A contrario Vol. 5, No 2

La Palestine et les conflits du Moyen-Orient 

Bocco, Riccardo, Meier, Daniel,

2008, 216 pages, 13 €, ISBN:978-2-88901-005-9

Dans ce volume, la Palestine est placée au centre de la réflexion, comme son titre l’indique, car le conflit israélo-palestinien concentre une dimension à la fois symbolique et territoriale. A la différence d’autres conflits régionaux, articulés autour de questions de légitimité du régime ou de gouvernance, ce conflit incarne par excellence l’arbitraire du leg colonial , l’injustice ressentie par un peuple, une région et les insuccès de la médiation internationale. Sans viser à l’exhaustivité, ce parti pris imposait de se centrer davantage sur la région du Machrek où résonne l’onde de ce vieux conflit et où la présence d’Israël continue de nourrir un arc de conflictualité. Ce point de vue permet dès lors d’inclure aussi bien la problématique des relations arabo-iraniennes que la perception des acteurs sociaux marocains sur la guerre des 33 jours de l’été 2006. Enfin, au plan théorique, la notion même de conflit ouvre un espace de questionnement relativement vaste qu’ il convient de définir a minima.  

Format Imprimé - 17,00 CHF

Description

Dans ce volume, la Palestine est placée au centre de la réflexion, comme son titre l’indique, car le conflit israélo-palestinien concentre une dimension à la fois symbolique et territoriale. A la différence d’autres conflits régionaux, articulés autour de questions de légitimité du régime ou de gouvernance, ce conflit incarne par excellence l’arbitraire du leg colonial , l’injustice ressentie par un peuple, une région et les insuccès de la médiation internationale. Sans viser à l’exhaustivité, ce parti pris imposait de se centrer davantage sur la région du Machrek où résonne l’onde de ce vieux conflit et où la présence d’Israël continue de nourrir un arc de conflictualité. Ce point de vue permet dès lors d’inclure aussi bien la problématique des relations arabo-iraniennes que la perception des acteurs sociaux marocains sur la guerre des 33 jours de l’été 2006. Enfin, au plan théorique, la notion même de conflit ouvre un espace de questionnement relativement vaste qu’ il convient de définir a minima.

Les autres livres de Daniel Meier

Sommaire

Editorial    

  • De la conflictualité au Moyen-Orient (Daniel Meier)

Articles        

  • Aide internationale et processus de paix: le cas palestinien, 1994-2006 (Riccardo Bocco et Wassila Mansouri)
  • The Palestinian War-torn Economy: Aid, Development and State Formation (Hanna Daoudi et Raja’ Khalidi)
  • Visions palestiniennes du « droit au retour » des réfugiés, sept ans après le début de la deuxième Intifada, 2000-2007 (Jalal al-Husseini)
  • Les mutations du leadership palestinien, 1993-2006 (Benoît Chaland)
  • Israël: la doctrine de « combat disséminé ». Vers une sur-violence sans rationalité militaire? (Pascal de Crousaz)
  • From Rentier State to Failed State: War and the De-Formation of the State in Iraq (Rolf Schwarz)
  • A propos de la violence « irakienne ». Quelques éléments de réflexion sur un lieu commun (Loulouwa al-Rashid et Edouard Méténier)
  • La politique arabe de l’Iran (Mohammed-Reza Djalili)
  • Les conflits du Moyen-Orient au miroir des communautés imaginées: la rue arabe existe-t-elle? Le cas du Maroc (Mounia Bennani-Chraïbi)
  • La décomposition régionale au Moyen-Orient: effets pervers du « moment américain » (Philippe Droz-Vincent)

Notes de terrain

  • Les fonctionnaires de l’Autorité palestinienne et la suspension de l’aide internationale: notes d’enquête à Jenin, 2006-2007 (Wassila Mansouri)

  • La sécurité alimentaire en Palestine: acteurs locaux et internationaux pendant la seconde Intifada (Caroline Abu-Sada)

Presse

Quinze auteurs, treize articles et deux notes de recherche nourrissent ce riche numéro de A contrario, consacré à la Palestine et aux conflits du Moyen-Orient dans le sillage d’un colloque sur le même thème tenu fin 2006 à Genève. L’objectif, expliqué par Daniel Meier en préambule, est de tenter une réflexion transversale et régionale sur la violence au Moyen-Orient, à partir du terrain palestinien et de la notion souple de conflit.
Ce numéro vaut surtout par la richesse ethnographique de chacune de ses contributions: on regrette ici l’absence relative des pistes théoriques transversales fécondes auxquelles A contrario nous a habituées; cette limite tient peut-être à l’intensité dramatique d’un sujet qu’il est plus prudent de traiter au moyen d’approches locales et modestes. Dans ce cadre, l’articulation paraît malaisée entre le terrain palestinien (6 contributions) et d’autres terrains moyen-orientaux (Israël, Maroc, Irak, Iran). À cette aune enfin, le titre peut laisser penser (à tort) qu’il s’agit de montrer l’impact régional de la question palestinienne: bien heureusement, le numéro ne tombe pas dans ce lieu commun piégeux.
Les contributions éclairent richement l’actualité palestinienne post-Oslo (après le processus de paix entamé en 1993 et mis en échec fin 2000) au moyen de coups de projecteurs complémentaires. Deux grands objets politiques sont abordés: la question des réfugiés palestiniens et ses reformulations successives jusqu’à aujourd’hui, très efficacement synthétisée par Jalal Husseini. Puis, dans la continuité des travaux de Jean-François Legrain, Benoît Challand procède à une analyse multi-niveaux de l’évolution du leadership palestinien et des conflits attenants à sa conquête : l’intérêt de son étude est d’articuler finement sans les opposer les grandes lignes de tension (jeune garde/ vieille garde de l’OLP, returnees de Tunis/ résidents des Territoires occupés), sans négliger la dimension diachronique ni les facteurs exogènes (influence d’Israël et de la communauté internationale); un dernier intérêt de cet article réside dans son étude de la composition du nouveau leadership du Hamas, postérieurement à la victoire électorale du parti en janvier 2006: la tension qui s’observe oppose une volonté de légitimité populaire des cadres à la nécessité de l’expertise de ces mêmes cadres. Cette dernière nécessité s’inscrit dans le cadre plus général des fortes pressions de la communauté internationale des bailleurs de fonds.
Ce sont d’ailleurs les considérations économiques qui s’imposent au gré des autres contributions palestiniennes du numéro (Riccardo Bocco, Wassila Mansouri, Hanna Daoudi, Raja’ Khalidi, Caroline Abu-Sada), s’insérant dans une suite inlassable de constats d’échecs, de blocages et de vœux pieux: la formulation de Sarah Roy en terme de dé-développement économique palestinien connait une postérité certaine et des conjugaisons multiples (dé-développement civique, politique, social, etc…) sous une pression israélienne croissante et multidimensionnelle. Enfin Pascal de Crousaz s’intéresse à l’évolution et aux contradictions du débat stratégique et militaire israélien. Cette dimension est souvent négligée au sein des études palestiniennes, au nom de l’autonomie d’un objet devant pourtant l’essentiel de sa destructuration à un dispositif militaire qu’il importe donc de comprendre: rafraichissant à ce titre, l’article de Pascal de Crousaz souffre cependant de la vacuité de son sujet, tant l’auteur souligne lui-même la grande jeunesse d’une doctrine de guerre en réseau qui n’est pas encore mise en oeuvre par l’armée israélienne; du reste, son application aux Territoires palestiniens souffre du problème, politique, de délimitation des-dits Territoires: on ne sait s’ils seront un jour sous souveraineté palestinienne, mais on sait qu’ils sont depuis 40 ans sous contrôle israélien croissant. Enfin, le paradoxe soulevé par l’auteur entre une nouvelle (vraiment?) guerre de petits coups, disséminée, et la nécessité médiatique et subjective de grands coups guerriers et sanglants n’est pas nouveau tant l’armée israélienne pratique de longue date le « shock and awe » indiscriminé: cette réserve ne lève pas l’intérêt d’une articulation fine et rare des dimensions subjectives et pratiques de la violence armée institutionnelle.
Les autres contributions du dossier portent sur d’autres zones du Proche et du Moyen-Orient ainsi que sur une explication internationaliste et exogène des recompositions politiques observables dans la région depuis 2001 sous la plume de Philippe Droz-Vincent. Celui-ci montre brillamment la nécessité et les limites d’une perspective régionale transversale, à partir de l’idée d’un « moment américain » spécifique au Moyen-Orient, prenant sa source dans les attentats du 11 septembre 2001 et tentant une rupture, qualifiée par l’auteur de « transformationelle », du système régional en place: Philippe Droz-Vincent entend ici une rupture introduisant une transformation structurelle de la scène politique régionale L’instabilité introduite produit des effets et des obstacles sur le long terme. Un tel exercice intellectuel est salvateur au sein de ce dossier, mettant en lumière des relations et des temporalités; les limites inhérentes à ce type d’exercice s’observent dans un survol souvent trop rapide des dynamiques sociales endogènes complexes.
Les contributions irakiennes du dossier sont complémentaires dans leurs démarches et inverses dans leurs résultats. Afin de comprendre la destruction de l’État baathiste, Rolf Schwarz entreprend une analyse de la genèse de l’État irakien avec l’aide d’une théorie maintenant ancienne sur la légitimité des États rentiers. La suite causale État rentier-légitimation faible-appareil militaire hypertrophié-défaite militaire conjugue différents facteurs pour expliquer la chute de l’État: séduisante, cette théorie s’expose cependant au risque de la simplification et de la téléologie. Loulouwa al-Rachid et Édouard Méténier proposent à l’inverse une approche « par le bas » du phénomène de la violence en Irak, entendant déconstruire le lieu commun d’une société irakienne qui serait ontologiquement violente. Si la critique est aisée en l’espèce, l’art se heurte au dilemme du chercheur qui, en s’attachant à un objet-la violence irakienne-contribue inévitablement à son essentialisation. À défaut de résultat clair, on saluera une démarche qui réussit à articuler diachronie et anthropologie.
Méthodiquement, Mohammed Reza Jalili passe en revue les relations extérieures de l’Iran avec chacun de ses grands voisins arabes, dans une belle synthèse où s’illustre la rationalité instrumentale faisant qu’un grand État n’a pas d’amis. On regrettera cependant un découpage qui contourne Israël et renforce l’idée reçue d’une adversité intemporelle bien éloignée de la réalité historique*. La politique étrangère se trouve également au centre de l’attention de la contribution de Mounia Bennani-Chraïbi, mais dans une perspective bien différente: à partir d’une sociologie des mobilisations, l’auteure entend dépasser l’opposition apparente entre l’apathie politique interne des jeunes Marocains et Égyptiens, et leur investissement privilégié dans des questions de politique étrangère (Irak, Palestine, Iran…). Elle montre que cet investissement privilégié des jeunes dans le champ diplomatique est habité et clivé par des divisions politiques internes inhérentes à leur propre pays et leur propre situation, comme un exutoire à une parole directe confisquée. Les différentes contributions de ce dossier constituent ainsi un précieux instantané de l’état du Proche et du Moyen-Orient fin 2006 et des études menées à partir de la Suisse francophone sur cette région.

*Parsi Trita, 2007, Treacherous Alliance: The Secret Dealings between Iran, Israel and the US, (…) 

Vincent Romani, Remm. Revue des mondes musulmans de la Méditerranée, 5 janvier 2010 

L’enjeu palestinien

Pour son dixième numéro, la revue publie les actes d’une sélection de contributions à un colloque, Le Moyen-Orient de conflits en conflits, qui s’est tenu fin 2006 à Genève. La question palestinienne a été retenue comme entrée privilégiée pour rendre compte de la façon dont s’organisent et se déploient dans le Moyen-Orient contemporain la violence, ses images et ses symboles. Un premier bloc d’articles en décortique différentes facettes, à commencer les conceptions et l’impact de l’aide internationale du processus d’Oslo jusqu’à la victoire électorale du Hamas et les mutations du leadership palestinien. On y insiste sur le processus de développement « régressif » qui ne cesse de dominer le paysage économique. La question du « droit au retour » des réfugiés est étudiée tant dans sa dimension politique qu’humanitaire. De façon prophétique, l’analyse de la politique de l’armée israélienne conduit à affirmer que « les décideurs politiques et militaires pourraient être tentés de recourir à une surviolence démonstrative sans finalité strictement militaire ». La guerre du Sud-Liban et celle de la bande de Gaza illustrent ce type d’opérations. L’Irak et l’Iran constituent également des thèmes de réflexions importants de ce dossier. Pour l’Irak, la rente pétrolière y est présentée comme prélude à « l’État défaillant ». L’arc de conflictualité serait incomplet sans l’analyse de la politique arabe de l’Iran, notamment sur les théâtres irakiens, libanais et palestiniens.

Michel Rogalski, directeur de la revue Recherches internationales, L’Humanité, 8 juin 2009