Le métier et la vocation de syndicaliste
L'enquête suisse
Fillieule, Olivier, Monney, Vanessa, Rayner, Hervé,
2019, 391 pages, 29 €, ISBN:978-2-88901-161-2
Comment fonctionne le monde syndical en Suisse? Qui s’engage dans la carrière syndicale et comment ces personnes vivent-elles leur activité professionnelle, entre vocation militante et exercice d’une profession salariée?
Se situant au croisement de la sociologie du militantisme, des parcours de vie et des professions, ce livre apporte une contribution majeure à la compréhension des ressorts propres aux engagements professionnalisés dans la carrière syndicale, tout en tenant les exigences d’une perspective de genre.
Description
Comment fonctionne le monde syndical en Suisse? Qui s’engage dans la carrière syndicale et comment ces personnes vivent-elles leur activité professionnelle, entre vocation militante et exercice d’une profession salariée?
Se situant au croisement de la sociologie du militantisme, des parcours de vie et des professions, ce livre apporte une contribution majeure à la compréhension des ressorts propres aux engagements professionnalisés dans la carrière syndicale, tout en tenant les exigences d’une perspective de genre.
Après avoir dressé le portrait sociologique des syndicalistes de l’USS et de Travail.Suisse, et exploré leurs raisons de s’engager, l’ouvrage étudie les tensions qui caractérisent le travail syndical, via une analyse de la tension entre engagement bénévole et travail salarié, de la division sexuée du travail et des facteurs permettant de rendre compte du maintien des femmes dans des positions plutôt dominées, malgré des politiques volontaristes de promotion des carrières féminines.
En associant systématiquement données biographiques recueillies auprès d’une centaine de syndicalistes et analyses statistiques de leurs trajectoires, le livre permet de dresser la carte des parcours professionnels, mais aussi militants et familiaux des hommes et des femmes qui sont la chair palpitante des syndicats en Suisse.
Table des matières
Introduction
• Un dispositif d’enquête mixte
• L’espace syndical suisse et la sélection des cas
• Féminisation et politiques d’égalité
1. Propriétés locales, socialisations et rapports au politique des syndicalistes
• Portrait de groupe
• Socialisations à l’engagement
• Dimensions du politique
2. Devenir secrétaire syndical·e
• Les motifs de l’engagement
• Sélection des personnes et assignations de rôles
3. Le travail syndical
• La nature du travail syndical
• L’apprentissage du métier
4. Le travail comme espace disputé de la réalisation de soi
• Le travail de la vocation
• Arbitrage entre sphères de vie et rapports sociaux de sexe
• Economie des coûts et des rétributions
5. La division sexuée du travail
• Le travail administratif: dévalorisé et invisible
• Plafond de verre et désintérêt pour les « questions femmes »
• Le monde des hommes
6. Parcours syndicaux
• Carrière syndicales et imbrication des sphères de vie
• Portraits de syndicalistes
Presse
Vanessa Monney invitée de Julien Magnollay dans l’émission de radio Tribu (RTS La Première, 24 janvier 2020) >> écouter l’émission
L’égalité dans les syndicats: briser le plafond de verre
Déconfessionnalisation, féminisation et recrutement crescendo au sein des diplômé(e)s d’une haute école, voilà trois des grandes tendances mises en évidence dans une passionnante radiographie des syndicats en Suisse.
De 2011 à 2016, six chercheurs sous la direction d’Olivier Fillieule, de Vanessa Monney et de Hervé Rayner de l’Université de Lausanne* ont mené un travail titanesque pour répondre à une impulsion du Conseil fédéral qui désirait lancer une réflexion critique sur l’état de l’égalité hommes femmes en Suisse.
Partant des disparités professionnelles (rémunération, discriminations dans l’emploi, formation, progression de carrière), ils ont exploré les politiques d’égalité dans le monde syndical en sa qualité d’employeur ainsi que dans le monde du travail. Aujourd’hui, les sociologues en tirent un livre qui met en lumière la seule dimension interne des mesures visant l’égalité.
Les trajectoires
Lorsqu’on ausculte les trajectoires professionnelles, on remarque la grande variété des profils. Même si les parcours peuvent être hétérogènes, des tendances se dégagent. Tout d’abord, les personnes interrogées sont majoritairement issues des classes populaire ou moyenne, et souvent les premières de leur famille à avoir suivi des études supérieures. Le nombre de femmes augmente. En outre, l’engagement syndical se caractérise souvent par une proximité avec les partis de gauche, où l’on retrouve un répertoire d’actions communes marqué notamment par l’usage des outils de la démocratie directe, comme le droit de référendum ou d’initiative.
Le dévouement
Le métier s’apprend, bien souvent, sur le tas. Il s’agit d’acquérir le «tour de main» nécessaire afin de ré-pondre aux multiples tâches: de l’animation de réunions à l’assistance juridique, de la négociation à la mobilisation des travailleurs… La pratique confronte fréquemment à des situations de crise tels les licenciements, auxquels il faut faire face. Mais beaucoup de secrétaires interrogés évoquent leur activité professionnelle comme une «vocation». Ils défendent, dans ces luttes, leurs convictions et engagements personnels. Cet investissement extrêmement conséquent rend parfois difficile la vie de famille.
Les enjeux
Les auteur(e)s de cette enquête mettent en évidence les rapports sociaux de sexe dans le syndicalisme, milieu historiquement masculin. Les femmes doivent y trouver leur place, ce qui implique des enjeux de pouvoir. Elles restent, à l’heure actuelle, plus présentes dans les organisations liées au secteur tertiaire – en comparaison avec le domaine de la construction ou de l’artisanat – mais également parmi les postes ayant trait au travail administratif. Les politiques favorisant l’égalité constituent l’un des défis du 21e siècle.
Un constat d’étape
Ces réalités évoluent dans les syndicats à des degrés différents. Mais les auteur(e)s remarquent que, « ni la féminisation de la base syndicale ni la lente augmentation du nombre de femmes qui accèdent à des postes de pouvoir ne semblent par-venir à remettre en cause l’existence d’un plafond de verre. » Enigme que l’on souhaiterait résoudre rapidement. Par sa richesse, cette étude constitue, pour tout(e) syndicaliste, un excellent outil.
«Ma place devait être au syndicat»
Trois questions à Catherine Tabary, secrétaire régionale syndicom
Qu’est-ce qui vous a motivée à devenir secrétaire syndicale?
De toute ma carrière professionnelle débutée en 1979, la lutte pour la défense de mes collègues, afin d’obtenir du respect et une valorisation de leur travail, m’a permis de comprendre que nia place devait être au sein d’un syndicat. Par exemple,j’ai défendu mes collègues, alors que je présidais la commission du personnel de mon ex-entre-prise, en vue d’obtenir un plan social lors d’une restructuration et j’ai milité dans le but que l’entre-prise reste indépendante et ne soit pas rachetée. Cela a constitué un événement marquant.
Comment avez-vous appris ce métier?
Par les cours menant au brevet de secrétaire syndicale, le terrain et l’appui des collègues.
Y a-t-il une journée type?
Pas vraiment. On effectue toujours de multiples tâches comme répondre aux appels des membres, rencontrer les collègues sur leur place de travail, être à l’écoute des problèmes en vue de les traiter au niveau collectif, expliquer le rôle du syndicat et l’importance des conventions collectives, motiver les travailleurs à adhérer…
Fabrice Bertrand, syndicom magazine № 14, 3 novembre 2019