Le sens du style

Gollut, Jean-Daniel,

2008, 191 pages, 18 €, ISBN:978-2-88901-018-9

Les études ici réunies visent toutes un même objectif: saisir le sens des textes littéraires dans le détail des formes langagières. L’approche descriptive, informée par les concepts de la linguistique énonciative et textuelle, rejoint ainsi, pour chaque fait de discours envisagé, des préoccupations herméneutiques. Mais la complémentarité naturelle dans laquelle sont pensés la forme et le sens apparaît toujours liée à des conditions spécifiques de mise en discours. La composition du récit est examinée dans le cadre particulier de la relation onirique; la désignation, qui instaure une référence, se trouve saisie au moment stratégique de l’ouverture romanesque (incipit); le dispositif énonciatif est appréhendé dans le poème lyrique, etc. Invariablement, les chapitres de cet ouvrage présentent, avec précision et méthode, les moyens de dégager le sens du style. Ils apparaissent ainsi exemplaires d’une mise en relation raisonnée des sciences du langage et des études littéraires.

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Description

 Les études ici réunies visent toutes un même objectif: saisir le sens des textes littéraires dans le détail des formes langagières. L’approche descriptive, informée par les concepts de la linguistique énonciative et textuelle, rejoint ainsi, pour chaque fait de discours envisagé, des préoccupations herméneutiques. Mais la complémentarité naturelle dans laquelle sont pensés la forme et le sens apparaît toujours liée à des conditions spécifiques de mise en discours. La composition du récit est examinée dans le cadre particulier de la relation onirique; la désignation, qui instaure une référence, se trouve saisie au moment stratégique de l’ouverture romanesque (incipit); le dispositif énonciatif est appréhendé dans le poème lyrique, etc. Invariablement, les chapitres de cet ouvrage présentent, avec précision et méthode, les moyens de dégager le sens du style. Ils apparaissent ainsi exemplaires d’une mise en relation raisonnée des sciences du langage et des études littéraires.

Table des matières

I. Le récit de rêve

  • Des rêves à foison de R. Queneau: un exercice de style?
  • L’énonciation du récit de rêve
  • Sujet du discours et discours du sujet: l’identité personnelle dans le récit de rêve
  • Songes de la littérature épique et romanesque en ancien français: aspects de la narration
  • La mise en texte

II. Énonciation et littérature

  • La parole vive: remarque sur l’énonciation du poème lyrique
  • Une parole sous condition (Molière, Dom Juan)

III. La construction référentielle dans le roman

  • Le Libera: un fait de style, les noms de personne
  • Un dilemme communicatif: retour des personnages et désignation dans La Comédie humaine
  • La référence en début de texte: Salammbô

Presse

Dans le Bulletin suisse de linguistique appliquée 

A travers une sélection de dix articles, Le sens du style offre un panorama des recherches menées, du début des années quatre-vingt à nos jours, par Jean-Daniel Gollut. L’avant-propos de l’ouvrage, cosigné par Jean-Michel Adam et Joël Zufferey, permet de deviner l’homme derrière le maître d’enseignement et de recherche. Témoignant de l’estime et de la reconnaissance d’anciens collègues pour un jeune retraité, cet avant-propos retrace la carrière de Jean-Daniel Gollut qui aura  »assuré, pour une part essentielle, le dialogue entre littéraires et linguistes » à l’Université de Lausanne. Si on reconnaît à Jean-Daniel Gollut un rôle de médiateur interdisciplinaire, c’est que son travail, à l’image de son parcours universitaire et scientifique, s’est lui-même développé à la croisée de la littérature et de la linguistique. 

Dans la continuité de ses études de littérature à l’Université de Genève-où il a suivi, entre autres, les cours magistraux de Jean Starobinski-Jean-Daniel Gollut conçoit le projet d’une thèse portant sur le récit de rêve, dirigée par Jean Rousset, et dont la soutenance a lieu en 1991. Plutôt que d’investir une herméneutique des rêves, laissant en cela  »au psychologue l’interprétation des contenus » (Gollut, 1993: 11), le chercheur s’atèle à l’étude des formes de la narration onirique. L’observation des aspects formels propres aux récits oniriques, tâche exigeante et d’autant plus complexe qu’elle représente alors une voie relativement nouvelle, nécessite une perspective méthodologique particulière. C’est en opérant une jonction entre les champs de la poétique et de la linguistique que le jeune chercheur d’alors forge ses outils d’observation, de compréhension et d’analyse. Inspiré tout à la fois par les travaux de narratologie de Gérard Genette, par la théorie de l’énonciation d’Emile Benveniste, et par les recherches développées à Lausanne par Jean-Michel Adam, Jean-Daniel Gollut parvient à concevoir une approche qui doit lui permettre d’embrasser la structure particulière des récits oniriques. Ce faisant, il trouve une alternative à la linguistique traditionnelle, dont l’approche descriptive  »microscopique » des structures phrastiques ne saurait convenir à saisir les fonctionnements formels des récits de rêve dans leur intégralité. Rétrospectivement, on sait aujourd’hui quelle importance cette approche originale aura sur la suite des travaux de Jean-Daniel Gollut. A ce titre, la succession des trois parties de Sens du style représente davantage qu’une simple répartition thématique: elle reflète également un cheminement intellectuel qui aura entre autres mené son auteur de l’analyse formelle du récit de rêve (partie I) à celle des rapports entre énonciation et littérature (partie II), ainsi qu’à des recherches portant sur la construction référentielle dans le roman (partie III).

Reflétant l’importance que les analyses des structures du récit onirique ont eue sur la suite des travaux de Jean-Daniel Gollut, les cinq articles constituant la première partie du recueil,  »le récit de rêve », s’étendent sur la moitié de l’ouvrage. 

Dans le premier et le plus ancien d’entre eux (il est publié en 1982)  »Des rêves à foison de R. Queneau: un exercice de style? », l’auteur s’intéresse à un ensemble de textes qui imitent des récits de rêve. Le subterfuge mimétique est dévoilé par Raymond Queneau lui-même, dans la note finale aux quatorze pièces des Cahiers du chemin (Queneau, 1973: 11-14):   »Naturellement aucun de ces rêves n’est vrai, non plus qu’inventé. Il s’agit simplement de menus incidents de la vie éveillée. Un minime effort de rhétorique m’a semblé suffire pour leur donner un aspect onirique ». A la manière de la technique du trompe-l’œil, qui ne trouve sa véritable valeur qu’une fois perçue en tant que telle, le  »minime effort de rhétorique » explicité par Queneau incite à observer, non plus les contenus de ces rêves (qui n’en sont donc pas), mais plutôt le dispositif qui permet de les lire comme des récits oniriques. C’est donc, en toute logique, vers la reconnaissance des aspects formels de ces récits que se déplace l’attention de Jean-Daniel Gollut: s’en suit, dans ce premier article, une revue de l’infrastructure grammaticale et stylistique du modèle pseudo-oniriste imaginé par Queneau.

Avec le deuxième article de cette partie,  »L’énonciation du récit de rêve » (1987), Jean-Daniel Gollut constate dans un premier temps que les romanciers ont pour constance de laisser l’énonciation des rêves à ceux qui l’ont fait. Ceci est bien sûr dû au fait que le rêve n’existe  »que dans le récit qui l’élabore » (p.31). Or cette existence forcément narrative et personnelle implique qu’un rapport intime entre le moi éveillé et le vécu du moi endormi soit perceptible à travers le récit. C’est donc en observant que le moi éveillé occupe la place du sujet de l’énonciation, et qu’au moi endormi échoit celle de sujet de l’énoncé que Jean-Daniel Gollut jette les bases d’une approche énonciative des récits oniriques. Cette approche se développe de manière méthodique: après la mise en évidence de certaines régularités dans les attitudes des narrateurs de rêve-parmi lesquelles se retrouve une prédilection certaine pour les commentaires métanarratifs l’auteur se penche sur l‘appareil formel de d’énonciation, et approfondit plus exactement les aspects touchant à la modalisation et à l’inscription de la personne dans le récit de son rêve.

Le troisième article consacré aux récits de rêve,  »Sujet du discours et discours du sujet: l’identité personnelle dans le récit de rêve » (2002), pose l’équivocité de la relation du sujet à lui-même lorsqu’il s’agit de narrer ses propres songes. S’agissant de décrire le rapport ambigu existant entre le narrateur éveillé et son autre nocturne-le rêveur-l’acuité scientifique du chercheur prend un tour quasi-poétique (p.51):   »Sous la permanence de l’indice personnel, qui semble garantir l’identité subjective, se répartissent en effet différentes positions ou statuts du sujet: Il y a le JE qui raconte le rêve; il y a le JE qui a fait le rêve; il y a le JE qui, dans le rêve, figure en tant qu’acteur ou témoin. De sorte que la structure énonciative complète est la suivante:   Je raconte que      J’ai rêvé que         J’étais…   »

Au fil de ces pages écrites dans le sillage d’un discours dont l’hétérogénéité est tout autant d’ordre sémantique qu’ontologique, la rigueur du chercheur assure que l’on ne perde pied. En pointant que seule l’interprétation peut pallier l’impermanence et  »l’effondrement du sentiment d’identité » (p.60) dans les dispositifs d’énonciation onirique, Jean-Daniel Gollut explicite in fine, dans cet article, les moyens donnés au sujet pour  »se réapproprier cette expérience dans laquelle, le temps de la raconter, il avait pu se croire aliéné » (idem).

A l’endroit du quatrième article,  »Songes de la littérature épique et romanesque en ancien français: aspects de la narration » (2007), l’auteur entreprend cette fois d’analyser le récit onirique à travers certaines œuvres issues de la littérature médiévale. S’appuyant sur ce corpus particulier, Jean-Daniel Gollut illustre le fait que le statut sémiologique du rêve, de même que ses conditions phénoménologiques et que ses modes de représentation, évoluent d’une époque à l’autre. Néanmoins, en lisant des récits médiévaux de songes, on sera frappé d’observer à la suite du chercheur que cette période voit s’installer une forme particulière de narration dont certains traits caractéristiques perdurent jusqu’à nos jours.

Avec le cinquième et dernier article de la partie consacrée aux récits de rêve,  »La mise en texte » (1993), Jean-Daniel Gollut interroge dans un premier temps le statut même de  »texte » d’un échantillon de  »cas-limites » des récits oniriques (tirés de Paul Valéry ou de Georges Perec). A partir de ces extraits, il développe une réflexion portant sur les conditions suivant lesquelles la conscience accède au contenu des rêves, avant d’analyser enfin le fonctionnement et la textualisation de la conquête opérée par le moi vigile sur l’expérience du moi nocturne.

Après avoir mis à profit les théories de l’énonciation pour développer ses travaux sur les récits de rêves, Jean-Daniel Gollut s’est attelé à exploiter ces mêmes théories pour approcher d’autres textes littéraires. La deuxième partie de l’ouvrage offre ainsi, avec les sixième et septième articles, un éclairage sur ce développement des recherches de l’auteur. 

Avec  »La parole vive: remarque sur l’énonciation du poème lyrique » (1991), Jean-Daniel Gollut reprend donc les avancées d’Emile Benveniste grâce auxquelles il clarifie cette fois les dispositifs énonciatifs propres aux poèmes lyriques. En s’intéressant spécifiquement au fonctionnement des déictiques et des embrayeurs dans ces poèmes, l’auteur observe que ce genre poétique tend à s’appuyer sur l’appareil référentiel d’un discours en situation, mais qu’il n’offre en revanche généralement pas de possibilité de saisir objectivement les conditions de cette énonciation. Comme le relève Jean-Daniel Gollut lui-même, ce constat avait déjà été avancé en d’autres termes par Jean Cohen:  »Le poème est écrit, mais il feint d’être parlé. » (Cohen, 1966: 159). Mais l’auteur va plus loin: considérant que les poèmes lyriques se manifestent suivant un même régime énonciatif, il interroge ensuite les effets de ce régime sur leur lecture et leur interprétation. Jean-Daniel Gollut offre également, ce faisant, un outil de compréhension à la mesure de la complexité de textes  »résistants », qu’il considère finalement comme des paroles produites par un  »je » ne renvoyant plus en particulier à qui que ce soit.

Cette même notion de parole se retrouve au centre de la problématique du deuxième article de la partie consacrée à l’énonciation dans la littérature. Dans  »Une parole sous condition (Molière, Dom Juan, I, 2) » (1996), Jean-Daniel Gollut s’inscrit dans la logique des tentatives d’intégration des deux champs de recherche spécialisés dans l’étude du dialogue (à savoir, l’analyse du discours, cherchant à construire un modèle de la structure dialogale, et la psychologie de la communication, s’occupant des enjeux et des stratégies de l’interaction verbale). A partir d’un extrait du Dom Juan de Molière, l’auteur s’attèle plus exactement à saisir les rapports existant entre  »les contraintes sociologiques et psychologiques de la situation dialogale » et  »certains aspects du schéma d’interaction, de la structure des échanges et de l’énonciation » (p. 119). 

La troisième et dernière partie de Sens du style explore, à travers trois articles, la construction référentielle dans le roman. Dans le premier d’entre eux,  »Le libera: un fait de style, les noms de personne », le lecteur découvrira ou retrouvera une réflexion développée par Jean-Daniel Gollut en 2002 à partir du roman-poème  »Le Libera » de Robert Pinget (1968). Ce roman a la particularité de réunir pas moins que deux mille noms de personnes-ce qui représente une dizaine d’occurrences par page: il n’en fallait pas autant pour donner à Jean-Daniel Gollut l’envie d’observer et d’expliciter les implications d’un dispositif de dénomination si dense.

Dans le second article de cette dernière partie, c’est vers La comédie humaine que se dirige l’attention du chercheur. Comme son titre le laisse entendre,  »Un dilemme communicatif: retour des personnages et désignation dans La comédie humaine » (2004) se penche sur le retour cyclique des personnages dans les différents romans d’Honoré de Balzac. Plus exactement, Jean-Daniel Gollut cherche ici à définir la gestion communicative de ces réapparitions, ou du mode de réintroduction de ces personnages.

A travers l’ultime article de l’ouvrage,  »La référence en début de texte: Salammbô’‘ (2004), Jean-Daniel Gollut se propose d’atteindre deux objectifs. Le premier concerne plus directement le texte de Gustave Flaubert; il s’agit de  »mettre en évidence certains aspects de la gestion communicative » (p.170) de l’incipit de Salammbô. Le deuxième renvoie à la question des approches linguistiques des textes littéraires. En effet, dans la foulée, Jean-Daniel Gollut entend  »plaider pour une pleine intégration de la problématique référentielle parmi les questions pertinentes de l’étude linguistique des textes littéraires » (idem). On remarquera au passage la justesse du ton qui caractérise l’esprit d’ensemble des contributions de ce chercheur. Mais encore, à travers ce programme de recherche, c’est ni plus ni moins qu’une véritable reproblématisation des rapports entre linguistique et littérature qui est proposée ici dans un cadre élargi.

Au final, Le sens du style est un ouvrage qui convainc certes par la qualité de son contenu, mais aussi par celle de sa forme. Page après page, la capacité de Jean-Daniel Gollut à créer des contenus dignes d’intérêt à partir d’une approche énonciative des formes littéraires, le bonheur de ses propres formulations ainsi que la prudence avec laquelle il construit ses réflexions assurent un moment de lecture aussi agréable qu’éclairant. Parce que Le sens du style développe des propos exigeants tout en parvenant à les rendre profondément intelligibles, cet ouvrage aura à n’en pas douter de quoi séduire et nourrir une large gamme de lecteurs-linguistes et littéraires-des plus amateurs aux plus exigeants. 

Yann Vuillet, Bulletin suisse de linguistique appliquée, 91, 2010, pp.157-161

Bibliographie:

Cohen, J. (1966): Structure du langage poétique. Paris (Flammarion).

Gollut, J.-D. (1993): Conter les rêves: la narration de l’expérience onirique dans les œuvres de la modernité. Paris (José Corti).

Queneau, R. (1973): Des récits de rêve à foison. Les cahiers du chemin, 19, 11-14. Rééd. In: R. Queneau (1981), Contes et propos. Paris (Gallimard).

 

« Le sens du style » : des sciences du langage aux études littéraires

Jean-Daniel Gollut enseigna la littérature française à l’Université de Lausanne (Suisse), et ses travaux, consacrés au texte littéraire, abordent des faits de style dont il s’emploie minutieusement à dégager les enjeux sémantiques, cognitifs ou référentiels. Il est l’auteur de nombreux articles et de deux monographies: Conter les rêves  la narration de l’expérience onirique dans les œuvres de la modernité (1993) et Construire un monde: les phrases initiales de « La Comédie humaine » (2000).
Le bel « Avant-propos » de J.-M. Adam et J. Zufferey capte avec bienveillance l’attention du lecteur: il dresse le portrait familier de J.-D. Gollut, enseignant et chercheur, à la carrière (universitaire et scientifique) duquel ses collègues rendent ici un hommage sincère à l’occasion de son départ à la retraite. L’accent est mis d’emblée sur la curiosité de l’intéressé pour les détails significatifs et les dispositifs langagiers mis au jour par l’étude linguistique de la référence. Le parcours intellectuel de J.‑D. Gollut manifeste rétrospectivement la cohérence d’une pensée critique profonde et avisée. L’hommage qui lui est rendu prend la forme d’un regroupement en trois parties de dix textes de l’universitaire parvenu en fin de carrière: ceux qui connaissent déjà ces écrits prendront plaisir à les voir assemblés en une trame suivie, les autres découvriront tout simplement un livre aux composantes homogènes.
« Le récit de rêve » (première partie) déroule cinq articles. « Des rêves à foison de R. Queneau: un exercice de style? » (texte de 1982) analyse les paramètres grammaticaux et stylistiques du récit onirique et l’autonomie du discours oniriste. « L’énonciation du récit de rêve » (publié en 1987) décrit l’évocation du rêve comme l’occasion d’un transfert de la narration où la modalisation assurée par le commentaire métanarratif oriente la réception du récit. Le moi conscient s’y trouve confronté au moi inconscient selon une dualité qui linguistiquement correspond au partage entre le sujet de l’énonciation et le sujet de l’énoncé. Dans le rêve, le sujet se démultiplie en instances concurrentes ou complémentaires: il se défait et se dédouble, se perd dans l’autre et revient à lui sous des apparences nouvelles. Cette tension est compensée par une force de cohésion qui du récit onirique fait paradoxalement le lieu de rencontre privilégié entre le moi nocturne et le moi éveillé. L’article « Sujet du discours et discours du sujet: l’identité personnelle dans le récit de rêve » (2002) pose la question de l’identité subjective telle qu’elle est appréhendée dans la narration du vécu nocturne. Comme l’explique  « Songes de la littérature épique et romanesque en ancien français: aspects de la narration » (2007), si la littérature médiévale n’a pas problématisé l’accès à l’expérience intime du songeur, elle a néanmoins instauré une forme typique de narration. Enfin  « La mise en texte » (1993) examine si raconter le rêve suppose la mise en œuvre d’une forme narrative originale.
La deuxième partie « Énonciation et littérature » se déploie en deux volets: d’après l’analyse de « La parole vive: remarque sur l’énonciation du poète lyrique » (1991), le lyrisme tolère mal les dictions expressives mimant l’effectuation énonciative du discours, car aucune interprétation situationnelle ne saurait être imposée à la parole sans la dénaturer; dans « Une parole sous condition (Molière, Dom Juan, I, 2) » (1996), l’auteur s’interroge sur les éléments différenciant les dialogues théâtraux des dialogues authentiques, dont le fonctionnement reproduit les interactions. La troisième partie « La construction référentielle dans le roman » compose un triptyque: « Le Libera: un fait de style, les noms de personne » (2002) étudie les mécanismes littéraires et stylistiques du roman-poème de Robert Pinget (1968), où les noms propres s’inscrivent dans un dispositif général garantissant l’univocité du discours; l’intitulé « Un dilemme communicatif: retour des personnages et désignation dans La Comédie humaine » (2004) parle de lui-même; « La référence en début de texte: Salammbô » (2004) analyse l’élaboration stylistique du roman de Flaubert, où le souci d’étayer cognitivement la description des objets représentés installe un monde fortement décalé par rapport aux références familières du lecteur tout en lui permettant d’y accéder: le discours adopte un régime mixte tendant simultanément à construire un univers original et à le commenter.
Dans la démarche de J.-D. Gollut, l’approche descriptive, nourrie par les concepts de la linguistique énonciative et textuelle, rejoint des préoccupations herméneutiques, même si la complémentarité naturelle entre forme et sens apparaît toujours liée à des conditions spécifiques de mise en discours. Les articles composant ce recueil illustrent les moyens dont le critique dispose pour dégager « le sens du style »: en cela, ils témoignent d’une relation exemplaire entre sciences du langage et études littéraires.
C’est un esprit rigoureux et modeste dont la voix se fait entendre ici. Toujours fondés sur des exemples précis, les arguments composent une démarche dont le propos par endroits reflète une orientation théorique et stylistique que d’aucuns percevront comme datée (Blanchot, Barthes, Ducrot, Genette, Todorov, etc.). La pensée et le style sont toujours élégants, et l’attention délicate aux intentions d’autrui témoigne d’une écoute qui va bien au-delà de la curiosité intellectuelle. Les éditeurs du volume ont réussi à organiser de leur point de vue extérieur de lecteurs et de collègues déférents la matière préexistante d’articles déjà publiés, dont la somme compose désormais un livre attachant.

             Pascale Hummel, « Le sens du style »: des sciences du langage aux études littéraires », Acta Fabula , Notes de lecture, 24 août 2009

 

Le sens du style est le titre d’une  étude que vient de publier Jean-Daniel Gollut, ancien professeur de linguistique française à l’ Université de Lausanne et dont les multiples travaux consacrés au texte littéraire, abordent divers faits de style pour en dégager systématiquement  les enjeux sémantiques, cognitifs ou encore référentiels.
L’auteur examine la composition du récit dans le cadre particulier de la relation onirique. La désignation, qui instaure une référence, se trouve saisie au moment stratégique de l’ouverture romanesque tandis que, par ailleurs, le dispositif énonciatif est appréhendé dans le poème lyrique.
Jean-Daniel Gollut analyse et présente, avec grande précision et méthode, les moyens de « dégager le sens du style ». Ces derniers apparaissent ainsi comme des exemplaires d’une mise en relation raisonnée des sciences du langage et des études littéraires.
« Je me suis souvent demandé comment certains historiens de la littérature pouvaient prendre les positions péremptoires, dont ils sont coutumiers, sur l’ensemble de l’oeuvre d’un poète ou la littérature d’une période sans s’attacher aux détails des textes et aux détails linguistiques », peut-on lire dans l’avant-propos de l’ouvrage dans une citation du grand linguiste autrichien Leo Spitzer (1887-1960), l’un des fondateurs de la stylistique moderne.
L’étude des formes de la narration onirique demande, dans la perspective méthodologique annoncée, à être systématique. Jean-Daniel Gollut en a parfaitement conscience et ce sera dans les domaines de la poétique et de la linguistique qu’il trouvera les instruments adéquats.
L’ouvrage se divise en trois parties ayant respectivement pour thème « Le récit de rêve », « Enonciation et Littérature » et, enfin, « La construction référentielle dans le roman ».

José Vanderveeren, Agence de presse « Belga » , février 2009