Apporter les lumières au plus grand nombre. Médecine et Physique dans le Journal de Lausanne (1786-1792)

Nicoli, Miriam,

2006, 260 pages, 22 €, ISBN:2-940146-82-9

S’il est une activité que scientifiques et médecins à l’époque des Lumières chérissent entre toutes, c’est assurément celle de la vulgarisation. Or, entre les producteurs du savoir et le « plus grand nombre »-les élites du temps en sont bien conscientes-il existe un fossé qui ne peut se franchir d’un simple pas. Initiateur et principal animateur pendant six ans du Journal de Lausanne (1786-1792), Jean Lanteires cherche à surmonter cet obstacle pour convaincre le peuple des bienfaits que peuvent lui apporter les découvertes scientifiques.

Format Imprimé - 27,00 CHF

Description

S’il est une activité que scientifiques et médecins à l’époque des Lumières chérissent entre toutes, c’est assurément celle de la vulgarisation. Or, entre les producteurs du savoir et le « plus grand nombre »-les élites du temps en sont bien conscientes-il existe un fossé qui ne peut se franchir d’un simple pas. Initiateur et principal animateur pendant six ans du Journal de Lausanne (1786-1792), Jean Lanteires cherche à surmonter cet obstacle pour convaincre le peuple des bienfaits que peuvent lui apporter les découvertes scientifiques.

Grâce à son exceptionnel courrier des lecteurs, son périodique fonctionne comme un forum. Qu’il s’agisse du magnétisme animal ou du paratonnerre, ou encore des meilleurs remèdes à utiliser, les vifs commentaires que les innovations suscitent montrent bien comment le public reçoit, dans une attitude qui est loin d’être passive et purement réceptrice, les « leçons » de la science.

À travers l’étude du Journal de Lausanne, à la fois novateur et exemplaire par la variété des thématiques traitées, Miriam Nicoli renouvelle notre regard tant sur la vulgarisation que sur les rapports entre science et cité, cette dynamique que les Lumières initièrent et qui nous concerne plus que jamais aujourd’hui.

Presse

The Journal de Lausanne was the first weekly journal of the Pays de Vaud published over a period of several years. With a life span of six years and an estimated circulation of 250-350 copies the journal was-in terms of the local press market of these days-relatively successful. It was the enterprise of one man, Jean Lanteires (17561797), a former apothecary, who determined its character and content and wrote a large part of the articles. ln a similar manner as many other journals, it consisted of four weekly pages containing reports and letters on various aspects of arts, sciences and trade considered to be of general interest. Practical subjects such as agriculture and medicine and topics with a local or national connection were particularly weil represented.
Like most journals of the 18th century, the Journal de Lausanne claimed to aim at a broad dissemination of useful knowledge. ln contrast to most of its rivais, however-and that is the central argument of Nicoli’s book-, it was not intended to be read mainly by a poli te and erudite elite but by the ‘people’. It thus occupied an intermediary position between the learned journals such as the Gentleman’s Magazine or the Mercure de France and the almanacs. ln her analysis, Nicoli focuses on articles dealing with medicine (173) and physics (44) in order to reveal the intentions of the editor and the response of the readers. Whereas the majority of the physical pieces were written by the editors, half of the medical on es were letters written by the readers. A large part of these letters deal with remedies which are recommended or sought by the sick and their relatives. For Nicoli, this shows that the readers were mainly interested in matters of practical and daily importance and Lanteires in fact seems to have reached the public he had aimed at. Nevertheless, Lanteires gave up his enterprise. He had envisaged his journal as a repository of knowledge to which naturalists and physicians as weil as the ‘simple people’ would contribute. But he was supported only by few savants, and no physician from Lausanne contributed to the Journal. Lanteires’ ideal of exchange seems to have conflicted with the more paternalistic attitude of his learned contemporaries. Without their support, he was unable or unwilling to continue this time-consuming project.
Thanks to Jean Sgard’s dictionaries of journals and journalists and an increasing number of other publications we begin to get an idea of the importance and of the role journals played in 18th century culture. But our knowledge is still very limited and fragmentary. Every new study on journals is-if seriously undertaken-a pioneering work. This is certainly the case for Miriam Nicoli’s book. Her task was ail the more difficult as the Journal de Lausanne represents a particularly badly studied type of journal and as she had only few accompanying sources to consult. Despite these difficulties she succeeded in furnishing a convincing portrait of Lanteires’ ideals and of the journal itself. The book is a significant contribution to our understanding of the different and often conflicting concepts and projects of popularisation. The lack of sources and studies leaves open whether sorne of Nicoli’s assertions can be confirmed or need to be readjusted. Is the press market divided into the two large sections of the learned journals and the almanacs in which the Journal de Lausanne holds a singular position or do the sections merge into one another? Does the predominance of medical therapy reflect the interests of the readers or the selection of Lanteires, the former apothecary? Can the letters be used as representative and genuine expressions of the ‘people’ or are they modelled after the discourse predefined by the journal? Nicoli’s rich and stimulating book will encourage other historians to study these and many more still open questions on 18th century journals.
 
   Hubert Steinke,Gesnerus. Swiss Journal of the History of Medicine and Sciences,65/2008, pp.130-131
 
 
Comme le soulignent Danièle Tosato-Rigo et Vincent Barras dans leur préface, cette étude du Journal de Lausanne est à la fois exemplaire dans sa démarche et novatrice dans la mesure où l’auteur « renouvelle notre regard sur la vulgarisation » et « sur les rapports entre science et cité ».

Après avoir présenté le rédacteur de la revue, Jean Lanteires, un pharmacien descendant de réfugiés huguenots, Miriam Nicoli souligne l’originalité de son entreprise éditoriale qui s’inscrit certes dans le grand mouvement « de sociabilité philanthropique et scientifique » du Siècle des Lumières, mais aussi dans une volonté de démocratisation de la culture-pour employer un langage moderne-une volonté qui place parfois Lanteires en conflit avec l’élite scientifique locale.

Au travers de son courrier des lecteurs, le Journal de Lausanne s’offre comme le lieu « d’une véritable négociation collective, entre les différents acteurs concernés, sur des objets et les enjeux de la science ». Le Joumal de Lausanne présente en effet l’originalité, pour l’époque, d’articles rédigés le plus souvent par des non savants, dans un langage qui évite tout jargon, avec la volonté de s’adresser à un public relativement populaire, particulièrement rural.

Miriam Nicoli place avec précision cet hebdomadaire de vulgarisaton scientifique dans le contexte suisse romand de l’époque: éveil médical, floraison de sociétés savantes, effort d’instruction des classes sociales, multiplication des livres édités sur place, etc.

« Apporter les lumières au plus grand nombre », c’est aussi « aider la nation dans son développement économique et social ». En ce sens, le Journal de Lausanne se place au cœur des grandes mutations du VIIIe siècle et donné, au travers de son courrier des lecteurs, que Miriam Nicoli analyse avec beaucoup de pertinence-montrant en particulier la place que les femmes y tiennent-un reflet vivant de la marche au modernisme en Suisse romande.

Un ouvrage passionnant qui présage très favorablement de la thèse que l’auteur a en chantier.

Olivier Pavillon, Revue historique vaudoise, t. 115, 2007

 

Sur les traces d’un pionnier de la vulgarisation scientifique

D’origine tessinoise, une jeune historienne de l’UNIL a dépoussiéré un périodique philanthropique du XVIIIe siècle. Avec son courrier des lecteurs, le Journal de Lausanne préfigure l’interactivité moderne.

Jean Lanteires était une figure lausannoise excentrique: de petite taille, perché sur des talons rouges, les mains toujours enfouies dans un manchon en ours blanc, cet enfant de réfugiés huguenots inspirait de la bienveillance aux pauvres de la ville et de la méfiance aux élites intellectuelles, surtout médicales. Et pour cause: en assignant dès 1786 à son Journal de Lausanne-premier hebdomadaire de longue durée en terre vaudoise-la mission d’éclairer le peuple sur les bienfaits des découvertes scientifiques, il leur faisait une bonne publicité. Mais en vulgarisant leur fonds de savoir, il touchait aussi à leur fonds de commerce…Comme si en expliquant au citoyen lambda l’origine des maladies, il lui apprenait à se guérir soi-même.

Pourtant, ce fils d’apothicaire, que l’historienne lausannoise Miriam Nicoli a redécouvert en compulsant les trésors de la Bibliothèque des manuscrits de Dorigny n’avait que de sincères intentions philanthropiques. Selon cette jeune et sagace assistante de Danièle Tosato-Rigo, à l’UNlL, Jean Lanteires se comportait modestement en « »avant amateur », en « médiateur du savoir », et mettait en garde ses lecteurs contre les charlatans, qui pullulaient encore à la fin du Siècle des Lumières et à l’orée de la Révolution.

Née dans la région de Lugano, d’un père ingénieur féru d’histoire contemporaine, Miriam Nicoli s’est passionnée dès son arrivée à la Faculté des lettres de Lausanne, en 1999, pour l’exploration des sources historiques. Actuellement, elle œuvre à sa thèse de doctorat en épluchant, à Berne, la correspondance internationale d’Albert de Haller, dont le tricentenaire sera célébré l’an prochain.

Lecture aisée et vivante

Son essai sur Lanteires et son périodique vulgarisateur, qui vient de paraître chez Antipodes, a été son mémoire de licence, en 2005. Il s’intitule Apporter les lumières au plus grand nombre. Lecture aisée, vivante, jalonnée d’anecdotes; en tout cas désencombrée des jargons qui alourdissaient encore, il y a quinze ans, tant de travaux d’étudiants. Le comble, direz-vous, eût été qu’elle écrive une analyse difficile à lire sur le destin d’un homme qui voua sa vie à faciliter les lectures! En ce sens, elle lui rend hommage. Avec brio.

Miriam Nicoli est tombée sur la destinée inclassable de Jean Lanteires au hasard d’une recherche sur d’anciennes prescriptions médicales et de dossiers médicaux généralement rédigés par des praticiens. Or les pages jaunies de ce Journal de Lausanne-dont plusieurs sont reproduites en annexe-lui firent traverser le miroir et connaître cette fois le témoignage à vif des patients. Car cet hebdomadaire fut sans doute un des tout premiers à se doter d’un courrier des lecteurs. Les êtres les moins avisés y exprimaient librement leurs « inquiétudes » liées à leur santé, leur hygiène nocturne-comment se débarrasser de ces parasites qui grouillent dans le grand lit familial? Près de la moitié des articles ayant trait à la médecine étaient écrits par les lecteurs. Mais des phénomènes scientifiques y sont expliqués et commentés: les montgolfières, la foudre et le paratonnerre, l’électrification des vers à soie, le somnanbulisme, etc.

Une « foire à questions »(FAQ) internautique avant la lettre, en quelque sorte.

Gilbert Salem, 24Heures, 21 mai 2007.

 

Am Beispiel des Journal de Lausanne (JL), das zwischen 1786 und 1792 wöchentlich erschien, untersucht Miriam Nicoli in ihrer für den vorliegenden Druck Überarbeiteten Lizentiatsarbeit Wege der Wissensvermittlung an breite Bevölkerungsschichten im Waadtland des späten 18. Jahrhunderts. Bereits die Quellenwahl ist sehr geschickt, stellt das JL doch ein einmaliges Textkorpus dar, um Bemühungen der « Popularisierung » oder « Vulgarisierung » von wissenschaftlich-technischem Wissen (« vulgarisation du savoir scientifique ») in der Aufklärung zu untersuchen. Das ‘Periodique’ wurde 1786 vom Hugenotten Jean Lantieres nach dem Vorbild des Journal de Paris ins Leben gerufen. Die Zeitschrift versuchte, neue wissenschaftliche Erkenntnisse und technische Erfindungen in den Bereichen Ökonomie, Landwirtschaft, Geschichte, Moral, Philosophie, Geographie, Medizin und den Naturwissenschaften (Physik, Chemie, Botanik und Naturgeschichte) einem lesefähigen Publikum ohne wissenschaftlichen Bildungshintcrgnmd zu vermitteln und war ganz auf die BedÜrfnisse dieser ‘unteren’ Bevölkerungsschichten des Waadtlandes ausgerichtet: « Les thèmes traites dans ces rubrique sont les plus souvent liés à la réalité locale ou aux exigences suisse. » (S.43) Was das JL als historische Quelle zusützlich interessanl macht, ist die Tatsache, dass es von Beginn weg ais eine Art « interaktives Forum » in eine Kommunikationsbeziehung mit der Leserschaft trat. Vor allem dank den zahlreichen im JL abgedruckten Leserbriefen und den darin zum Ausdruck gebrachten Anliegen, Meinungen, Verbesserungsvorschliigen usw. erscheint das Joumal als ein « miroir de la société de l’époque » und gibt einen Blick frei auf die « intérêts, pratiques, débats et peurs présents dans la société par rapport aux thématiques étudiées » (S.74). Etwas Zu bedauern ist mit Blick auf den Quellenwert von Jean Lanteires Journal jedoch der Umstand, dass offenbar weder ein Nachlass von Lanteires noch ein Archiv des JL erhalten sind; gewisse von der Autorin aufgestellte Hypothesen etwa zu den Intentionen Lanteires’ oder zu seinem Umgang mit eingesandten Leserreaktionen bleiben aus diesem Grund mitunter etwas spekulativ. Dies mindert aber in keiner Weise den Wert der vorliegenden Arbeit, die vor dem Hintergrund einer klarcn Fraggestellung eine sachkundige, prüzise und informative Untersuchung präsentiert.

Zwei Problemstellungen stehen im Zentrum der Arbeit von Miriam Nicoli: Die Untersuchung zeigt zum einen, wie Inhalt und Struktur des JL-nicht zuletzt auch aus wirtschaftlichen Überlegungen seines Herausgebers-die soziokulturellen Hintergründe des Zielpublikums abbildete bzw. sich sehr genau nach dessen Erwartungen richtete. Bemühungen um eine einfache, dem Bildungsstand der Leserschaft angepasste Sprache, aber auch eine grosse thematische Vielfalt von Artikeln, die auf die Lebensrealität und die allttiglichen Bedürfnissen der breiten Bevolkerung des Waadtlandes ausgerichtet waren, pragen das Journal. So beschreibt in den Bereichen Physik und Medizin, auf welche die Autorin aIs Untersuchungsgegenstand fokussiert, ein Grossteil der Beitrtige neue Ertindungen und Phiinomene im Zusammenhang mit der Elektrizität oder gibt Auskunft über Arzneimittel und Ratschläge zu Schwangerschaft, Kinder- und Stiuglingspflege (S.44f.). Lanteires habe sich hierbei, so die Autorin, ganz der Bektimpfung von verbreiteten Vorurteilen gegenliber virulenten Problemen der Zeit verschrieben. Dies macht sie unter anderem an Lanteires’ Versuchen fesl, die Bevolkerung über das Phänomen von Gewittern aufzuklären und die Akzeptanz von Franklins Blitzableiter zu erhöhen oder auch an seinen Erkltirungen der Funktionsweise von Heifssluftballonen (S.84-95).

Insbesondere in den medizinischen Fragen, die im Journal diskutiert werden, spiegeln sich die Probleme und Angste der Bevolkerung der Zeil: ln einem Parcours thématique zeigt Nicoli unter anderem, wie das JL etwa in Fragen zur Geburlshilfe und Hebammenausbildung zu einem « lieu de parole féminine » wurde, in dem sich Frauen meist anonym mit Anliegen oder Ratschltigen zu Wort meldeten. Lanteires versuchte unter anderem auch über den Hinweis auf ausgesuchte Literatur, Aufkltirungsarbeil zu leisten. Der Verweis auf verstandliche uncl leicht zugangliche Literatur ist, neben dem Verfassen von thematischen Artikeln, die zentrale Wissensvermittlungsstrategie des Journal – sie wird gerade im Bereich der Medizin aber noch ergtinzt durch den Transfer von traditionellem Erfahrungswissen, das die Leserbliefschreiber einbringen: « Les intentions vulgarisatrices de Lanteires se concrétisent donc sur plusieurs niveaux. » (S.70f.)

Die zweite Problemstellung, der die Autorin in der Studie nachgeht, betrifft das Verhältnis von Lanteires Projekt zu etablierten wissenschaftlichen Institutionen mit ihren sich im Laufe des 18. Jahrhunderts herausbildenden Vermittlungsangeboten. Hier ist nicht nur an die zahlreichcn anderen Periodiques zu denken, die in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts auch in der Schweiz in grosser Zahl, aber mit oft kurzer Lebenszeit, erschienen, sondern auch an die von einem staatspolitischen Interesse an Bürgererziehung geleiteten Aufklärungsprogramme, etwa dasjenige der Societe des sciences physiques de Lausanne. Vor allem im Bereich der Medizin werden in der zweiten Jahrhunderthälfte zahlreiche Texte publiziert, die sich der Vermittlungs- und Präventionsarbeit und dem Kampf gegen den Scharlatanismus verschrieben hatten, wobei das zweifellos einflussreichste Werk Tissots Avis au peuple sur sa santé war. Wie Nicoli zeigen kann, suchte Lanteires von Beginn an eine Zusammenarbeit mit der communauté savante des Waadtlandes. Wenn dies am Anfang offenbar auch klappte und zahlreiche namhafte Gelehrte Artikel beisteuerten, so änderte sich dies am Ende der 80er Jahre. Nicoli diskutiert die Gründe fÜr diesen Umschlag ausführlich und konstatiert nicht nur eine elitäre Zurückhaltung etablierter Gelehrter an Lanteires Projekt, sondern auch dessen RandsteIlung ausserhalb der Wissenschaftsgemeinschaft: « [Les membres de la République des Lettres partagent bien les idéaux de Ia science utilitaire et I’affichent ouvertement, mais […1 ils préfèrent intervenir dans des entreprises nées de la volonté de leurs membres » (S. 187).

Jon Loop (London/Göttingen), Pro Saeculo XVIIIe, Nr 30, Juin 2007

 

L’auteure, une Suissesse, nous propose le fruit de ses recherches sur Jean Lanteires (1756-1797), un pharmacien de Lausanne devenu journaliste. Celui-ci a passé une bonne partie de son activité professionnelle et de sa vie à Lausanne à y publier, entre 1786 et 1797, un journal intitulé Journal de Lausanne.

Les objectifs de l’auteure sont de montrer les différents sujets scientifiques qu’a abordés le journaliste Jean Lanteires dans ce medium, et comment celui-ci s’y est pris, en tant que médiateur, pour les diffuser et les rendre accessibles à un public bien alphabétisé, voire lettré, mais pas forcément érudit.

Le livre comprend trois parties. La première se consacre à la source en elle-même. La deuxième aborde les moyens que Jean Lanteires utilise pour vulgariser les données scientifiques du XVIIIe siècle, en s’appuyant sur des exemples concrets d’observation des phénomènes physiques ou autres, tels que l’électricité, la médecine. La troisième partie, quant à elle, traite des interactions et des échanges épistolaires entre le concepteur du journal et les lecteurs. L’auteure montre comment ce dernier tient compte ou non de leurs avis en publiant, ou non, leurs lettres et demandes; comment il oriente son discours dans le journal; comment il invite les scientifiques à s’exprimer sur des sujets importants (ce qui lui donnerait une reconnaissance officielle auprès de la communauté savante de l’époque). L’auteure propose deux grands volets, l’un pour les articles sur la physique, l’autre pour les articles sur la médecine, en faisant la répartition selon les auteurs (Jean Lanteires, lecteurs, extraits externes). L’ouvrage ne consiste pas en une analyse du contenu scientifique. Il s’agit plutôt d’une étude sur le contenant (le journal): à savoir comment Jean Lanteires s’y prend pour diffuser les nouveaux savoirs, et à quel point les gens se sentent intéressés ou concernés par les expériences scientifiques de l’époque. Dans cette étude, l’auteure se base essentiellement sur sa source principale qui est le journal de Jean Lanteires, le Journal de Lausanne. Ce support est un hebdomadaire paraissant le samedi, se composant de quatre feuilles in-quarto en deux colonnes. Un supplément est à la disposition des lecteurs qui désirent exprimer leurs réflexions moyennant une contribution financière. En tout, ce journal représente six volumes ayant chacun entre 208 et 252 pages. Les thèmes des articles sont généralement hétéroclites: littérature, économie, agriculture, histoire, morale, philosophie, bienfaisance, géographie, médecine, chirurgie, sciences (physique, chimie, botanique, histoire naturelle). L’accent thématique porte sur la médecine et la physique. De plus, s’y trouvent des charades, des vers, des énigmes et des logogriphes.

Après une analyse poussée de cet ensemble, l’auteure conclut que le Journal de Lausanne est « un exemple privilégié d’entreprise intellectuelle visant la libre circulation des idées parmi le plus grand nombre ». Le moyen de vulgarisation employé consiste à utiliser un langage adapté pour pouvoir atteindre le plus grand nombre de personnes. Et Jean Lanteires sait se rendre accessible aux classes moyennes. Il fait aussi de sérieux efforts pour vérifier les informations scientifiques qu’il publie et prête attention à ne pas diffuser des choses invraisemblables et des canulars. Par ailleurs, pour éviter de noyer ses lecteurs, il se tient volontairement à l’écart des grands débats philosophiques et politiques de l’époque. Aussi, il constate que les savants veulent garder leur monopole du savoir et ne veulent pas forcément se mettre à la portée du public. Il invite à quelques reprises des médecins savants du XVIIIe siècle à coucher leurs idées, mais ce ne sont pas tous qui acceptent, tel que Tissot dont la réputation professionnelle dépasse largement la frontière helvète.

Cet ouvrage sera utile à plusieurs historiens des Lumières, mais surtout à ceux qui s’intéressent aux moyens de diffusion des connaissances nouvelles de l’époque: écoles, cabinets de lectures, journaux, sociétés savantes, récits de voyage, etc.

Toutefois, il aurait été intéressant que l’auteure fasse référence à d’autres études similaires (journalistes indépendants suisses ou français) offrant des perspectives semblables de diffusion, d’autant qu’il existe beaucoup de journaux à cette époque tant en Suisse qu’en France. Ainsi, avec une argumentation plus renforcée, nous aurions pu voir plusieurs types de moyens employés à l’époque pour « apporter les Lumières au plus grand nombre ». L’auteure réalise bien une petite comparaison au tout début avec le Journal de Paris; mais celle-ci porte uniquement sur la forme des caractères typographiques et la disposition spatiale des sujets abordés. De plus, si cet ouvrage s’adresse à un public universitaire ou à des passionnés du XVIIIème siècle et du siècle des Lumières partageant la soif de connaissances que certaines personnes ont eue à l’époque (exemple: les savants), tout le monde n’est pas familier avec la géographie de la Suisse et peut-être encore moins avec le pays de Vaud. Une carte de ces deux aires aurait été la bienvenue. Aussi et enfin, puisque l’historiographie francophone développe depuis une trentaine d’années un engouement certain et enthousiaste pour l’histoire des sciences en général, il aurait été intéressant que l’étude soit plus équilibrée entre contenant et contenu. En effet, l’accent étant mis quasiment exclusivement sur le premier, le second paraît quelque peu délaissé, aspect évoqué plus haut.

                        Stéphanie Tiéso, Bulletin canadien d’histoire de la médecine, Volume 25, n°1, 2008

 

One of the interesting trends in early modern history of late has been the proliferation of studies describing the evolving patterns of communication and sharing of information. With respect to eighteenth-century history, this work dovetails with a more traditional interpretation of the Enlightenment as a project of cultural and social modernization. According to this latter point of view, advocates of the Enlightenment set themselves the task of freeing culture from the pernicious influence of religious superstition, reducing the influence of traditional, hereditary social elites, and promoting social progress via what they considered use fui knowledge.

Miriam Nicoli’s study of the Journal de Lausanne offers an example of this kind of crossing of interests. Edited by the Huguenot pharmacist and popular scientific lecturer Jean Lanteires, the Journal de Lausanne was a quartosized weekly that appeared between 1786 and 1792. Typical of many periodicals published with su ch frequency, the Journal de Lausanne was short, consisting of four pages printed in double-column format. Lanteires’ expressed interest for his product, as Nicoli’s book makes clear, was to make itself a mediator between elite scientific and scholarly knowledge and a literate audience constituted by « the people ».

To a noteworthy extent, Lanteires succeeded in his aim, although the evidence for this is indirect. Regrettably but not unusually, no archival records of the editorial and production sides of the Journal de Lausanne have been preserved-no subscription lists, account books showing how the journal was distributed and to whom payments were made for its production, or other « behind the scenes » glimpses into a journal’s material existence. What Nicoli did have instead were the published traces of the extensive back-and-forth exchange between Lanteires and his readers. More than any other periodical I know of, the Journal de Lausanne appears to have succeeded by persuading its readers to voice their thoughts in print. This is not just a matter of producing a supplement to the journal, a widely used device whereby individuals could post notices and advertisements for a small fee. Although Lanteires began issuing such a supplement late in 1787, the reader-generated content that I am referring to came in the form of published letters that were part of the journal’s main content.

And what were readers interested in? After providing an overview of the cultural and educational context in Lausanne and the Swiss Pays de Vaud in one chapter and a review of Lanteires’ life and career as a popularizer of science in another, Nicoli devotes her longest chapter to an analysis of the journal’s contents. The topics included there will come as no surprise to anyone familiar with the cultural landscape of eighteenth-century science and medicine: electricity and the latest experiments with lightning rods; ballooning; women’s health, often in conjunction with reproduction, birthing, and care of infants; women and male medical practitioners, including the touchy subject of midwifery and the access sought by males to birthing; public health and the urban environment; prevention of premature burial; rescue of drowning victims, and somnambulism and animal magnetism. ln moving through each of these topics, Nicoli often departs from what appeared in the pages of the Journal de Lausanne to draw in the wider social and cultural environment. This certainly helps her better to contextualize the various topics, but it also has the effect of diverting attention away from the question of what distinctive role the journal may have played in the se issues.

One recurrent matter of concern to Nicoli is the relationship between the popularizing interests of the Journal de Lausanne and its editor on one side, and the profession al interests of the scholarly and especially the medical community in Lausanne. She suggests that Lanteires’ journal may not have been entirely welcomed by the community of physicians, especially because of its publication of remedies intended for use by the journal’s readers. This, she claims, may have put Lanteires on the wrong greatly adds to our understanding of this aspect of medical practice.

 Deborah Brunton, Medical History, 52 (2), april 2008