Revue historique vaudoise 118/2010

Justice et criminalité

2010, 347 pages, 28 €, ISBN:978-2-88901-042-4

Au moment où le canton de Vaud s’apprête à vivre l’une des plus importantes réformes judiciaires de son histoire, par l’introduction, à l’horizon 2011, de la réforme pénale et civile fédérale, la Revue historique vaudoise a estimé pertinent de proposer un numéro thématique articulé autour de l’histoire de la justice et de la criminalité en terres vaudoises. Deux axes principaux ont été privilégiés. Le premier se rapporte à la criminalité, par l’examen de différentes figures du criminel, ainsi qu’à la perception du crime sur le plan du discours et des pratiques judiciaires. Le second s’attache aux acteurs de la justice; il privilégie l’étude de leurs interactions avec l’État et la société, ainsi que les enjeux de leur action.

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Description

Au moment où le canton de Vaud s’apprête à vivre l’une des plus importantes réformes judiciaires de son histoire, par l’introduction, à l’horizon 2011, de la réforme pénale et civile fédérale, la Revue historique vaudoise a estimé pertinent de proposer un numéro thématique articulé autour de l’histoire de la justice et de la criminalité en terres vaudoises. Grâce à l’apport de plusieurs historiens, jeunes ou confirmés, qui présentent ici leurs recherches en cours ou récentes, et grâce à des magistrats en exercice qui livrent leur témoignage dans la perspective des changements à venir, nous proposons une succession d’éclairages autour de cette thématique, qui se déploie entre le Moyen Âge et le début du XXIe siècle. Deux axes principaux ont été privilégiés. Le premier se rapporte à la criminalité, par l’examen de différentes figures du criminel, ainsi qu’à la perception du crime sur le plan du discours et des pratiques judiciaires. Le second s’attache aux acteurs de la justice; il privilégie l’étude de leurs interactions avec l’État et la société, ainsi que les enjeux de leur action. Observé sur une longue durée, le champ d’étude permet de mettre au jour certaines transitions, ruptures ou innovations qui se manifestent au fil du temps.

Table des matières

EDITO   

DOSSIER

  • Justice et criminalité (Vaud, XVe-XXIe siècles) (Nicole Staremberg)
  • Introduction (Martine Ostero, Nicole Staremberg)
  • Crimes et sanctions dans la répression de la sorcellerie à la fin du Moyen Âge. Une étude des sentences prononcées contre les inculpés (ACV, Ac 29) (Martine Ostero)
  • Les brigands du Jorat (fin XVe-début XVIe siècles): crève-la-faim, « bandits sociaux » ou brutes sanguinaires? (Lionel Dorthe)
  • L’organisation politique, judiciaire et administrative des bailliages vaudois sous l’Ancien Régime (1536-1798). Essai de synthèse (Regula Matzinger-Pfister)   
  • Une justice seigneuriale vaudoise à l’œuvre: le procès criminel d’André Vuibert à Vincy (1634) (Salomon Rizzo)
  • La décriminalisation de la sorcellerie à Lausanne (Diane-Laure Frascola)
  • L’exercice de la justice au nom du souverain: la figure du lieutenant baillival (Nicole Staremberg)
  • Consistoire, Conseil des XXIV et police des mœurs au XVIIIe siècle: les autorités lausannoises face aux « filles de mauvaise vie » (Samuel Antoine)
  • Un chevalier de La Barre helvétique? L’affaire Louis Robriquet et son heureux épilogue vaudois (Denis Tappy)
  • Un procès de presse dans le canton de Vaud sous la Médiation (Marie-Thérèse Guignard)
  • Bombes et engins plus ou moins explosifs sous l’œil du criminaliste: le travail de l’expert à l’Institut de police scientifique de Lausanne (1904-1919) (Nicolas Quinche)
  • La religion au tribunal, ou la stratégie de Léo-Paul Robert. Le décor intérieur de l’ancien Tribunal fédéral de Montbenon à Lausanne (Laurent Langer)
  • Le ministère public vaudois à la veille de l’introduction du code de procédure pénale suisse (Éric Mermoud)
  • La disparition du jury: échec de la justice populaire? (Marc Pellet)

MELANGES

  • L’implantation précaire des paysans d’Aulps à Lavaux au XVIe siècle (Jean-Pierre Bastian)
  • Dans le fleuve de l’oubli: journal de Catherine de Charrière de Sévery (Anne-Marie Lanz)
  • Une histoire cousue de fil bleu. Politique et développement urbanistique à Vevey (1929-1939) (Tibaut Guisan)

COMPTES RENDUS

Comptes rendus thématiques

  • Marc Bergère, Jean le Bihan (dir.), Fonctionnaires dans la tourmente. Épurations administratives et transitions politiques à l’époque contemporaine, Chêne-Bourg: Georg, L’Équinoxe, 2009 (Élisabeth Salvi)  
  • Carine Dunand, Des montagnards endiablés. Chasse aux sorciers dans la vallée de Chamonix (1458-1462), Lausanne: Cahiers lausannois d’histoire médiévale 50, 2009, 208 p. (Astrid Estuardo Flaction)  
  • Alec Feuz, Affaire classée : Attac, Securitas, Nestlé, Lausanne: Éditions d’En bas, 2009, 213 p. (Marc Gigase)  
  • Étienne Hofmann, Une erreur judiciaire oubliée: l’Affaire Wilfrid Regnault (1817-1818), préface de Jean-Denis Bredin de l’Académie française, Genève : Slatkine, Travaux et recherches de l’Institut Benjamin Constant 11, 2009, 628 pages (Denis Tappy)  
  • Le théâtre du crime: 1875-1929, Rodolphe A. Reiss, avec des contributions de Christophe Champod et al., Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne/Musée de l’Élysée, Lausanne : Pressespolytechniques et universitaires romandes, 2009, 319 pages (Éloi Contesse)
  • Salima Moyard, Crime de poison et procès politique à la Cour de Savoie. L’affaire Pierre Gerbais (1379-1382), Lausanne: CLHM 44, 2008, 501 p. (Élisabeth Salvi)  
  • Michel Porret, Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertises judiciaires à Genève (XVIIIe-XIXe siècle), Montréal: Les Presses de l’Université, 2008, 278 p. (Élisabeth Salvi)  
  • Michel Porret, L’ombre du Diable: Michée Chauderon, dernière sorcière exécutée à Genève (1652), avec la collaboration de Ludovic Maugué, Sonia Vernhes Rappaz et de Élisa Barras et al., [préface d’Alessandro Pastore], Chêne-Bourg: Georg, 2009, 259 p. (Martine Ostorero)

comptes rendus généraux

  • Roberto Biolzi, « Avec le fer et la flamme ». La guerre entre la Savoie et Fribourg (1447-1448), Lausanne: CLHM 49, 2009 (Claude Berguerand) 
  • Léonard Burnand, Les pamphlets contre Necker-Médias et imaginaire politique au XVIIIe siècle, Paris: Garnier, L’Europe des Lumières 2, 2009, 409 p. (Roger Francillon)  
  • Sandro Guzzi-Heeb, Donne, uomini, parentela. Casati alpini nell’Europa preindustriale (1650-1850), Turin: Rosenberg & Sellier, Collection La storia & le storie, 2007, 372 p. (Lucienne Hubler)  
  • Olivier Donzel, Jacques Donzel, Le mercenaire, Chêne-Bourg: Éditions Médecine et Hygiène/Georg, 2009, 333 p. (Gilbert Coutaz)  
  • Sylvie Henguely, Martin Gasser (éds), Henriette Grindat-Méditerranées: textes de Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, Zurich: Limmat Verlag, 2008, 87 p. (Séverine Allimann)  
  • Maurice Meylan, Le Cercle littéraire de Lausanne de 1819 à nos jours, Genève: Éditions Slatkine, 2007, 185 p. (Béatrice Lovis)  
  • Anne Marie Sèvegrand-Jaquier, Évelyne Lüthi-Graf, Hôtel Pension Masson, 180 ans : 1829-2009, Veytaux: Hôtel Masson, 2009, 137 p. (Gilbert Coutaz)  
  • Nicole Staremberg Goy, Du buveur à l’ivrogne. Le Consistoire de Lausanne face à l’abus d’alcool, 1754-1791, préface de Regula Matzinger-Pfister, Lausanne: Éditions du Zèbre, Études d’Histoire Moderne 3, 2006, 141 p. (Pierre Dubuis)  

HOMMAGES

  • Jacqueline Exchaquet (1912-2008), (Gilbert Coutaz et Pierre-Yves Favez)  
  • André Lasserre (Laurent Tissot)  

CHRONIQUE ARCHEOLOGIQUE

Presse

 Dans L’uniscope

La Revue historique vaudoise s’articule autour d’un dossier thématique. « Le thème doit avoir un lien avec l’actualité; la recherche Avant de jouer a une gold rush , etudiez le tableau de paiement. peut s’intéresser au passé pour éclairer le présent », explique Nicole Staremberg, rédactrice et responsable scientifique de la Revue, doctorante à la section d’histoire de l’UNIL. A l’heure de l’introduction de la réforme pénale, plusieurs historiens de l’UNIL ou issus d’autres horizons ont publié des synthèses de leurs recherches dans le dernier numéro de la Revue intitulé Justice et criminalité. Des brigands du Jorat, en passant par la disparition du jury ou la religion au tribunal, cet ouvrage regorge de textes riches et variés.

Si Nicole Staremberg a écrit un article sur la figure du lieutenant baillival et l’action accrue de l’Etat contre la violence à l’époque des Lumières, Martine Ostorero, également responsable scientifique de la Revue, maître d’enseignement et de recherche à la section d’histoire de l’UNIL, a publié un sujet sur la répression de la sorcellerie dans le canton à la fin du Moyen Age. « J’ai établi un lien entre les différentes recherches faites sur la sorcellerie, pour voir s’il existait une logique entre les jugements, les aveux, les sentences, dit-elle. J’ai relié le tout pour mettre en avant des tendances. »

Démons toujours, mais Martine Ostorero a pris un autre angle de recherches pour sa thèse, soutenue en 2008, qui vient de sortir en livre. « Je voulais comprendre comment des gens qui ont écrit des manuels de démonologie ont réussi à justifier le crime de sorcellerie. » L’historienne a travaillé sur des manuscrits inédits, écrits entre 1420 et 1460, soit avant le Marteau des sorcières, une référence. « Le sabbat des sorcières, qui se construisait depuis 100 ans, était devenu au XVe siècle un problème central, qui posait des questions sociales, politiques et judiciaires. » Selon Martine Ostorero, pour produire des aveux, les autorités ont du penser en toute bonne foi que des choses étranges se passaient dans les bois. A cette époque, le diable était matière de foi. On le pensait comme une entité qui pouvait agir sur la société chrétienne et représenter une menace pour l’église. « Le message est passé auprès de la population par le bais de l’église, des prédicateurs. Cela a été une grande mutation de la pensée et de la culture médiévale qui a eu des implications énormes pour le futur. »

Francine Zambano, L’uniscope, no 560, 7 février – 6 mars 2011, p.17

Les brigands du Jorat étaient de vraies fripouilles

Une étude s’attaque au mythe des Robin des Bois vaudois, idéalisés dès le XIXe siècle (sur l’article de Lionel Dorthe « Les brigands du Jorat, crève-la-faim, « bandits sociaux »ou brutes sanguinaires? »)

Ils font partie de notre folklore. Un fromage a reçu le nom de Brigand du Jorat. Une équipe d’amis a créé en 1971 la Nouvelle Compagnie des Brigands du Jorat. Ils enlèvent régulièrement des personnalités qu’ils libèrent moyennant une rançon en bouteilles de vin.

Si l’on peut se revendiquer aujourd’hui de tels prédécesseurs, c’est que les brigands du Jorat ont, acquis une réputation plutôt flatteuse. Des historiens et écrivains du XIXe et du XXe siècle ont fait de ces bandits de grands chemins de pauvres diables révoltés contre l’ordre social, la religion et la domination de Berne. A les en croire, ils s’en prennent aux riches, aux puissants et ne touchent pas aux habitants du lieu. Dans l’imaginaire vaudois, ces hommes, qui ont sévi du XVe au début du XVIIIe siècle, sont des rebelles et des cousins du major Davel.

Dans sa récente livraison, un article de la Revue historique vaudoise donne un sérieux coup de canif dans la réputation de ceux qui écumaient les bois. Son auteur, Lionel Dorthe, doctorant en histoire de l’Université de Lausanne, a dépouillé des sources peu ou pas utilisées: des procès-verbaux d’interrogatoires criminels conservés aux archives. L’image qui ressort de ces documents est différente du mythe.

Meurtriers

Premier choc, les brigands du Jorat ne sont pas positivement du Jorat. Ils commettent leurs méfaits également dans les forêts d’Aubonne et de la Paudèze. Pour le reste, le portrait qu’en dresse l’historien ne correspond pas à l’image d’Epinal. La plupart du temps, ces brigands ont une autre profession, comme tisserand, couturier ou employé agricole. Plusieurs sont d’anciens soldats qui ont gardé leurs armes après la fin de leur service. Ils possèdent un logement et nourrissent une famille. Ils pratiquent occasionnellement et indifféremment le brigandage, le vol et le cambriolage. S’ils ne sont pas opulents, ils ne sont non plus des misérables. Lionel Dorthe estime qu’ils sont « en voie de marginalisation ». Leurs rapines constituent ainsi davantage un revenu d’appoint qu’une nécessité vitale. Ils s’attaquent aussi bien à des étrangers qu’à des gens du coin et tuent souvent leurs victimes pour éviter d’être reconnus par la suite.

L’historien cite le cas du brigand Jean Massot, de Villars-Tiercelin, qui avec ses complices a commis six attaques en dix ans, tuant chaque fois les malheureux passants. Il est vrai qu’une fois attrapés, les brigands étaient roués vifs. En outre, les recherches de Lionel Dorthe ne fournissent aucun indice d’un soutien de la population à ces larrons. Cela s’explique: les gens du lieu sont souvent eux-mêmes victimes des bandits.

Enfin, même la révolte de ces brigands contre l’occupation du Pays de Vaud ne résiste pas à l’analyse. « Le dépouillement des sources montre que les brigands du Jorat existaient avant l’arrivée des Bernois, écrit l’historien. Ce n’est donc pas le changement de régime qui aurait occasionné un pullulement soudain de hordes de brigands. »

Justin Favrod, 24heures , 6 janvier 2011