièce en pièce, avec, en fil conducteur saugrenu, les pieuvres en laine de toutes tailles et couleurs qu’Hedwig confectionne et dispose partout dans la maison. Il est bien entendu interdit de jouer avec ! Dans cet univers sombre, les pieuvres dont les tentacules sont arrangés avec soin, forment des taches colorées.

L’illustratrice a quartier libre pour illustrer le texte et Véronique aime l’idée que la jeune femme – Wanda Dufner a 28 ans – soit le chaînon manquant entre la petite fille qu’elle a été et la cinquantenaire qu’elle est aujourd’hui. Elle y voit comme une filiation dans la conception du livre. Wanda pose quantité de questions auxquelles Véronique répond sans diriger son travail afin que demeure le vent de fraîcheur amené au livre par la jeune femme. Ne connaissant rien des années 70, il faut la documenter sur cette époque. D’ailleurs, un souhait de Véronique est que soit glissée dans chaque pièce la photo d’un vrai objet ou d’Hedwig. Le lecteur peut s’essayer à les trouver. Mais attention, Wanda les a parfois colorés.

Ce livre est décidément un projet pensé du début à la fin. Et c’est une raison pour laquelle il plaira au lecteur. Véronique aime les maisons, les objets. Ainsi, il y a une architecture du texte où l’écriture, fine et poétique, est de temps à autre émaillée de mots des années  70 et d’aujourd’hui. Pour rester en phase avec Hedwig, l’écrivaine a travaillé son écriture afin qu’elle ne soit ni trop moderne, ni trop fleurie. Pour autant, la sobriété du texte est ponctuée de traits d’humour, sous forme de mots cocasses qui allègent l’atmosphère.

Intergénérationnel, « Hedwig ou La pensée-louve » s’adresse à un large public. Car qui n’a pas vécu ces moments où, enfant, on s’ennuie, tributaire de visites ou de moments au calme imposés par les parents ? Ces instants, l’enfant se débrouille pour les combattre au moyen de son imagination, de sa capacité d’observation. Enfin, plus on vieillit, plus on va loin dans ses souvenirs. « Il se forme comme un pont en forme d’arc-en-ciel. » Que ce livre en soit un, qu’il soit lu par petits et grands, au-delà des régions, des frontières, puisqu’il a finalement été décidé qu’il contienne trois langues : le français, l’allemand et le lucernois.

Quant à moi, je choisis parmi mes souvenirs ceux que je peux trans-former en doudous bienveillants que je ressors encore et encore.


Katia Furter, Le Chailléran de juillet/août et sur le blog Page à pages (en images)

 

Souvenirs d’une grand-mère lucernoise sans paroles

La Lausannoise Véronique Emmenegger se remémore son aîeule avec curiosité et tendresse.

Que transmet une grand-maman à sa petite-fille lorsque les deux ne parlent pas la même langue? D’autant plus lorsque la première ne parle pas du tout la seconde? Une grand-maman économe en mots, qui ne rit pas, ne câline pas, ne gronde pas davantage, sans jamais se fâcher non plus. Une aïeule qui n’a jamais donné «ni objet ni bonbon ni centime», voilà qui la pare d’une curieuse aura.

C’est peut-être pour cela que, marquée par la « présence étonnante » de cette femme, passionnée de «Krimi» et inlassable ouvrière de pieuvres en laine qui envahissaient la maison, l’auteure lausannoise Véronique Emmenegger a voulu restituer ses visites chez ses grands-parents paternels Fluhmühle, près de Lucerne.
Comme pour compenser le manque de paroles dans cette petite maison traversée par le bruit des trains, sa mémoire rejaillit en français, allemand et lucernois. La pâte des souvenirs, remontée à la surface après la mort d’Hedwig, s’ordonne en chapitres qui explorent chaque pièce comme autant d’univers singuliers où le plus petit détail amuse ou intrigue. L’enfant vogue entre le parfum de poussière de la salle à manger, le canapé rêche du salon ou le tapis glissant de la salle-de bains. Croisant de temps à autre les pantoufles de la Grossmutter, « presque des bâtiments. »

Mais Hedwig réserve d’autres surprises, comme ces billets de banque qui rembourrent les chaises de la cuisine. Ou ses délicieux knöpflis. Et une autre qu’on ne dévoilera pas. Avec l’accès à la chambre à coucher, la petite-fille semble toucher à un peu de son intimité. Et si ce que cette étrange dame lui avait transmis, c’était cette capacité à faire jaillir «la poésie intense de l’insondable»? Le texte dialogue avec le dessin naïf et foisonnant de Wanda Dufner, qui restitue à merveille cet univers passé au tamis de l’enfance. Au-delà de cette expérience particulière, le lecteur perçoit une étrange parenté avec ses propres explorations enfantines. Voix unique et voix universelle se conjuguent dans cet ouvrage qui incite à retourner à son tour dans la caverne d’ Ali Baba des souvenirs.

Caroline Rieder, 24Heures, 16 juin 2021

 

Article d’Arno Rengli dans le Luzernerzeitung
(Traduction française sous l’article)

Grossmutter schwieg auf unvergessliche Art Véronique Emmenegger erinnert sich in einem wunderbaren Comic-Buch, wie sie als Kind ihre Luzerner Grossmutter besuchte.

Grossmutter Hedwig schwieg fast immer und zeigte keinerlei Gefühlsregungen. Und die wenigen Worte, die sie sich abringen konnte, waren auf Schweizerdeutsch und für ihre Enkelin Véronique kaum verständlich. Denn diese kam aus der West-schweiz. Trotz oder gerade we-gen der kargen Kommunikation waren die Besuche bei ihrer Grossmutter, in einem Häuschen im Luzerner Fluhmühlequartier, für das Mädchen prägende Erlebnisse. Und nicht nur wegen der buchstäblich erschütternden Nähe zum Bahngeleise.

Véronique Emmenegger, die heute in Lausanne lebt, hat die-se Kindheitserinnerungen aus den 1970er-Jahren zu einer wunderbaren Graphic Novel verarbeitet. Massgeblichen An-teil daran haben die suggestiven Zeichnungen der Schweizer Illustratorin Wanda Dufner, Absolventin der Hochschule Luzern für Kunst und Design. Die Bilder unterstreichen die traum-artige Charakteristik dieser kindlichen Erinnerungen, die sehr subjektiv ist, sehr selektiv auch, und in denen Details eine grosse Rolle spielen. Gerade solche, die mit Sinneseindrücken oder Gefühlen verbunden sind.

Aus der Distanziertheit wird ein eigener Reichtum

Als heutiger Erwachsener mag einem vielleicht durch den Kopf gehen: Wie kann diese Gross-mutter nur ein derart distanziertes Verhältnis zu ihrer Enkelin haben? Ihr keinerlei Interesse geschweige Zuneigung zeigen? Andererseits entstammt diese Grossmutter vielleicht einer Generation, die noch nicht so gewohnt war, mit Kindern bzw. Enkelkindern auf herzliche Weise umzugehen. Was heute ins-gesamt sicher anders ist – Aus-nahmen bestätigen beidseitig die Regel. Und gerade die nicht mehr ganz Jungen unter uns mögen sich vielleicht auch an eher zugeknöpfte Grosseltern erinnern. Mit seltsamen Gewohnheiten. Die vielleicht auch in Häusern oder Wohnungen lebten mit vielen skurrilen und geheimnisvollen Dingen. Die gerade darum auf Kinder magisch und reizvoll wirken konnten.

Denn dies ist das Schöne an dem Buch: Véronique Emmenegger wirft in ihren Texten, dreifach auf Hochdeutsch, Luzerner Deutsch und Französisch verfasst, der Grossmutter deren Distanziertheit nicht vor. Zumal auch das Kind nicht darunter leidet, im Gegenteil: Das Mädchen zieht aus den Besuchen ihren eigenen Reichtum, in Form von Erlebnissen, welche gerade auch ihrer Fantasie entspringen, ausgelöst eben durch die Absenz von Kommunikation oder vieler Spielsachen. Bei der Grossmutter taucht die kleine Véronique in eine andere Welt ein, welche auch ihre eigene Welt ist.

Knarre, Knöpfli und Kohle im Stuhlpolstern

Und irgendwann merkt man, dass die Grossmutter eben doch eine grosse Präsenz hat. Ein-fach, weil sie da ist. Dass viel-leicht die Unsichtbarkeit von Emotion nicht bedeuten muss, dass ihr die Enkelin nicht wichtig ist. Dass sie dieser eine Fülle von Erlebnissen oder Beobachtungen bietet.

Etwa, dass das ersparte Geld bündelweise im Polster der Küchenstühle aufbewahrt wurde. Dass Grossmutter in einer Schublade eine (hoffentlich ungeladene) Pistole aufbewahrte. Dass sie die weltbesten Knöpfli zu kochen verstand, was sie auch mit grosser Hingabe tat. Eine Hingabe, mit der sie auch unzählige Woll-Tintenfische bastelte. Welche die Enkelin no-tabene nie anfassen durfte.

Genauso wenig wie die faszinierende versenkbare Nähmaschine. Oder die Badewanne, die man nicht benutzte, weil man sich gewohnmässig am Lavabo mit Marseiller Seife wusch. Oder die Bonbons, die sich Grossmutter rund um die Uhr einverleibte. Aber auch diesem Geiz kann die Autorin Positives abgewinnen: «Dieses Fehlen des Teilens erzeugt eine positive kreative Frustration. Steht man mit leeren Händen und leerem Herzen da, wünscht man sich, die Materie zu erschaffen, sei es im Traum, in der Fiktion, als Erinnerung, als Wunsch.»

Und es war ja nicht nur Leere. Wenn etwa das Mädchen im Schlafzimmer der Grossmutter übernachten durfte – ein «Privileg», wie sie es heute nennt –, zeigt sich eine Geborgenheit, die nicht auf Worten basiert. Und vielleicht kommen einem erneut die eigenen Grosseltern in den Sinn. Vielleicht waren sie einem wenig rätselhaft, ab und zu sogar etwas furchteinflössend. Aber auch faszinierend. Und absolut unvergesslich.

Arno Renggli, LuzernerZeitung, Dienstag, 1. Juni 2021

 

Le silence de la grand-mère est resté inoubliable.

Dans une merveilleuse bande dessinée, Véronique Emmenegger se souvient de ses visites à sa grand-mère lucernoise lorsqu’elle était enfant.

Grand-mère Hedwig était presque toujours silencieuse, montrait rarement d’émotion, et les quelques mots qu’elle prononçait en suisse-allemand restaient à peine compréhensibles pour sa petite-fille Véronique venant de la partie francophone de la Suisse. Malgré, ou peut-être à cause, de la communication difficile, les visites à sa grand-mère dans une petite maison du quartier Fluhmühle de Lucerne deviennent des expériences formatrices pour la jeune enfant, et pas seulement à cause de la proximité littéralement fracassante de la voie ferrée. Véronique Emmenegger, qui vit aujourd’hui à Lausanne, a transformé ses souvenirs d’enfance des années 1970 en un merveilleux roman graphique. Les dessins évocateurs de l’illustratrice suisse Wanda Dufner, diplômée de l’école d’art et de design de Lucerne, y jouent un rôle majeur. Les images soulignent les caractéristiques oniriques de ces souvenirs d’enfance qui sont très subjectifs, très sélectifs, et dont les détails, en particulier ceux liés à des impressions sensorielles ou à des sentiments, s’harmonisent parfaitement avec l’histoire.

Le détachement se transforme en une richesse qui lui est propre.

En tant qu’adulte aujourd’hui, on pourrait penser : Comment cette grand-mère peut-elle avoir une relation aussi distante avec sa petite-fille ? Ne pas lui montrer d’intérêt, encore moins d’affection ? D’un autre côté, cette grand-mère appartient peut-être à une génération qui n’était pas encore habituée à traiter ses enfants ou petits-enfants de manière chaleureuse, ce qui est certainement différent aujourd’hui – les exceptions confirment la règle des deux côtés -. Et surtout, ceux d’entre nous qui ne sont plus tout à fait jeunes peuvent se souvenir de grands-parents plutôt boutonneux, avec des habitudes étranges, qui vivaient dans des maisons avec plein d’objets bizarres et mystérieux, raison pour laquelle ces éléments peuvent avoir un effet magique et attrayant sur les enfants.

Car c’est là toute la beauté du livre, dans son texte écrit en trois langues : français, allemand et lözarndutsch, Véronique Emmenegger ne reproche pas à sa grand-mère sa distance, au contraire, la fillette tire de ses visites sa propre richesse sous la forme d’expériences qui jaillissent de son imagination, déclenchées par l’absence de communication ou de nombreux jouets. Chez sa grand-mère, la petite Véronique est plongée dans un autre monde, qui est aussi le sien.

« Ce manque de partage crée une frustration créative positive. »

Flingue, knöpflis et flouze dans le rembourrage de la chaise.

A un moment donné, on se rend compte que la grand-mère a une grande présence malgré tout, simplement parce qu’elle est là, que l’invisibilité de l’émotion ne signifie peut-être pas que la petite-fille n’est pas importante pour elle, et que cette grand-mère lui offre une richesse d’expériences via l’observation. Par exemple, en découvrant que l’argent qu’elle avait économisé était conservé en liasses dans le rembourrage des chaises de la cuisine, ou que cette grand-mère gardait un revolver (non chargé, j’espère) dans un tiroir. Qu’elle savait comment cuisiner les meilleurs knöpflis du monde, ce qu’elle faisait avec beaucoup de dévouement, une dévotion avec laquelle elle a également fabriqué d’innombrables pieuvres en laine que, bien sûr, la petite-fille n’a jamais été autorisée à toucher.

Tout comme la fascinante machine-à-coudre rétractable ou la baignoire, qui n’a jamais été utilisée – car il était de bon ton de se laver au lavabo avec du savon de Marseille – ou les sucreries que grand-mère mangeait 24 heures sur 24. Mais l’auteure a su trouver des points positifs dans cette avarice : « Ce manque de partage produit une frustration créative positive. A force d’être les mains et le cœur vides, on désire fabriquer de la matière, qu’elle soit de rêve, de fiction, de souvenirs, de désirs. »

Car il n’y a pas eu seulement du vide, lorsque, par exemple, la jeune enfant est autorisée à passer la nuit dans la chambre de sa grand-mère – un « privilège », comme elle l’appelle aujourd’hui – un sentiment de sécurité se révèle, lequel ne repose pas sur des mots. Et peut-être que nos propres grands-parents nous reviennent à l’esprit, peut-être étaient-ils un peu mystérieux pour vous, parfois même un peu effrayants, mais aussi fascinants. Et absolument inoubliables.

Article d’Arno Renggli, traduit par Véronique Emmenegger, LuzernerZeitung, mardi 1er Juin 2021

 

 

Sa « Grossmutti » est-elle un fantôme?

C’est un livre qui raconte une grand-mère qui se taisait. Sa petite-fille, Véronique Emmenegger, en a fait un roman graphique.

«Grossmutti» ne lui parlait  jamais. De cette grand-mère taiseuse, qui n’avait ni parole ni geste pour sa petite-fille, alors en week-end à Lucerne, l’écrivain Véronique Emmenegger en a fait un livre. Un roman graphique ou, plutôt, un jeu de piste, qu’elle nous invite à arpenter à ses côtés, au gré des objets et des odeurs jaillies du passé. La petite maison de sa «Grossmutti» surgit ainsi de la nuit, avec son lot d’objets et de souvenirs que trace la dessinatrice Wanda Dufner au fil des pages. C’est Hedwig ou la pensée-louve, un récit émouvant et drôle à la fois, un livre qui dessine peu ou prou la grand-mère que l’on a tous eue, panant qu’il y en a toujours une plus causeuse et plus douce que l’autre. 

«Comme tout le monde, j’ai dû trier l’appartement à sa disparition et les objets ont germé comme des petits bijoux. C’est ainsi que j’ai pu reconstruire son personnage à partir du silence, mettre des mots où il n’y en avait pas», explique l’auteur, aujourd’hui âgé de 58 ans. «Mes souvenirs, c’étaient comme des polaroids: il a fallu les organiser pour en faire une petite maison de poupées, mais aussi la chambre de Barbe bleue…» Oui, car les souvenirs sont ceux d’une fillette: des week-end entiers à «renifler la poussière du couvre-lit», à guigner, à s’apeurer, à s’ennuyer surtout. «Tu n’as que ton nez et tes yeux et ça développe l’imaginaire, poursuit Véronique Emmenegger. Il fut un temps où l’on regardait des heures durant  les motifs du tapis et où l’on dessinait sur les vitres pleines de buée. C’était une grande partie de ma vie à Lucerne. Je crois que ce livre s’adresse à tous ceux et à toutes celles qui ont des souvenirs et les ont oubliés, parce qu’il y a trop d’images et de bruit aujourd’hui.» 

On parcourt donc les pièces de cette maison exiguë sur la pointe des pieds, de peur de perturber les rêveries solitaires d’une fillette «en pyjama Calida», penchée sur sa poupée ou à la recherche des bonbons «en forme de cercueils, bruns ou noirs» que « Grossmutti» déposait sur sa table de nuit.

 

A l’envers 

L’œil en arrêt sur la toile cirée, le lecteur se surprend soudain à vouloir goûter lui aussi au café complet et aux knopfli que la grand-mère de Véronique confectionnait tous les dimanches dans sa cuisine. De nombreux lecteurs, comme touchés par la grâce de la mémoire, lui ont du reste écrit, étant persuadés d’avoir vécu la même chose qu’elle. Mais, en fait, l’a-t-elle aimée, cette grand-mère? «Je peux répondre que j’ai aimé ce qu’elle m’a transmis, explique-t-elle, cet amour du travail bien fait et d’une zénitude qui apporte un vent frais au milieu de la démesure. J’aimerais lui dire merci pour sa générosité à l’envers.» 

Ajouts à la poésie qui s’exhale de ces pages, les dessins bruts et vifs de Wanda Dufner nous confortent dans nos sentiments: oui, ce livre qui se démultiplie a la capacité de nous faire revenir en arrière, de nous redonner nos 10 ans ! C’est délicieux, presque angoissant. 

L’éditeur a traduit chaque petit texte qui compose le récit en deux autre langues, l’allemand et le lucernois. Un goût de vérité assurément, mais aussi un pont jeté par-dessus la barrière de rosti, lequel emmènera bientôt l’auteur pour une signature à Zurich. Comme quoi, avec Véronique Emmenegger, les souvenirs d’enfant n’ont pas de patrie sinon celle du cœur, toujours prêt à gravir la montagne des souvenirs. «C’est comme si un fantôme se mettait à parler, non pas le fantôme qui donne les jetons, mais cette fameuse voix d’outre-Sarine qui chante nos identités multiples. Nous sommes toujours d’ailleurs finalement.»

Blaise Willa, Magazine Générations, mai 2021

 

 

Véronique Emmenegger et Wanda Dufner invitées de Laure Thorens dans l’émission bilingue et musicale Carnotzet Voltaire (Radio Rabe, 28.04.21) : A écouter ici.

 

 

Avis de lecture sur la plateforme Ricochet-jeunes.org

Au décès de son père, Véronique Emmenegger retrouve une alliance et une photo, points de départ d’un retour à son enfance. L’auteure fouille dans sa mémoire pour raconter ses souvenirs de vacances chez sa grand-mère à Lucerne dans les années 1970. Au fil des chapitres, elle réorganise l’architecture de son passé en dévoilant les pièces d’une maison austère et sombre que seul le passage du train à proximité fait vibrer.

La romancière offre un portrait en creux de sa Grossmutti, une vieille dame énigmatique, intrigante et peu expansive, qui ne parle pas sa langue et ne lui adresse jamais la parole. Au mutisme de sa grand-mère, l’auteure apporte des mots. À la froideur de la relation, elle apporte de la couleur. Bravant l’interdit de la machine à coudre dans la salle à manger, elle tente de raccommoder son histoire si particulière avec sa grand-mère. Loin de toute amertume, la petite fille retient des moments solaires comme le rituel des Krimi à la télévision, la manie de la vieille dame pour la confection d’étranges pieuvres psychédéliques en laine ou l’application portée à la préparation des Knöpflis le dimanche. Véronique Emmenegger décrit avec humour et fantaisie les moments de solitude passés chez sa grand-mère, moments propices à l’évasion dans un monde imaginaire drôle et cocasse.

Le livre écrit en trois langues (français, allemand et dialecte lucernois) transpose le lecteur francophone dans l’univers de la petite fille, et le confronte à la barrière de la langue : lui aussi est susceptible de ne comprendre que les quelques mots en allemand éparpillés dans le texte en français.
Le roman graphique est magnifiquement illustré par la dessinatrice Wanda Dufner ; ses images chatoyantes et colorées apportent une dimension chromatique à l’univers fantasmagorique de la petite fille.

Le livre permet de s’interroger sur le sens du lien intergénérationnel. Peut-il y avoir transmission sans communication verbale, au-delà des mots ?

Marie-Noëlle Letellier, Ricochet, 03 mai 2021

 

 

Véronique Emmenegger, invitée de Julie Evard dans la rubrique culture du 12h45 de la RTS (22.03.21). Elle nous parle de la genèse du livre et de cette relation singulière avec Hedwig, sa grand-mère.
>> Regarder le passage

 

PASSER LE RIDEAU DE KNÖPFLIS!
AU DELÀ DES MOTS MAIS EN TROIS LANGUES

AU DELÀ DES MOTS

«Hedwig ou la pensée-louve» parle de la relation particulière d’une petite fille (l’auteure) avec sa Grossmutti (Hedwig). L’enfant vit à Lausanne, avec son père lucernois et sa mère parisienne et passe les vacances chez sa grand-mère, à Flühmühle, dans le canton de Lucerne. Grossmutti n’adresse jamais la parole à l’enfant, ne lui offre rien, ni conseil, ni cadeau, elle ne la gronde pas non plus. Mais elle lui cuisine des «Knöpflis» le dimanche avec application et lui sert du «Kafi gomplee» le reste de la semaine vers 18 heures…

PIÈCE PAR PIÈCE

Dans ce livre magnifiquement illustré par la dessinatrice argovienne Wanda Dufner, l’auteure Véronique Emmenegger fait un portrait de sa grand-mère, énigmatique et peu expansive, en se remémorant la petite maison qu’elle habitait près des voies ferrées. En décrivant pièce par pièce l’ameublement et les odeurs, elle nous fait revivre des petits bouts d’enfance. Loin de toute amertume, le peu de mots échangés galvanise l’imagination et enflamme l’envie de fantaisie poétique et d’exploration des objets du quotidien. «On devrait dire merci aux gens qui nous gâtent comme aux gens qui nous privent.» La frustration peut être créative.

COULEURS ET HUMOUR

Pieuvres en laines multicolores qui éclairent chaque pièce, petit ours brun grincheux intouchable mais qui dit «je t’aime» en allemand, «jardin aux plates-bandes épilées avec une fantaisie militaire», l’univers d’Hedwig reste mystérieux pour l’auteure devenue adulte mais qui a été nourrie de toutes ces contradictions. Le tout est décrit avec beaucoup d’humour. Les dessins illustrent le monde merveilleusement coloré et riche que l’enfant parvient à recréer dans sa tête.

EN TROIS LANGUES

La grand-mère ne parlait pas français, l’enfant, pas suisse-allemand. Leur relation ne passait pas par les mots et pourtant c’est par les mots que l’auteure aujourd’hui tente de retrouver les odeurs et les sensations de l’enfance. Une alliance retrouvée à la mort de son père fait office de madeleine. Aux textes écrits en français par l’auteure viennent s’ajouter les voix germanophones et lucernoises signées Roland Hofer. C’est en polyphonie que l’on se retrouve dans les années 70, dans une maison au papier peint défraîchi mais aux pieuvres psychédéliques qui invitent aux voyages sidérants et sonores, pleins d’odeurs et de poussière du temps…

Sandrine Charlot Zinsli, blog Aux Arts etc, publié le 08/03/2021

Lien vidéo et audio

L’équipe du posdcast Ça résonne invite Véronique Emmenegger pour la première émission de leur 3e saison « Nos chers parents » (octobre 2021) >> à écouter ici

 

Véronique Emmenegger, invitée de Julie Evard dans la rubrique culture du 12h45 de la RTS (22.03.21). Elle nous parle de la genèse du livre et de cette relation singulière avec Hedwig, sa grand-mère.
>> Regarder le passage

 

Véronique Emmenegger et Wanda Dufner invitées de Laure Thorens dans l’émission bilingue et musicale Carnotzet Voltaire (Radio Rabe, 28.04.21) >> A écouter ici.