Tokyo memories

Jolivet, Muriel,

2007, 145 pages, 17 €, ISBN:978-2-940146-92-5

Si les études quantitatives nous donnent des repères valables, Muriel Jolivet persiste à croire qu’on apprend davantage sur une société en la regardant trier ses ordures. C’est pourquoi Tokyo Memories est composé d' »instantanés » glanés ici et là, dans les couloirs, les sous-sols, le métro, les gares, les magasins, et l’on risque d’y découvrir l’envers d’un décor pour touristes, une manière autre de fonctionner, qui remet en question l’occidentalisation ou l’internationalisation des mentalités.

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Description

Si les études quantitatives nous donnent des repères valables, Muriel Jolivet persiste à croire qu’on apprend davantage sur une société en la regardant trier ses ordures. C’est pourquoi Tokyo Memories est composé d' »instantanés » glanés ici et là, dans les couloirs, les sous-sols, le métro, les gares, les magasins, et l’on risque d’y découvrir l’envers d’un décor pour touristes, une manière autre de fonctionner, qui remet en question l’occidentalisation ou l’internationalisation des mentalités.

On y découvre le Japon et les Japonais au quotidien. C’est un Japon tellement banal, qu’il en devient original, car il faut pour cela maîtriser la langue, connaître les gens, comprendre ce qu’il y a derrière les mots, les anecdotes, les non-dits et les sketchs télévisés. Au fil du récit, ceux que la société a rendus « transparents » à force de marginalisation ou de conformisme révèlent un Japon peut-être moins lisse qu’il n’y paraît.

Presse

Singularités nippones

Connaissez-vous le « congé d’amour déçu »? Au Japon, une entreprise permet à ses salariées d’en bénéficier. Il suffit d’en faire la demande et la durée est fonction de l’âge de la victime: un jour pour les femmes entre 20 et 24 ans, deux jours pour celles entre 25 et 29 ans, et trois pour des trentenaires, censées avoir plus de mal à accuser le coup…La surprise de Saitô Ami, en découvrant l’existence de cet usage, montre que les Occidentaux ne sont pas les seuls à s’étonner des singularités nippones. D’ailleurs, l’inverse existe aussi: « En parlant avec des amis français, j’ai traduit l’expression sake ni nomareru par « être englouti par l’alcool » (…). Mes amis ont trouvé ça très amusant, mais je trouve que certaines expressions françaises le sont tout autant, comme « avoir des fourmis dans les pattes » ou « passer une nuit blanche » », explique Yasuhara Mayako.

Sans prétention, Muriel Jolivet nous fait entrer dans le quotidien, tantôt familier, tantôt déroutant de la société japonaise. Et la collection d’anecdotes qu’elle égrène permet de prendre la mesure de certaines spécificités de la culture japonaise. L’auteure est de ces sociologues qui estiment qu’il est possible d’en apprendre « davantage sur une société en la regardant trier ses ordures » qu’en accumulant des études quantitatives. En poste dans une université tôkyôite depuis 1973, elle a eu l’idée de lancer ses étudiants nippons dans l’observation de leurs contemporains, accumulant des observations glanées dans tous les recoins des métropoles japonaises ou au fil des flashes télévisés, les enrichissant parfois de ses propres observations. De quoi dresser « un panorama des modes, des tendances, mais aussi des déviances d’une société (…) dont les idiosyncrasies sont encore mal connues ».

Laurent Testot, Sciences humaines, septembre 2007

Du samouraï au salarié: l’envers du décor

« Si les études quantitatives nous donnent des repères valables, je persiste à croire que l’on apprend davantage sur une société en la regardant trier ses ordures », annonce en introduction la sociologue Muriel Jolivet, qui vit et enseigne à Tokyo depuis plus de trente ans. C’est donc un Japon quotidien qu’elle décrit dans Tokyo Memories (1), au travers d' »instantanés » glanés dans le métro, à la télévision, etc. Elle laisse la parole à ses étudiants japonais, qui livrent leur vision, et décryptent les comportements de leurs compatriotes. Ces points de vue de l’intérieur viennent compléter celui de la gaijin (« étrangère »), qui les organise en un portrait passionnant de la société japonaise.

Si l’auteure se libère des canons de la méthode et de l’écriture universitaire, c’est pour mieux rendre accessible un travail de recherche au long cours, qui se manifeste dans la sélection de situations révélatrices. Derrière le comique et la trivialité des cas &endash; des femmes se réjouissant de la mise sur le marché d’une nouvelle machine leur permettant de laver leur linge séparément de celui de leur mari &endash;, ce petit livre faussement léger aborde des questions sérieuses. L’anecdote de la machine à laver prend ainsi tout son sens à la lecture du précédent ouvrage de Jolivet, Homo japonicus (2), qui décrit les mutations profondes d’une société traditionnellement patriarcale, dans laquelle le « salaryman-chef de famille », tout-puissant à l’époque du miracle économique, est aujourd’hui précarisé sur son lieu de travail, contesté dans son autorité de père et considéré parfois comme un « meuble encombrant ».

Dans une perspective plus historique, Aude Fieschi (3) s’est intéressée aux référents culturels et moraux nippons à travers la figure emblématique du samouraï. Les vertus qui composent le code d’honneur samouraï-droiture, courage, politesse, sincérité, loyauté-sont explicitées en les confrontant aux conceptions occidentales de ces valeurs. L’auteure fait dialoguer avec la pensée de Platon, ou celle d’André Comte-Sponville, deux ouvrages de référence sur l’éthique samouraï: le Hagakure, écrit par un moine-samouraï qui en a fixé les principes au XVIIIe siècle, et Bushido, the Soul of Japan, rédigé directement en anglais à destination des Occidentaux en 1905 par Inazo Nitobe.

La démarche est d’autant plus pertinente que c’est l’ouverture forcée du pays à l’Occident, au milieu du XIXe siècle, qui fit disparaître les samouraïs et la féodalité japonaise. C’est aussi la confrontation avec l’Occident qui suscita chez le nouveau pouvoir impérial la volonté de faire adopter à la population tout entière les valeurs de cette élite guerrière et imprégnée de bouddhisme zen, pour les ériger en mythe de la spécificité japonaise à la fin du XIXe siècle. L’auteure retrace la destinée politique de ce célèbre précepte du Hagakure-« La voie du samouraï, c’est la mort « -utilisé pour fanatiser les soldats durant la seconde guerre mondiale, avec comme ultime expression les commandos kamikazes. Il est dommage que son analyse se soit arrêtée là. On aurait aimé lire aussi quelques réflexions sur ce que continue à représenter aujourd’hui l’éthique samouraï dans la société japonaise. Le succès du livre du mathématicien Masahiko Fujiwara, La Dignité d’une nation (4), qui en appelle à un retour à ce code d’honneur, témoigne suffisamment de l’actualité du mythe.

(1) Muriel Jolivet, Tokyo Memories, Antipodes, Lausanne, 2007, 144 pages, 18 euros; (2) Muriel Jolivet, Homo japonicus, Philippe Picquier, Arles, 2002, 585 pages, 11 euros ; (3) Aude Fieschi, Le Masque du samouraï, Philippe Picquier, Arles, 2006, 158 pages, 18,50 euros; (4) Masahiko Fujiwara, Kokka no Hinkaku, Shinchosha, Tokyo, 2005.

Emilie Guyonnet, Le monde diplomatique, juin 2007

 

C’est en s’approchant des choses les plus banales qui soient que Muriel Jolivet, sociologue habitant Tokyo depuis plus de trente ans, a voulu rendre compte de l’expérience japonaise. Et pour ce faire, elle a choisi une méthode qui ne s’embarrasse guère de précautions oratoires et de préalables épistémologiques. C’est que nous sommes ici aux confins de la sociologie et de la littérature, dans cette zone-limite où rien ne distingue les plus littéraires des sociologues, telle Muriel Jolivet, et les plus sociologues des littéraires, telle Annie Ernaux, dont le Journal du dehors, avec ses scènes dans les transports en commun, a inspiré à l’auteure l’idée de ce livre. Et, à cet égard, celle-ci n’y va pas avec le dos de la cuiller: « Ce projet peut paraître décousu, mais il se présente comme une mosaïque ou un assemblage de faits divers qui, à mon avis, en disent beaucoup plus qu’un livre bien agencé autour d’une théorie ou d’une thèse, que l’auteur s’applique à démontrer par tous les moyens. (…) ».

Cette sténographie de la vie de tous les jours est si précise qu’elle pourrait même servir de guide pour les voyageurs occidentaux. La grammaire du quotidien diffère sensiblement de ce que nous connaissons en Occident car les répertoires culturels qui prescrivent et proscrivent les choses ne se superposent pas: « Un soir, j’avais rendez-vous avec un ami français à Shibuya. Celui-ci s’est adressé à une fille qui fumait à côté de moi, pour lui demander du feu. Au lieu de lui en donner, elle s’est enfuie, car elle a eu peur. Comme il n’arrivait pas à comprendre, je lui ai expliqué qu’au Japon, on ne demandait jamais une allumette à un inconnu. On les achète soi-même, sinon on ne fume pas »(…).

Cette phénoménologie de la vie quotidienne que nous propose Tokyo Memories vise moins à apporter des réponses à des questions, à fournir des causes pour traiter des conséquences, qu’à formuler des interrogations qui rendent compte du foisonnement des petits mystères qui émaillent la vie quotidienne et dont la durée de vie n’excède parfois pas la poignée de secondes. Pourquoi cet homme lit-il un magazine porno devant tout le monde dans le train? Pourquoi cette femme ramasse-t-elle les papiers de la gare alors qu’elle n’est pas payée pour le faire?…Il s’agit moins d’élucider le sens de l’événement que d’évoquer la sensation qu’il a pu produire.(…)

Pierre Verdrager, Carnets de bord No 13, Septembre 2007

Muriel Jolivet pense et rêve en japonais

Son dernier livre se lit comme un manga: c’est le meilleur compliment entendu par cette sociologue qui enseigne à Tokyo depuis 1973. Paru à Lausanne, ce journal impressionniste dépeint l’envers du décor.

Pour comprendre intimement ce pays du Soleil levant auquel tant de Romands s’intéressent (24Heures du 3 avril), il ne suffit pas de s’en imprégner par des films et des lectures générales. Ou de s’enivrer des couleurs clignotantes de Polymanga, qui bat son plein ces jours à Beaulieu. Il faudrait suivre l’exemple de la sociologue Muriel Jolivet qui a renoncé à tout pour aller vivre au milieu des Nippons, afin de maîtriser leur langue, avec ses nuances secrètes, au point qu’aujourd’hui, après 34 ans d’immersion dans leur société, elle se sent plus proche d’eux que de la plupart de ses compatriotes français qui vivent au Japon. « Des expatriés méprisants, avec des instincts de colons. »

Elle reste une étrangère

Avant ses études en langues orientales à Paris, elle avait suivi son père entomologiste dans de nombreuses expéditions à travers le monde. Elle comprit très tôt que la véritable science orientaliste doit se faire sur le terrain. Pour avoir pratiqué celui-ci pendant trois décennies, elle se sait acceptée, mais sans se faire d’illusion: elle reste une étrangère. Même si « elle rêve en japonais ».

Aujourd’hui, elle enseigne (en japonais) à la prestigieuse Université Sophia de Tokyo: des cours sur la société française, le phénomène de l’immigration, la culture africaine, qui l’ont conduite à publier deux essais à succès, dans la langue du pays évidemment. Ses livres en français parlent du Japon actuel. En 2000, son best-seller Homo Japonicus (Ed. Picquier) est un recueil impressionnant de témoignages qui révèle un effritement des identités masculines. Aujourd’hui, les Editions Antipodes, à Lausanne, publient un amour de petit journal au quotidien: Tokyo Memories. Aidée d’une poignée d’étudiants, Muriel Jolivet y a rassemblé des instantanés capturés dans la rue, dans les transports publics ou les lieux de passages ordinaires. C’est l’envers chatoyant d’une société que l’on croyait à tort hyperoccidentalisée qui resplendit et désarçonne le lecteur occidental, avec ses secrets ataviques, parfois involontaires. « L’ouvrage peut se lire dans tous les sens, dit-elle, d’où la comparaison avec les mangas. »

A ne pas manquer, en annexe, cette « Méditation autour des petits plaisirs que vous offrent le Japon et les Japonais »: parmi ceux-ci, l’art d’écouter tomber la pluie sur les feuilles de l’orme du jardin; aspirer avec bonheur la paille d’un tatami neuf; ou « s’enfoncer dans la contemplation d’une carpe au bord d’un Eine Gruppe von Helden erlebt gefahrliche Abenteuer, welche von einem online casino spiele leiter erdacht wurden. étang, au point d’oublier si on est une carpe qui contemple un humanoïde à travers le spectre déformant de l’onde ou si l’on est un humain pâmé devant une carpe ahurie. »

« Pour le reste, dit Muriel Jolivet, je me suis évertuée à donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. A décrire un Japon tellement banal qu’il en devient original. »

Gilbert Salem, 24Heures, 7 avril 2007.

Taupe française, Muriel Jolivet regarde vivre le Japon au quotidien

ESSAI: Avec ses étudiants de l’Université Sophia de Tokyo, la sociologue croque des scènes de rue. Un autre monde.

Depuis le temps qu’elle vit à Tokyo, elle aurait pu s’habituer à tout. Eh bien non! Muriel Jolivet a beau être arrivée en 1973, elle garde l’œil ouvert sur ce qui constitue bien un autre monde.

Il faut dire, bien sûr, qu’elle est au départ sociologue. Ses premiers ouvrages parvenus du pays du Soleil Levant restaient d’ailleurs dans la stricte orthodoxie universitaire. A L’Université au service de l’économie japonaise (1985) avait ainsi succédé Un pays en mal d’enfants. Crise de la maternité au Japon (1993). Mais Muriel vaut mieux que ça. Elle s’est donc prise à douter des grandes révélations. Tokyo Memories, qui nous vient après Homo Japonicus (2002), ressemble ainsi à un tableau impressionniste, pour ne pas dire pointilliste. C’est dans l’infime détail que doit se trouver sinon la vérité, du moins une réalité tangible.

Une vie très dure

Muriel Jolivet ne signe pas seule cet ouvrage délectable, qui sort à Lausanne aux éditions Antipodes. Elle a demandé à ses élèves de l’Université Sophia de descendre, comme elle, dans la rue ou le métro. Il s’agit pour eux tous d’observer de minuscules scènes de la vie quotidienne, que chacun rapporte et signe. C’est leur mise bout à bout qui donnera son caractère au livre. Un caractère assez terrifiant.

Le Japon tel que le lecteur le découvre est en effet xénophobe (Muriel ne s’est d’ailleurs jamais réellement intégrée), sexiste, égoïste et avide de bien de consommatiori. La vie y est si dure qu’elle oblige ses habitants à des rêves infantiles et à ignorer résolument le malheur d’autrui. Les SDF, qui ponctuent le parcours, sont ainsi devenus comme invisibles. Les modes occidentales constituent tout de même des miroirs à la fois plus attrayants et moins gênants …

Mais après tout, le projet initial de Tokyo Memories n’était-il pas de découvrir une société en la regardant trier ses ordures?

Etienne Dumont, Tribune de Genève, 16 avril 2007.

 

Muriel Jolivet est sociologue. Elle vit à Tokyo depuis 1975 et enseigne actuellement à l’Université Sophia. C’est une spécialiste du Japon, mais qui a eu une idée qui n’est pas japonaise, puisqu’elle est inspirée, dit-elle, par les écrits d’auteurs français, Annie Ernaux (pour son Joumal du Dehors) et Philippe Delerm. Entre 1995 et 2005, elle s’est proposé à elle-même et a proposé à ses étudiants de regarder Tokyo le nez sur le motif, c’est-à-dire de près et dans les détails. Pas de grandes considérations sur les civilisations, pas de digressions sur l’économie et l’organisation du travail. Mais des notes prises à la volée, des instantanés saisis au passage, au coin d’une rue, dans un restaurant, dans le métro, un recueil de sensations proches pas toujours rédigées avec la pJume d’un écrivain, mais sincères, précises et très souvent suggestives, accompagné par des dessins, des portraits types de jeunes tokyoïtes. A force de regarder ce qui n’est pas du déjà vu (c’est la démarche du professeur de sociologie), des personnages souvent invisibles parviennent à la visibilité. Cette addition de tableautins en dit aussi long, sinon plus, que beaucoup de documents savamment élaborés.

Laurent Wolf, Le Temps, 21 avril 2007.

Le Japon, mode d’emploi

Muriel Jolivet est professeure de sociologie à l’Université Sophia à Tokyo. Dans son livre, elle raconte 10 ans de vie japonaise qu’elle présente volontiers comme un ensemble « d’instantanés glanés ici et là, dans les couloirs, les sous-sols, le métro, les gares, les magasins de Tokyo ». Un carnet de voyage très agréable à lire, et agrémenté de « croquis pédagogiques », expliquant très efficacement le B-A BA de la mode au pays du Soleil levant. Un voyage des plus réussis.

B.T., Matin Bleu, 25 avril 2007.

Façades dévoilées

Le Japon est l’un de ces pays qui réussit à remplir un imaginaire par sa seule évocation-en bien ou en mal. Et les clichés ont tendance à s’y allonger comme un nez de bois. Mais voilà, qu’est-ce qui s’avère? Qu’est-ce qui tient du phantasme? Ville tentaculaire qui s’exhibe en étages, Tokyo contient tous les possibles et réunit plus de 12 millions d’habitants (soit presque 14’000 au kilomètre carré…). Autant d’histoires, de mémoires, de quotidiens. Dans Tokyo memories, la sociologue française Muriel Jolivet (qui y vit depuis 1973) et ses élèves japonais ont suspendu quelques instantanés, le temps d’une humeur ou d’une petite réflexion. Ils dévoilent l’intimité d’un pays, riche de ses moments de béton du banal enchaînement des couloirs du métro, de ses habitudes, du temps qui passe. Ce livre, c’est tout cela, un mélange de regards et surtout un enrichissant voyage derrière les façades.

RM, La Gruyère, 14 juin 2007.

Immersion tokyoïte

« Si les études quantitatives nous donnent des repères valables, je persiste à croire qu’on apprend davantage sur une société en la regardant trier ses ordures », écrit la sociologue Muriel Jolivet dans Tokyo Memories. Auteure de plusieurs ouvrages qui analysent l’évolution du Japon contemporain-notamment Un Pays en mal d’enfant (1993) et Homo Japonicus (2000)-elle enseigne à l’Université Sophia de Tokyo, où elle vit depuis 1973. Dans son dernier opus, elle a donc choisi d’abandonner l’approche scientifique: Tokyo Memories est né d’un projet entamé en 1995 avec ses étudiants, auxquels elle a demandé de ramener des « instantanés » de la ville; elle-même s’est prise au jeu de l’observation, et mêle son regard aux récits et aux croquis des jeunes gens.

Métro, gares, magasins sont le cadre de scènes insolites, a priori anodines, mais qui révèlent souvent l’envers du décor: la violence de rapports humains inégaux dans cette société urbaine aux dehors si policés. Indifférence face aux SDF, relations de pouvoir entre les sexes et les générations, soumission au culte des apparences, stress de la vie professionnelle sont autant de failles explorées par ces textes-qui conservent par ailleurs avec leur objet une légère distance empreinte d’humour. Recueil de fragments du quotidien, mosaïque de faits divers, Tokyo Memories dessine au final une forme ouverte: on y découvre un Japon à la fois complexe et terriblement banal. C’est qu’il faut le connaître de l’intérieur, en comprendre la langue et les codes culturels, pour dépasser les préjugés et déchiffrer apparences et non-dits. Un monde emprunt d’inquiétante étrangeté surgit alors bien loin des clichés touristiques.

APD, Le Courrier, 23 juin 2007