La Suisse s’interroge

ou l’exercice de l’audace

Walther, Alexandra,

2016,   128 pages, 19 €, ISBN:978-2-88901-095-0

Cet ouvrage retrace l’étonnante genèse de la série de courts-métrages réalisés par Henry Brandt à l’occasion de l’Exposition nationale de 1964, qui dénonce avec audace des problèmes à l’actualité brûlante. La conjonction inattendue d’une période de mutations, d’une Exposition nationale réflexive, d’un cinéma suisse sur le point de connaître un renouveau et d’une censure insidieuse rendent ces chefs-d’œuvre symptomatiques d’une époque et marqueront une génération de visiteurs. 

Format Imprimé - 24,00 CHF

Description

Ce livre étudie le processus de création de La Suisse s’interroge, série de cinq courts-métrages réalisée par Henry Brandt dans le cadre de l’Exposition nationale de 1964.

La Suisse s’interroge rencontra un succès dont l’écho se répercuta jusque dans la presse internationale, mais fut l’objet d’une forme de censure. En effet, si la direction de l’Exposition de 1964 espérait ouvrir les yeux des citoyens sur les problèmes rencontrés par la Suisse, la manifestation nationale devait néanmoins insuffler un sentiment de fierté patriotique. Henry Brandt reçut pour mission de conscientiser sans faire scandale: les scénarios des courts-métrages furent maintes fois remaniés. Parmi les thématiques écartées se trouvaient le divorce, le suicide ou la « peur des idées audacieuses et nouvelles ». La question de l’immigration provoqua également des débats houleux.

Chefs-d’œuvre méconnus, ces cinq courts-métrages dénoncent avec audace des problèmes à l’actualité brûlante.

Ce livre, qui en retrace l’étonnante genèse, intéressera autant les historiens et les sociologues que toute personne qui se plairait à « remettre en question notre monde ».
 

Table des matières

Préface de Malik Melihi      

Introduction      

  • Elles se suivent et se ressemblent ?    
  • Exposer la nation      
  • Réfléchir l’avenir dans le miroir du présent     
  • « La voie suisse »: pavée de bonnes intentions      
  • Créateurs et réalisateurs de « La voie suisse »      
  • La direction fait entendre sa voix…      
  • … Mais toute vérité n’est pas bonne à dire

Le cinéma, instrument de conscientisation

  • Interdépendance de deux dispositifs     
  • Du documentaire poétique au film de commande     
  • La Suisse s’interroge: étude des scénarios et courts métrages
  • Des mots pour visualiser: La Suisse est belle
  • Propagande?
  • Des mots pour des maux: Problèmes      
  • De La Suisse s’inquiète à La Suisse s’interroge      
  • La course au bonheur: satire
  • De l’usage de la fiction      
  • Croissance: un cri d’alarme
  • Plein la vue     
  • Ton pays est dans le monde
  • Au-delà des mots, l’éloquence de la musique et du corps      
  • Conditionnement idéologique: synthèse      

 De la négociation à la censure?

  • La direction prend position pour que « La Suisse s’interroge »
  • Scénario-prétexte    
  • Contrat d’un artiste sous emprise     
  • Des comptes à rendre      
  • Le délégué du Conseil fédéral s’en mêle    
  • La question brûlante de l’immigration      
  • Ce regard ouvert sur un vertige (Freddy Buache)     

Postface de Frédéric Maire     

Conclusion

Annexe       

Presse

Autocritique helvétique

Série de courts métrages réalisés par Henry Brandt pour l’Expo 64 à Lausanne, La Suisse s’interroge voulait provoquer une prise de conscience nationale. Un ouvrage décortique la genèse de ces films de commande où l’audace l’emporte sur les compromis.

Ceux qui ont vu ces films à l’époque s’en souviennent encore. En 1964, sous le ti­tre La Suisse s’interroge, l’Exposition nationale organisée à Lausanne présente cinq courts métrages de 4 minutes censés secouer une population susceptible de « dégénérer en une mas­se amorphe et inactive ». L’analyse du Rapport de la direction sur le programme de l’Exposition est sans appel: « Une longue période de paix, marquée par l’absence de souffrance, et la prospérité économique, ont engendré en Suisse un amour immodéré de la sécurité, un attachement excessif aux valeurs matérielles et la peur des idées nouvelles. L’engourdissement est d’autant plus dangereux que l’exiguïté de notre territoire aux horizons fermés nous incline à penser petit. »

Il s’agit donc de provoquer une prise de con­science, d’alerter sur les problèmes d’aujourd’hui pour mieux préparer demain. Mission ambitieuse, et accomplie à voir les réactions que suscitent ces films réalisés par Henry Brandt. Deux millions de visiteurs se pressent aux projections et en ressortent impressionnés – « ça donne à réfléchir », ré­su­me un spectateur (vaudois) cueilli par un micro-trottoir. La presse est dithyrambique, même l’intransigeant Freddy Buache salue un « pavé dans la mare des consciences tranquilles ».

Pressions et (auto)censure

Percutants et clairvoyants, ces courts métrages témoignent de préoccupations nouvelles pour l’époque et soulèvent des questions de société qui restent d’actualité: immigration, écologie ou mondialisation […]1. Ils annoncent aussi le Nouveau cinéma suisse contestataire des années 1970, tandis que le dispositif de projection préfigure les installations des vidéastes. Comme le dit Hervé Dumont dans son Histoire du cinéma suisse, « en vingt minutes, et en utilisant la technique des écrans mul­tiples, Brandt anticipe sur tous les thèmes essentiels du cinéma suisse des années à venir ».

En 2007, Alexandra Walther s’est penchée sur la passionnante genèse du projet dans son mémoire de licence en histoire et cinéma à l’université de Lausanne. Ce travail de recherche exhumant des sources inédites vient d’être publié aux Editions Antipodes. L’ouvrage retrace trois ans de tractations pour 20 minutes de films. Car La Suisse s’interroge est une œuvre de commande où Brandt doit répondre à des attentes contradictoires: porter un regard critique tout en évitant le scandale, dans le cadre d’une manifestation patriotique attachée à la « sauvegarde de la cohésion nationale ». Les scénarios qu’il soumet à la direction de l’expo sont âprement discutés. Entre pres­sions et (auto)censure, ces films sont le résultat d’un compromis très helvétique qui se révèle pourtant fécond. « C’est l’exercice réussi de l’audace, où la créativité a transcendé les con­traintes » affirme la chercheuse, qui nous a accordé un entretien.

Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à ces films?

Alexandra Walther: J’ai vu La Course au bonheur à l’occasion d’un cours d’histoire du professeur François Vallotton à l’université de Lausanne. Il nous a aussi parlé de l’affaire Gulliver, ce questionnaire adressé aux visiteurs de l’Expo 64 dont les réponses n’ont jamais été publiées. Je me suis donc demandée à quoi ressemblaient les quatre autres films et s’ils avaient été censurés. J’ai eu l’intuition qu’il y avait là un sujet à creuser. Lors de mes recherches, je suis tombée sur les scénarios, dont il existe six versions et une septième qui reste introuvable. Chacune est une refonte de la précédente, le cinéaste ayant été prié de revoir sa copie.

Que raconte cette longue et tortueuse genèse?

Henry Brandt doit composer avec des injonctions contradictoires, chaque nouveau scé­nario se rapproche des vues de la direction. Le « méchant de l’histoire » c’est Hans Giger, mandaté par le conseiller fédéral Hans Schaffner, du Parti radical démocratique, pour jeter un œil à ce qui se trame dans cette expo organisée par des Romands. Il formule diverses remarques et cri­ti­ques, en particulier sur le court métrage Problè­mes. Le thème qui retient le plus son attention est l’immigration. Il nie que les saisonniers italiens travaillent et sont logés dans des conditions inacceptables. Il n’y a pas de problème à ses yeux, puisqu’ils reviennent chaque année!

S’agissant d’un film de commande, peut-on parler de censure ou d’autocensure?

Il n’y a pas de censure au sens légal du terme. Henry Brandt a signé un contrat, où il est clairement stipulé que la direction peut intervenir à tout moment sur les films. Il est rétribué pour un service. Par contre, il y a autocensure de la part du cinéaste, de la direction et sans doute aussi de Hans Giger: ses réserves étaient certainement plus nom­breuses, il n’a retenu que les plus importantes.

Les échanges écrits qui témoignent de ces rapports de force restent très feutrés, les critiques sont formulées avec beaucoup de précautions…

En lisant entre les lignes, on sent malgré tout une ten­sion. Les débats ont dû être très vifs, mais les procès-verbaux en donnent forcément un compte rendu édulcoré. Christophe Brandt se souvient que son père avait mal vécu ces interminables tractations.

Le contrôle des commanditaires s’exerce seulement sur les scénarios. Par méconnaissance du média ­cinématographique?

En jugeant les films sur papier, ils sous-estiment en effet le pouvoir du cinéma. Cela permet aussi à la direction de l’expo de préserver la liberté artistique d’Henry Brandt. Ayant choisi son camp, celui du cinéaste, elle joue double jeu en retardant le moment où les films seront montrés au comité directeur. Sa marge de manœu­vre est limitée, car elle doit rendre des comptes au comité et à Hans Giger. La direction est aussi liée au Parti radical démocratique. Les pressions s’exercent notamment sur le financement. Brandt va d’ailleurs avancer 40 000 francs de sa poche pour terminer les films.

Pourquoi la direction a-t-elle choisi Henry Brandt, en écartant Alain Tanner et Claude Goretta qui étaient aussi associés au projet?

Henry Brandt avait réalisé Quand nous étions petits enfants, primé au Festival de Locarno en 1961. Contrairement à Tanner et Goretta, il n’était pas politisé et leur a sans doute paru plus malléable. Si vous avez déjà rencontré Tanner, vous savez qu’il n’est pas du tout malléable! J’ai consacré un article aux démarches des trois cinéastes pour obtenir ce mandat.2

Le cinéma est-il envisagé ici comme un outil de propagande?


Je dirais plutôt de conscientisation, car on évoque des problèmes sans proposer de solutions. Ces films exposent un constat sans idéologie, alors que la propagande implique des idées politiques programmatiques. Il y a par ailleurs d’authentiques films de propagande à l’expo, ceux du pavillon de l’armée. Les courts métrages de La Suisse s’interroge sont produits dans le contexte très particulier d’une exposition nationale qui doit insuffler un sentiment patriotique tout en ayant l’ambition de réveiller le citoyen suisse.

Le dispositif de projection cherche aussi à manipuler le visiteur.


Oui, avec un parcours de 20 minutes à travers cinq salles, sans possibilité de revenir en arrière. Le spectateur regarde les films debout, à l’endroit de la pièce où le plafond est le plus bas. L’idée était de le placer dans une position inconfortable, de créer une sensation de claustrophobie, qu’il se sente mal à l’aise et soit ainsi plus réceptif au message. Il faudrait d’ailleurs demander à des psychologues si un tel dispositif atteint vraiment le but visé.

Quel est l’intérêt cinématographique de ces films?


Brandt fait appel à toute une grammaire sonore et visuelle. Dans La Suisse est belle, il utilise des symboles qui parlent à tout le monde, pour évoquer en un temps record certaines caractéristiques du pays communément admises. L’horloge des CFF suffit à illustrer la précision helvétique. Hans Giger ne comprend pas cette démarche lorsqu’il fait remarquer, au début des années 1960, que « la ponctualité des CFF n’est plus un exemple ». Dans La Course au bonheur, l’accélération du défilement des ima­ges crée un effet comique; cette séquence recourt aussi à la caricature et au « mickeymousing » (usage du son pour souligner l’action, ndlr). La musique, langue universelle qui se passe de traduction, joue également un rôle très important. Elle colle aux images pour leur donner du sens, et prend par moments des accents parodiques. Enfin, avec la polyvision, les spectateurs sont bombardés d’images, ce dont ils n’ont pas l’habitude.

Unique fiction de la série, La Course au bonheur est le film qui a le plus marqué les esprits. Que faut-il en déduire?

Les gens aiment qu’on leur raconte des histoires et la fiction provoque un processus d’identification. Cela dit, hier comme aujourd’hui, les spectateurs ne s’iden­tifient pas au père ni à la mère, mais au petit garçon joué par le jeune Christophe Brandt. Pour obtenir son regard si émou­vant dans le dernier plan, le cinéaste a giflé son fils! Cet enfant souffre réellement et le spectateur ne s’y trompe pas… Si les visiteurs seront aussi touchés par les images chocs de Problèmes ou Ton pays est dans le monde, celles-ci ne les atteignent pas autant au niveau des affects. Ces deux films sont pourtant plus audacieux que La Course au bonheur, dont le scénario a fait moins de vagues parce qu’il s’agit d’une fiction.

La presse de l’époque a vu ces films comme autant de preuves de la liberté d’expression, ce qui fait sourire quand on sait quelle a été leur genèse. Vous jugez aussi cet « exercice de l’audace » réussi, mais on peut se demander si la liberté d’expression en Suisse n’est pas celle du conformisme?

Invoquer la liberté d’expression n’est pas très pertinent, puisqu’il s’agit d’un compromis né de longues négociations où chacun a fait le poing dans sa poche – y compris Hans Giger, qui a dû pâlir en découvrant les films! Le processus de création implique des jeux de pouvoir. Henry Brandt est le réalisateur, mais La Suisse s’interroge est le fruit d’un travail collectif. Même Giger y apporte une contribution pas forcément négative: alors que certaines idées formulée dans les scénarios sont assez caricaturales, le résultat se révèle plus subtil. En conciliant des visions contradictoires, l’écueil est d’aboutir à un com­promis insipide. Ce n’est pas le cas ici. Brandt et la direction ont été assez malins pour faire preuve de créativité et contourner les obstacles. Ils testent les limites face à des pressions qui s’apparentent à de la censure. Les con­train­tes ont rendu ces films particulièrement incisifs.

Ce qui frappe aujourd’hui, c’est que les problèmes ­soulevés en 1964 sont toujours d’actualité…

Ces problèmes ne sont pas faciles à résoudre. Un demi-siècle plus tard, on commence enfin à y apporter des solutions. Il y a désormais une plus grande con­scien­ce écologique et les personnes âgées sont mieux prises en charge. A l’époque, on pouvait attraper la polio en se baignant dans le lac Léman… Cela dit, je doute qu’une exposition nationale puisse amener un changement de société radical.

Mathieu Loewer, Le Courrier, Le Mag, 3 juin 2016

1. Le plus fameux des cinq films, La Course au bonheur, est dispo­nible en DVD dans le coffret Expo 64 édité par la Cinémathèque suisse et la RTS. Les autres restent hélas inédits dans l’attente d’une future restauration.
2. Alexandra Walther, « Aux racines du ‘nouveau cinéma suisse’? Le projet de Tanner, Brandt et Goretta pour l’Exposition nationale de 1964 », 1895, revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma, n° 54, février 2008, pp.111-145. A lire en ligne: https://1895.revues.org/2792.

 

À l’origine du « nouveau » cinéma suisse

L’ouvrage d’Alexandra Walther La Suisse s’interroge ou l’exercice de l’audace revient sur l’aventure tumultueuse de l’installation du cinéaste Henry Brandt dans le cadre de l’Exposition nationale de 1964 à Lausanne. Son vernissage à la Cinémathèque suisse (voir pp. 54-55) met en lumière l’importance que cette manifestation a eue dans l’essor de la « Nouvelle Vague » du cinéma suisse et plus particulièrement des cinéastes du Groupe 5, auquel nous consacrerons cet automne un DVD en collaboration avec la RTS.

Au début des années 1960, les esprits sont en train de changer. Le grand chambardement « sociétal » de 1968 se fait sentir. Et l’Exposition nationale en sera, d’une certaine manière, la préfiguration. Comme le met déjà en évidence Alexandra Walther dans son article « Aux racines du ‘nouveau cinéma Suisse’? Le projet de Tanner, Brandt et Goretta pour l’Exposition nationale de 1964 », la perspective de cet événement cristallise le désir de ces jeunes cinéastes (Henry Brandt a alors 43 ans, Tanner et Goretta 35 ans) de s’exprimer librement à travers leur art. Leur projet est retoqué par les organisateurs de l’Expo et seuls Tanner et Brandt restent dans la course. Même si ce dernier regrette de n’avoir « pour ainsi dire pas la possibilité de faire des films libres », ils parviennent à sublimer la commande qui apparemment les bride: Les Apprentis de Tanner et La Suisse s’interroge de Brandt s’affranchissent des nombreuses obligations officielles pour biaiser et, de fait, pour affirmer un nouveau regard sur ce pays qui a encore (très) peur de son avenir.

Malgré toutes les contraintes de la commande, le travail du cinéaste Henry Brandt affirme un double discours révolutionnaire. Dans l’ensemble des films qu’il réalise pour l’Expo, il dynamite le modèle social traditionnel et pose des questions sur l’avenir qui, aujourd’hui encore, s’avèrent plus que pertinentes. Mais surtout, à mon sens, il pose les bases esthétiques d’un profond renouveau du cinéma. À travers un dispositif de projection/déambulation qui préfigure les installations actuelles, il propose un cinéma profondément novateur, où la fiction et le documentaire s’entrelacent, se mêlent à des récits et des essais.

L’Expo 64 peut être considérée comme le moment charnière où, en effet, un « nouveau » cinéma suisse est né. Nouveau par rapport à une production alémanique plus commerciale et traditionnelle qui s’essouffle alors. Nouveau par rapport à une Romandie où, en réalité, une véritable cinématographie – au sens d’une production régulière de longs métrages – n’existait presque pas jusque-là. Nouveau dans la mesure où ces réalisateurs imaginent leur cinéma dans la légèreté du manque de moyens, à partir d’une profonde cinéphilie et d’une expérience de programmateurs de ciné-clubs. La plupart d’entre eux nourrit en effet une passion certaine pour le « Free cinema » britannique et toutes les nouvelles vagues qui sont en train de s’affirmer du côté de la France, mais aussi plus à l’Est, en Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie.

Ainsi, même si ce vent de création soufflait déjà depuis quelques années, l’Expo de 1964 a fonctionné comme un formidable accélérateur, une énorme machine qui, malgré d’énormes contraintes (économiques, morales, politiques), a favorisé l’éclosion de ces « nouveaux » réalisateurs qui feront ensuite une carrière extraordinaire.

Frédéric Maire, Bulletin de la Cinémathèque, No 287, mai-juin 2016, p. 3

 

Vernissage du livre La Suisse s’interroge ou l’exercice de l’audace d’Alexandra Walther

En Suisse, notre liberté d’expression est-elle celle du conformisme? Cette question est centrale dans l’ouvrage d’Alexandra Walther qui étudie La Suisse s’interroge, une série de films réalisés par Henry Brandt pour l’Exposition nationale de 1964, à Lausanne. Des courts métrages, à (re)découvrir à l’occasion du vernissage du livre le 24 mai à 18h30 au Cinématographe, qui sont le fruit tout à la fois de la peur de faire scandale, d’une forme de censure, de l’ingéniosité et surtout de l’audace. Parmi les thèmes abordés figurent la pollution de l’air et de l’eau, la population vieillissante ou encore les interrogations autour de l’immigration.

Cette projection-conférence retracera, à travers la présentation du livre, l’étonnante genèse des films de La Suisse s’interroge. En contrepoint, un extrait de Expo Remember, reportage dans lequel sont restitués les réactions à vif des spectateurs lors de la manifestation nationale.

Le contenu du livre

Cet ouvrage étudie le processus de création de La Suisse s’interroge, réalisé par Henry Brandt qui reçut de la direction de l’Expo nationale de 1964 la mission de « conscientiser » les spectateurs par le cinéma, d’insuffler un sentiment de fierté patriotique et d’ouvrir les yeux des citoyens sur les problèmes rencontrés par la Suisse, tout en se gardant de faire scandale. Ainsi, parmi les thématiques écartées lors de la préparation des courts métrages, figurent par exemple le divorce, le suicide, la « peur des idées audacieuses et nouvelles ». Or, lors de sa projection à l’Expo 64, La Suisse s’interroge n’a finalement rien d’un compromis insipide et atteint son objectif: réfléchir et faire réfléchir une nation. C’est l’une de ces rares œuvres collectives qui, par un miracle d’équilibre entre la peur parfois justifiée des uns et l’ingéniosité déterminée des autres, transcende les contraintes par la créativité. L’ouvrage d’Alexandra Walther se base sur des sources historiques inédites pour retracer pas à pas la création de ces étonnants courts métrages et pose la question de la censure dans un contexte de manifestation à forte teneur patriotique.

Bulletin de la Cinémathèque, No 287, mai-juin 2016, pp. 54-55

 

Médialogue, du samedi 22 mai 2016

Alexandra Walther parle de La Suisse s’interroge ou l’exercice de l’audace