Une Suisse au noir

Flükiger, Isabelle,

ISBN:978-2-88901-282-4, 2025, 128 pages, 17€

Texte hybride qui navigue entre l’enquête et la fiction, Une Suisse au noir se penchent sur le cas des sans-papiers en Suisse.

Au travers du parcours d’une travailleuse domestique et d’un ouvrier dans le domaine du bâtiment, c’est toute la duplicité du système suisse qui est mise à jour: une politique qui ne dit pas ce qu’elle fait et qui ne fait pas ce qu’elle dit.

Format Imprimé - 22,00 CHF

Description

«Tu as engagé une illégale pour s’occuper de tes enfants?!» La narratrice tombe des nues lorsqu’elle apprend que son amie emploie une sans-papiers.
Mais avec l’histoire de Gloria, la babysitter camerounaise, puis celle de Mohammed, un demandeur d’asile débouté, sa stupeur va laisser la place à de nouvelles questions: comment  des sans-papiers peuvent-ils payer assurances sociales et impôt à la source, tout en se voyant refuser le droit d’exister légalement? Comment des employeurs peuvent-ils recruter des travailleurs illégaux, et s’en sortir impunément?
Avec ce sixième roman, Isabelle Flükiger nous emmène dans une Suisse de l’ombre où la justice n’est pas le droit, et où la loi ne dit pas toujours ce qu’elle fait. Un récit entre enquête et fiction aussi percutant qu’instructif.

L’édition de ce livre a reçu le soutien du Service Bibliothèques et Archives de la Ville de Lausanne ainsi que de la fondation Verena et Hansruedi Kunz.

 

Presse

Isabelle Flükiger est l’invitée de l’émission Tribu, sur RTS La Première

En Suisse, de nombreuses personnes travaillent de manière illégale. Comment expliquer cette situation dans un pays riche? Comment coexistent légalité et clandestinité? Quelle est la responsabilité des employeurs? Tribu reçoit Isabelle Flükiger, romancière, qui signe Une Suisse au noir, aux Éditions Antipodes.

Paru dans Tribu, le 18 septembre 2025, une émission de Julien Magnollay,


«Des sans-papiers dans les rouages du capitalisme», article paru dans l’Evénement syndical

Dans son roman, « Une Suisse au noir », l’écrivaine fribourgeoise Isabelle Flükiger plonge dans les vies de personnes sans-papiers et dans la duplicité du système.

S’il se veut fictionnel, le roman Une Suisse au noir mêle habilement la vie d’une migrante camerounaise travaillant dans l’économie domestique et celle d’un jeune ouvrier marocain œuvrant dans la construction. Tous deux vivent en Suisse romande, sans statut légal. L’une fait partie des sans-papiers, l’autre est un requérant débouté. Ces deux personnages créés par l’écrivaine fribourgeoise Isabelle Flükiger pourraient tout aussi bien exister. Forte de nombreux témoignages, elle donne vie à Gloria et à Mohammed avec finesse et justesse, loin des clichés. Tout en plongeant dans leur existence, on découvre également la face sombre, les failles et les incohérences du système, des assurances maladie à l’AVS, en passant par les contrôles sur les chantiers, la sous-traitance et les faillites en cascades. Ne reculant ni devant des textes de loi ni des rapports administratifs complexes, l’écrivaine signe une enquête rigoureuse, documentaire, tout en emmenant le lecteur dans sa propre quête dans les coulisses d’un système inique.

Ce roman met en lumière celles et ceux qui sont exploités, des associations d’entraide, des inspecteurs de chantier, des entrepreneurs, des juristes… Christophe Tafelmacher, avocat spécialiste de la politique migratoire, signe la préface rappelant que la Commission sur le racisme a conclu, déjà en 2003, «au caractère discriminatoire de la politique d’immigration officielle». Résultat, 100 000 à 200 000 personnes travaillent en Suisse avec des salaires trop bas, dans des conditions difficiles. Elles vivent, sans droits ou presque, dans des logements loués par des «marchands de sommeil», parfois insalubres, souvent bondés et trop chers. Entre paradoxe et hypocrisie, elles ont le droit d’être assurées par les caisses maladie, mais nombre de celles-ci les refusent; par ailleurs, cotiser à l’AVS, à l’AI et aux assurances perte de gain leur est possible. En cas d’accident, la personne peut donc en théorie être protégée. Quant aux cotisations AVS, elle a la possibilité de les récupérer si elle quitte le pays. Toucher une rente ne lui sera possible qu’en cas de régularisation.

Du besoin de main-d’œuvre
Gloria n’a jamais chômé, le marché de l’emploi a besoin d’elle. Même topo pour Mohammed, exploité dans un restaurant, puis sur les chantiers. Il est l’un des pions qui permettent aux entrepreneurs et aux sous-traitants de dégager cette marge qui fait marcher le système capitaliste. «Un entrepreneur me disait: “Si vous gagnez le mandat, vous ne dormez pas parce que vous êtes allé trop bas. Si vous n’obtenez pas le mandat, vous ne dormez pas parce que le concurrent l’obtiendra à 2% de différence”», relate l’écrivaine. Alors, pour s’en sortir, ce petit patron sous-traite à un peintre kosovar qui va, lui, sous-payer des travailleurs au noir…

Expliquant les rouages du système avec pédagogie, de sa plume alerte, Isabelle Flükiger dépeint un système injuste qui fluctue au gré des changements de loi, des motions absconses, des décisions absurdes. L’écrivaine questionne le système et la motivation de ces migrants à rester coûte que coûte. Pour certains, il y a la peur d’être emprisonné ou tué s’ils retournent dans leur pays d’origine. Pour d’autres, comme lui explique une personne active dans le milieu associatif: «Toute ta famille s’est ruinée pour que tu puisses partir… et toi, tu l’as fait, ce voyage impossible, tu es allé au bout de la peur et, parfois, de l’horreur… Maintenant, tout le monde au pays attend un retour sur investissement… Et toi, tu reviendrais les mains vides, encore plus démuni qu’avant, avec juste ces souvenirs dégueulasses pour vous payer de tous vos efforts ? Tu comprends, ici, au moins, ils ont l’espoir…» K

Article paru dans l’Evénement syndical, N°13, 12 septembre 2025


«Enquête dans les coulisses de la prospérité suisse», interview d’Isabelle Flükiger paru dans La liberté

«Qu’une écrivaine dédie un livre aux sans-papiers n’a, en soi, rien de trop surprenant. Mais qu’elle se plonge, dix ans durant, dans les liasses législatives qui condamnent leur présence tout en s’accommodant de leur travail, voilà qui est plus inhabituel. Après son Retour dans l’Est (2017), récit familial sur les traces de son ascendance roumaine, Isabelle Flükiger a appris une autre langue pour dépeindre Une Suisse au noir: celle du droit, si spécialisée que peu en comprennent les subtilités ni les implications, et qui pourtant régit l’existence de 100 000 à 200 000 personnes considérées comme illégales dans notre pays.

A ces esclaves modernes, qui répondent aux besoins de l’économie mais sont tenus en marge de la société, l’écrivaine fribourgeoise dédie une enquête littéraire, subtilement fictionnelle et rigoureusement documentée […].»

Extrait de l’article de Thierry Raboud, La Liberté, 16 mai 2025.