Wittgenstein et la déconstruction

Carraz, Laurent,

2001, 117 pages, 22 €, ISBN:2-940146-16-0

Sous l’intitulé commun de « Déconstruction », la culture universitaire américaine multiplie depuis une trentaine d’années les rapprochements hâtifs entre les pensées de Wittgenstein et de Derrida. La plupart de ces entreprises reposent sur des lectures très stratégiques et souvent superficielles, masquant les affinités réelles entre ces deux penseurs. Il est pourtant possible de dégager un certain nombre de thèmes et de motifs communs, sans pour autant sombrer dans la confusion analogiste, ni négliger leur singularité. Parmi ces thèmes et ces motifs, le présent ouvrage compare notamment leur critique de la conception métaphysique du signe.

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Description

Sous l’intitulé commun de « Déconstruction », la culture universitaire américaine multiplie depuis une trentaine d’années les rapprochements hâtifs entre les pensées de Wittgenstein et de Derrida. La plupart de ces entreprises reposent sur des lectures très stratégiques et souvent superficielles, masquant les affinités réelles entre ces deux penseurs. Il est pourtant possible de dégager un certain nombre de thèmes et de motifs communs, sans pour autant sombrer dans la confusion analogiste, ni négliger leur singularité. Parmi ces thèmes et ces motifs, le présent ouvrage compare notamment leur critique de la conception métaphysique du signe.

Mais c’est surtout une posture philosophique, « hétérodoxe » et inattendue, qui paraît rapprocher Derrida de Wittgenstein. C’est la question de l’écriture et du style, celle de l’énonciation de la pensée qui devient emblématique de cette pratique philosophique, qu’il est désormais convenu d’appeler « Déconstruction ». C’est aussi l’occasion de faire la genèse de ce mot, d’en critiquer l’usage s’agissant de Wittgenstein, et d’en chercher un autre pour décrire une forme de pensée originale.

Presse

Wittgenstein et la déconstruction

Une des propositions les plus célèbres de Ludwig Wittgenstein est: « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». A quoi Jacques Derrida répondit sur un ton parodique: « Ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais il faut l’écrire. » L’opposition ne semble pouvoir être plus nette. Tout ce que le second essaye inlassablement de dire sur ce qu’on ne peut pas dire serait en effet considéré comme un non-sens par le premier. Et alors que Derrida ne cesse d’écrire et de parler sur les sujets les plus divers en prétendant déceler des problèmes philosophiques, Wittgenstein défendit l’idée que beaucoup de problèmes philosophiques disparaissent une fois déjoué le piège des mots.

Pourtant, on assiste depuis une vingtaine d’années à des tentatives de rapprochement. Wittgenstein et One could argue a single male, who never has children, won’t benefit from this directly (although it’s easy to argue countless ways he benefits indirectly notably his mother, sisters, relatives, community, etc), leading to the obvious question, « why do I have to pay for something I don’t need? »In employment based group health cheap health and dental insurance policies, all employees of a company pay the same premium, regardless of their individual health needs. Derrida auraient finalement voulu dire la même chose! Et ces rapprochements paraissent d’autant plus étonnants qu’ils ont été effectués dans le monde anglophone. Derrida n’eut, à la différence de Wittgenstein, aucune influence sur la philosophie, mais uniquement sur les études littéraires et ce qu’on appelle là-bas les cultural studies. Raison de plus pour revenir de façon critique sur ces rapprochements, comme le fait ici Laurent Carraz.

Que Wittgenstein et Derrida privilégient tous deux l’aspect rhétorique plutôt que l’aspect logique du langage a bien sûr contribué à leur rapprochement. Mais à côté de cette analogie, souligne Carraz, combien de malentendus! Ce n’est pas pour autant, toujours selon notre auteur, qu’il n’y a pas des affinités profondes qui justifient leur rapprochement. Par exemple, l’un et l’autre chercheraient à « déconstruire » les discours philosophiques, au sens où ils essayent de montrer comment, involontairement, un discours philosophique mine lui-même la philosophie qu’il prétend mettre en place.

Si on peut être d’accord avec cette similitude, il y a toutefois une distinction fondamentale que l’auteur mentionne sans en tirer toutes les conclusions. Alors que Wittgenstein essaye de « dénouer » les confusions propres à toute pensée pour atteindre la simplicité, Derrida, sous prétexte du caractère fuyant de la langue, rend souvent plus confus les problèmes qu’il aborde. A la lumière de cette distinction, on voit que se pose séparément le problème de la pertinence de ces deux philosophes et donc encore celui de leur rapprochement.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines no 126, avril 2002.

Cet ouvrage a bien sa place dans une collection qui se définit par l’attention à l’écriture et à l’élaboration philosophique. Selon le constat de l’auteur, le lien entre la philosophie et son mode d’expression a suscité dans la culture universitaire américaine-à dominante analytique un engouement pour la déconstruction et un comparatisme annexionniste entre les conceptions de Wittgenstein et de Derrida. Ceux-ci se trouvent alors rapprochés hâtivement sans mention de la divergence des méthodes et des problématiques. L. Carraz reprend l’ensemble de la question de la déconstruction, surtout genèse de ce terme et analyse de son emploi par Heidegger, Wittgenstein, Derrida et des auteurs américains. La déconstruction étant devenue aux États-Unis signe de ralliement d’une pratique philosophique centrée sur l’énonciation de la pensée, la superficialité de la lecture a masqué certaines affinités réelles entre Wittgenstein et Derrida. Tout en reconnaissant la singularité de ces deux penseurs, Carraz dégage des thèmes et des motifs communs, notamment une critique de la conception métaphysique du signe-néanmoins considéré différemment. Tandis que Derrida désavoue la récurrence heideggérienne du phonologocentrisme, Wittgenstein diagnostique, pour en guérir, la croyance au signe et donc à la métaphysique. De toute façon, n’y a-t-il pas entre les deux auteurs une certaine proximité quant au repérage et à la recherche de jeux de langage et au goût d’une expression iconoclaste? Ni d’un côté ni de l’autre, l’analytique n’a de consonance avec l’analytique anglo-saxon.

Jean-Marc Gabaude, Revue philosophique no 4/2003, pp. 451-506.