Une vie électrique

Ulmi, Nic,

2020, 288 pages, 33 CHF, 29 €, ISBN:978-2-88901-172-8

Comment une curiosité de la nature – un fluide étrange qui produit des étincelles et des frissons – devient-elle une force qui transforme la vie d’un pays et qui en remodèle le paysage ?

Format Imprimé - 33,00 CHF

Description

Partant des premières lampes allumées comme des soleils en pleine nuit dans les décors chic du tourisme alpin, et allant jusqu’aux interrogations actuelles autour de la transition énergétique ainsi que des énergies renouvelables, ce livre raconte une histoire de l’électricité en Suisse. Il met aussi en lumière les installatrices-électriciennes et les installateurs-électriciens, qui œuvrent dans les derniers mètres cruciaux où l’on raccorde l’infrastructure électrique nationale à la vie quotidienne de la population.
L’association vaudoise de ces professionnel·le·s (ACVIE), qui fête ses 90 ans en 2019, est à l’initiative de cet ouvrage.

Table des matières

AVANT-PROPOS

#1. DES DÉBUTS SPECTACULAIRES

« IL SPETTACUL DELLA GLÜSCH ELECTRICA »

Éblouissements et zones d’ombre

UNE FÉE COSMOPOLITE

Du courant pour rire et pour guérir

De la résurrection à la réanimation

La lumière, un effet secondaire

Le soleil en pleine nuit

La lumière s’en va-t-en guerre

Le télégraphe et ses pionniers hypothétiques

La chorale au téléphone

UN PAYS HYPERÉLECTRIQUE ?

Superpouvoirs de l’eau

Réduire et renouveler

Écologie, indépendance, même combat

 

#2. L’ÉLECTRIFICATION TOURISME CHIC ET MODERNISME PATRIOTIQUE

L’électricité pour se distinguer

À la conquête de l’espace public…

… et de la vie privée

La modernité oubliée des fêtes fédérales

Le XXIe siècle éteindra la lumière

UNE FÉE MUNICIPALE

Lorsque les électriciens étaient opticiens

Lausanne une « centrale » avec des guillemets

Genève une pétition pour l’électrification

Cormoret l’électricité fêtée aux flambeaux

Lucerne une centrale loin de la ville

Zurich « la lumière éveille le désir de lumière »

LA VIE ÉLECTRIQUE

La modeste saga de la sonnerie

Se soigner à l’électricité

Comment le téléphone apprit à parler

La domestication de l’éclairage

Le prix, un obstacle et un levier

De la force pour les horlogers Kriegstetten, triomphe électrique et publicitaire

Les Alpes suisses à Francfort

La fée est la servante

La fièvre électrique « Quelle ne serait pas notre supériorité… »

L’électricité sur les rails

L’esthétique électrique

Du courant toujours et partout L’appareil qui fouettait la consommation

L’électricité, cause de divorce ?

COMMENT LE PAYSAGE DEVINT ÉNERGIE (ET VICE-VERSA)

Comment faire confiance à un réseau

Barrages au fil de l’eau et au seuil des nuages

Le mariage de la rivière et du torrent

Le début des exportations… … et des importations

#3. CONSTRUCTEURS, EXPLOITANTS, INSTALLATEURS

LES CONSTRUCTEURS DE MACHINES

LES COMPAGNIES FOURNISSEUSES D’ÉLECTRICIT

LES « FINANCIÈRES ÉLECTRIQUES »

Concentration et diversification

LES ÉLECTRICIENS

Genève, 1899 contre la « concurrence faite par la Ville »

Lausanne, 1906 pour « le libre exercice des électriciens »

Patrons et ouvriers dans le même bateau ?

Une union suisse avant les groupements cantonaux

Les associations cantonales d’installateurs-électriciens

L’électricité, un art ménager

Les électriciens vaudois contre « la loi de la jungle »

#4. DU NUCLÉAIRE VERT À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

LORSQUE LE NUCLÉAIRE ÉTAIT VERT

Du rêve d’un réacteur suisse… … aux réacteurs américains « clé en main »

Le nucléaire, bon pour l’environnement ?

Premier problème : le réchauffement des eaux

COMMENT LE PAYSAGE DEVINT ENVIRONNEMENT

Les chocs pétroliers

Le spectre du « Syndrome chinois »

Une chance pour l’électricité

Mot d’ordre : réempoissonner

La beauté naturelle des lignes électriques

Nucléaire, suite et fin

Transition volontaire et virage spontané

De « nouvelles » énergies renouvelables

Le dilemme éolien

Le soleil contre le patrimoine

#5. ÊTRE ÉLECTRICIEN·NE ENTRE DEUX SIÈCLES

Balbutiements du numérique

Promesses de la domotique

La maison de demain est-elle pour aujourd’hui ?

Le logement qui réfléchit à l’environnement

La disparition de l’interrupteur

Se convertir au renouvelable

Rythmes humains, cycles solaires

L’autoconsommation, du singulier au pluriel

« J’ai coupé le raccordement au réseau »

Le côté obscur du numérique

La boîte noire

Un métier toujours d’avenir

BIBLIOGRAPHIE

LISTE DES SOURCES ET DES OUVRAGES CONSULTÉS

SOURCES

Sources publiées
Presse
Études

LÉGENDES

TABLE DES MATIÈRES

Presse

Compte-rendu dans la Revue historique vaudoise 129/2021

Publié dans le cadre du 90e anniversaire de l’Association cantonale vaudoise des installateurs-électriciens (ACVIE), le livre de Nic Ulmi refuse d’emblée l’ambition d’une synthèse originale de l’histoire de l’électricité en Suisse. Comme son auteur s’en justifie, l’ouvrage a été écrit dans des délais « très brefs, proches de ceux du journalisme plus que de ceux de la recherche historique » (p. 12). En s’appuyant sur le panorama défriché depuis plus de vingt-cinq ans par l’historiographie, l’auteur complète son projet d’étude du passé électrique à l’aide d’un survol de la presse vaudoise et genevoise, ainsi que de rares documents d’archives de l’ACVIE et une série d’entretiens mobilisés dans le dernier chapitre. Fort de son expérience journalistique, Nic Ulmi rassemble ce matériau hétéroclite pour illustrer les progrès de l’électrification et l’émergence de la profession d’électriciens. Le récit se déploie autour de cinq moments : 1. Des débuts spectaculaires ; 2. L’électrification ; 3. Constructeurs, exploitants, installateurs ; 4. Du nucléaire vert à la transition énergétique ; 5. Être électricien·ne entre deux siècles. Tout au long de ce parcours sinueux, l’auteur s’attache à décrire une « voie originale » pour la Suisse dont le territoire, comme l’identité nationale, est marqué par les installations électrotechniques des siècles passés. La question se pose dès les premières pages : La Suisse serait-elle « un pays hyperélectrique ? » (p. 38).

Au seuil de la première section, le développement technique de l’électricité est présenté à l’aide de ses multiples usages spectaculaires dès la fin du XVIIIe siècle. Depuis les domaines pseudo-scientifiques jusqu’aux expériences médicales et autres illuminations théâtrales, l’électricité acquiert progressivement une aura de modernité. Cette première approche descriptive n’est pas sans rappeler les travaux pionniers d’Alain Beltran et Patrice Carré sur les imaginaires historiques publiés dans l’ouvrage éponyme La vie électrique chez Belin (2016, édition originale 1991). Les succès de l’électricité s’enchaînent alors dans un récit haletant. La lampe à arc, la dynamo, le télégraphe, puis la lumière électrique ponctuent la légende d’un développement continu du progrès scientifique, sans fausse note. En 1878, l’Exposition universelle de Paris sonne l’heure de la rapide mise en oeuvre de la lumière électrique, avant l’introduction des premiers moteurs. Le degré d’électrification du pays devient l’objet d’un renouveau patriotique avec l’illusion de l’autosuffisance énergétique, nourrie du fantasme des ressources illimitées en force motrice hydraulique. Ces pages consacrées au cas national peinent à s’émanciper des thèses de Serge Paquier sur l’exceptionnalité de la trajectoire helvétique, en particulier les passages sur les enjeux financiers du développement industriel de ce secteur ou les efforts de commercialisation de l’exportation électrotechnique.

Dans le second chapitre, les effets multiples du tourisme et de la modernité patriotique relancent le sujet à différentes échelles locales, municipales et cantonales. Le jeu des oppositions entre industrie du gaz et de l’électricité, comme les conflits entre intérêts privés et gestion collective des ressources énergétiques, permettent à l’auteur de décrire les premiers systèmes d’éclairage mis en service, le développement subventionné des raccordements électriques et le soutien apporté à la demande croissante en électricité. Nic Ulmi revendique une mise en lumière d’acteurs discrets, comme les installateurs et vendeurs privés d’équipements. Cependant, les grands noms des milieux économiques ou politiques sont quelque peu délaissés. Plusieurs ingénieurs de renom, Adrien Palaz notamment, passent inaperçus. L’analyse des annonces et publicités parues dans la presse quotidienne conduit à une lecture asymétrique des innovations pratiques de la « vie électrique » (sonnettes, petits appareillages, horloges), au détriment d’une approche internationale des révolutions technologiques à l’époque.

Sous la forme d’un rapide aperçu historique, les trois sections qui terminent l’ouvrage sont plus courtes. L’objectif se fixe tout d’abord sur les acteurs de l’électrification du pays : industrie des machines (pp. 151-159), compagnies en réseau (pp. 160-167) et sociétés financières (pp. 168-169). Ensuite, les facettes du métier des « électriciens » se présentent sous la forme d’un éventail d’études de cas à Genève en 1899 (p. 172), à Lausanne en 1906 (p. 175), et dans diverses organisations cantonales et fédérales (pp. 178-191). Enfin, à l’aide d’entretiens réalisés auprès de professionnels, l’ultime chapitre propose un bilan du travail des électriciens au cours des cent dernières années (transition vers l’énergie nucléaire, crise pétrolière, émergence de l’électronique, progrès de la numérisation, passage aux énergies renouvelables).

L’intention de départ de Nic Ulmi n’est que partiellement atteinte. Le style du récit et les références sommaires aux recherches historiques permettent une lecture rapide du développement de l’électricité au cours des siècles. Toutefois, le lecteur se perd entre les transitions abruptes des différentes parties de l’ouvrage. Grâce au format agréable de cette plaquette commémorative, les 65 illustrations reproduites en couleur offrent aux lecteurs un beau matériau historique. Malheureusement, cette riche iconographie ne fait l’objet que de trop peu de commentaires, et les références précises des images se trouvent en annexe, ce qui oblige à un incessant va-et-vient pour en situer le contexte. L’ambition d’un récit à hauteur humaine fait encore obstacle à une prise en considération des recherches récentes en histoire économique, voir en particulier la synthèse de David Gugerli dans L’histoire économique de la Suisse au XXe siècle (Alphil, 2021). L’absence d’un réel dialogue entre littérature secondaire, presse rétronumérisée et entretiens réalisés par l’auteur se ressent au gré des chapitres qui juxtaposent des citations sans une mise en perspective sous forme d’interrogations critiques. Le choix du corpus de sources est à ce titre problématique, en particulier sur les enjeux méthodologiques de la numérisation des archives. Par exemple, l’effacement de la Société des installateurs électriciens dans la presse vaudoise après 1908 (p. 179) cache peut-être un biais des moteurs de recherche. Sur ce point, il faut regretter le manque d’un dépouillement du Bulletin technique de la Suisse romande (disponible sur le site e-periodica), alors que le titre est mentionné à une reprise au moins (p. 130) et qu’il aurait permis de contextualiser la création de l’Association suisse des électriciens en 1897 (p. 154). Néanmoins, ce livre aura le mérite d’avoir signalé tout l’intérêt d’une recherche à mener sur les professions qui encadrent le développement du secteur électrique, ce que les membres de l’ACVIE pourraient initier pour leur centenaire à venir.

Dominique Dirlewanger

 

Compte-rendu dans la Revue suisse d’histoire

Das Leben ist von Elektrizität durchdrungen. In seinem Buch Une vie électrique geht der Wissenschaftsjournalist und Historiker Nic Ulmi diesem Umstand auf den Grund. Anlass seiner Arbeit war das 90. Jubiläum der Association Cantonale Vaudoise des Installateurs-Électriciens (ACVIE), die ein Buch über die Elektrifizierung und ihr Personal in Auftrag gab. Zum einen zeichnet Ulmi die Elektrifizierungsgeschichte anhand der Sekundärliteratur nach, zum anderen möchte er die Installateure und Elektriker anhand neuen Quellenmaterials und Interviews in den Vordergrund rücken. Das Buch erhebt somit nicht primär den Anspruch, eine Forschungslücke zu schliessen, vielmehr soll es ein Panorama der Schweizer Elektrizitätsgeschichte zeichnen und dieses mit Zeitungsquellen anreichern, um die Rolle der Hintergrundakteure der Elektrifizierung deutlich zu machen.

Der Text ist inhaltlich um fünf thematische Schwerpunkte gruppiert. Im ersten Kapitel stellt Ulmi die wissenschaftshistorischen Hintergründe der Elektrizität dar und erzählt, wie die elektrischen Techniken im ausgehenden 18. Jahrhundert im Dunstkreis von Pseudowissenschaft und Schauspiel, aber auch in medizinischen Versuchen angewendet wurden. Eine gewisse Visibilität habe Elektrizität erst durch die Kohlenbogenlampe erfahren, die zu Beginn des 19. Jahrhunderts erfunden wurde. Doch erst Jahre später, mit der Sicherstellung einer konstanten Energiequelle durch den Elektrodynamo, konnte das elektrische Licht 1878 auf der Pariser Weltausstellung publikumswirksam inszeniert werden. In den darauffolgenden Dekaden fand eine rasante Implementierung des elektrischen Lichts statt. Wie Ulmi betont, erreichte die Schweiz bereits 1900 einen vergleichsweise hohen Elektrifizierungsgrad, wobei Strom medienwirksam mit der Energiegewinnung in den heimischen Bergen und der damit verbundenen energetischen Autarkie inszeniert worden sei. Diese Vermarktung der neuen Technik trug viel zur breiten Akzeptanz von Elektrizität bei und schmälerte den anfänglichen Argwohn, der ihr teilweise entgegengebracht wurde.

Im zweiten Kapitel geht der Autor in groben Zügen auf die Elektrifizierung des Heims zwischen 1890 und 1950 ein, indem er beschreibt, wie die ersten Lichtanlagen in Betrieb genommen, Stromanschlüsse im Haushalt installiert und der steigende Energiebedarf durch neue Kraftwerke befriedigt wurden. Neben sichtbaren und namhaften Akteuren der Elektrifizierung, privaten Investoren und öffentlichen Unternehmen, schenkt Ulmi denjenigen Gruppen Beachtung, die einen wichtigen Teil zur Elektrifizierung beitrugen, in bisherigen Darstellungen aber kaum Platz fanden: «ces acteurs plus petits et moins connus» (S. 58), den privaten Installateuren und Verkäufern elektrotechnischer Apparate. In der lokalen Berichterstattung, hauptsächlich aber in den Annoncen verschiedener Tageszeitungen lassen sich Spuren dieser Akteure finden. Der Start des elektrischen Lebens manifestiert sich laut Ulmi darin, dass Mechaniker und Händler elektrische Teile oder Kleinmaschinen zum Verkauf anboten. Insbesondere im elektrischen Knopf, der Alarmzwecken und der Fernkommunikation diente, zeigt sich, dass um 1880 eine Nachfrage nach elektrisch betriebenen Geräten einsetzte. Aber auch Werbeanzeigen für Uhren, Telegrafen und Telefone sowie Beleuchtungsanlagen nahmen um 1900 zu, woraus Ulmi schliesst, dass Privatpersonen hauptsächlich über solche Kleinstapplikationen erstmals mit Elektrizität in Kontakt kamen.

Das letzte Drittel des Buches verteilt sich auf drei kurze Kapitel, in denen verschiedene Akteure der Elektrifizierung und der Übergang zur Nuklearenergie behandelt werden sowie abschliessend ein Rückblick auf die Arbeit der Elektroinstallateure und Elektrikerinnen der letzten 100 Jahre geleistet wird. Insbesondere dieses letzte Kapitel gibt einen interessanten historischen und aktuellen Einblick, wie diese Berufsgruppe anfangs wenig wahrgenommen wurde, ihre Position aber durch gewerkschaftliche Selbstorganisation zunehmend ausbauen konnte. In vermehrter Pressepräsenz nach 1910 zeigt sich, dass für die Branche ein Kampf um Tarife, Zulassungen und gegen Lohndumping diskursiv an Bedeutung gewann. Den Wandel der Arbeit macht Ulmi schliesslich deutlich, indem er anhand der ACVIE aufzeigt, wie sich das Berufsfeld von Elektrikern und Elektrikerinnen über 100 Jahre stetig veränderte und erweiterte. Bedeutende Änderungen brachte die Digitalisierung und Elektronik ab den 1960er Jahren sowie der Übergang zu erneuerbarer Energie in den 1990er Jahren, was die Installationen im Haushalt veränderte, beispielsweise durch den Einbau von Photovoltaikanlagen. Für dieses letzte Kapitel führte Ulmi Interviews mit mehreren Berufstätigen und skizziert anhand dessen eine Rundschau zur Veränderung derer Arbeit.

Nic Ulmis Vorhaben, einen Überblick über die aktuelle Forschung zur Elektrifizierungsgeschichte der Schweiz zu liefern und mit eigenen Recherchen zur Rolle der wenig beachteten Elektroinstallateurinnen und -installateure zu verknüpfen, vermag leider nicht ganz zu überzeugen. Die Verbindung bereits vorhandener Forschung mit der punktuellen Fokusverschiebung auf die Geschichte der Installationsbranche ist stellenweise verwirrend arrangiert, insbesondere weil der Grossteil des Textes deutlich auf Sekundärliteratur basiert, die hauptsächlich das 19. und frühe 20. Jahrhundert behandelt. Zudem fehlt dem Vorhaben letztlich die Quellenbasis, da der Autor darauf verzichtet, nebst Zeitungsartikeln und Interviews weitere Quellen hinzuzuziehen.
Nichtsdestotrotz besteht eine Leistung des Buches darin, dass die vorhandene Forschung zur Elektrifizierungsgeschichte der Schweiz zusammengetragen und zu einer gut lesbaren und ansprechend gestalteten Synthese arrangiert wurde. Angereichert mit illustrativen Bildern ist ein durchaus interessantes Buch entstanden, dessen Lektüre einen schnellen und aktuellen Überblick über die Schweizer Elektrifizierungsgeschichte ermöglicht.

Jonas Schädler, Zürich, SZG/RSH/RSS 70/2