Revue historique vaudoise 117/2009

Education et société

2009, 347 pages, 28 €, ISBN:978-2-88901-031-8

Dans son édition 2009, la Revue historique vaudoise consacre son dossier thématique à l’éducation et à la société dans le territoire vaudois du Moyen Âge à nos jours. Des historiens, sociologues et historiens de l’éducation nous livrent ici les résultats de recherchent menées ou en cours dans les hautes écoles vaudoises et au sein de l’Université de Lausanne.

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Description

Dans son édition 2009, la Revue historique vaudoise consacre son dossier thématique à l’éducation et à la société dans le territoire vaudois du Moyen Âge à nos jours. Des historiens, sociologues et historiens de l’éducation nous livrent ici les résultats de recherchent menées ou en cours dans les hautes écoles vaudoises et au sein de l’Université de Lausanne.
Inscrits dans une démarche globale, celle de l’histoire sociale de l’éducation dès les années 1960 et celle, plus récente, de l’histoire culturelle, les principaux objets d’études sont les relations d’interdépendance entre des champs différents, ceux de l’économie, du politique et du social, grâce à une large chronologie et à une orientation interdisciplinaire.
A l’aide d’études de cas, se manifestent, au-delà de la diversité des sujets, des approches et des contextes, des convergences telles que la contradiction entre volonté éducative et mesures normatives et répressives, l’invocation d’impératifs économiques pour réformer un système scolaire et la permanence d’utopies pédagogiques, soit autant de réflexions toujours au cœur des préoccupations de notre époque.

Table des matières

Dossier: éducation et société

  • Education et société. Introduction (Danièle Tosato-Rigo)
  • Les écoles et l’enseignement à Lausanne et dans le pays de Vaud au Moyen Âge (Bernard Andenmatten, Prisca Lehmann, Eva Pibiri)
  • Lieux de pouvoir de l’Académie de Lausanne au XVIe siècle (Karine Crousaz)
  • Contrôle social, religion et éducation à l’époque des Lumières. Débats sur la discipline ecclésiastique et projets de réforme des consistoires vaudois (Nicole Staremberg )
  • Éduquer le nouveau citoyen: un défi de l’ère révolutionnaire en territoire lémanique (Danièle Tosato-Rigo)
  • Le « journal de Cécile Constant », miroir d’une éducation éclairée dans l’élite vaudoise au début du XXe siècle (Sylvie Moret Petrini)
  • Quand éducation rime avec déviation. La scoliose chez les filles et les garçons comme enjeu de la médecine scolaire à Lausanne (fin XIXe-début XXe siècle) (Mariama Kaba)
  • Égalité des sexes et enjeux de l’école dans les cantons de Vaud et de Fribourg (1880-1930) (Anne-Françoise Praz)
  • Apprentissage: vers la formation en série de main-d’œuvre qualifiée (Acacio Calisto)
  • Les ambiguïtés d’un modèle éducatif: le Home « Chez Nous » dans l’entre-deux-guerres (Joseph Coquoz)
  • Maison de discipline ou maison d’éducation? (Geneviève Heller Racine)
  • Des instituteurs et des institutrices bacheliers ou bachelières? Enjeux et déroulement de la réforme législative vaudoise de 1976 (Fabrice Bertrand)
  • Informatique dans l’école vaudoise (1970-2000): se servir d’une technologie ou la servir? (Farinaz Fassa)
  • Comment enseigner l’histoire du temps présent? (François Jequier)

Mélanges

  • La colonisation des Monts de Lavaux et du Jorat par les paysans du haut Giffre au tournant du XVe siècle (Jean-Pierre Bastian)
  • Un aspect inédit de la vie religieuse à Lausanne à la veille de la Réforme: la confrérie Sainte-Anne (Théodora Desponds)
  • Ludivine, la servante d’Albert Muret et l’amoureuse de C.F. Ramuz. Les acteurs, le décor et les réseaux (Sylvie Doriot Galofaro)
  • Histoire du Bureau central d’assistance de Lausanne (Martine Clerc)

Comptes rendus thématiques

Comptes rendus généraux

Chronique archéologique 2008

Presse

Les premiers écoliers vaudois furent des choristes

Au XVe siècle, une esquisse d’école (pour garçons) assura la primauté du Pays de Vaud sur les autres Etats de Savoie. Mais on y chantait la messe…

1419, cette année-là, Guillaume de Challant, le très entreprenant évêque de Lausanne, fait aménager en sa cathédrale une chapelle dédiée aux Saints Innocents. Hommage aux enfants, de moins de 2 ans qui, selon l’Evangile de Matthieu, furent massacrés par Hérode à Bethléem. Or, au Moyen Age, on appelle innocents les jeunes garçons voués au service liturgique romain et au chant choral.

La nouvelle construction s’assortit justement d’une décision épiscopale de fonder une maîtrise, destinée gratuitement à des choristes préadolescents qui résideront dans une maison spécifique attenante à Notre-Dame.
Cette institution lausannoise, qui fera des émules à Yverdon, à Moudon, à Orbe et à Estavayer-alors bourg vaudois-lui confère un prestige qui rend jalouses les autres contrées vassales du duc Amédée VIII de Savoie. D’ailleurs, il n’en existe encore ni à Chambéry ni à Turin, les deux capitales de notre première puissance suzeraine. La seconde, Berne, se montrera dès sa conquête de 1536 plus éclairée en matière d’éducation des enfants vaudois. Elle leur imposera les principes de la Réforme, mais pas l’usage de l’allemand.
Pour l’heure, l’école de Mgr de Challant n’est donc qu’une maîtrise, une « psallette ». Seuls y sont admis de jeunes enfants mâles, nés d’un mariage légitime. De parents dont on a vérifié la bonne moralité. On exige aussi de ces loupiots de n’être affligés d’aucune difformité physique. Il ne s’agit pas d’être beau, mais sain dans l’esprit comme dans le corps, selon le principe déjà proverbialisé de Juvénal. Et, bien sûr, doté d’une voix juste, d’un timbre séraphique, comme on en révèle à 8 ans au bénédicité qui précède la potée familiale de midi. Ce don tombé du ciel deviendra une source de fierté pour plusieurs familles pauvres lausannoises: avoir un fils éduqué gratis, quelle aubaine! Or, depuis le XIIIe siècle déjà, l’Eglise n’a plus le monopole absolu de l’enseignement. Des aristocrates savoyards et vaudois embauchent des précepteurs coûteux pour l’instruction de leur progéniture. Et même dans les communes les plus rurales, les conseils de bourg créent et financent des structures scolaires. Seuls les maîtres-denrée rarissime-sont rétribués par les parents d’élèves.

Mais revenons à nos innocents de la Cité. Une recherche circonstanciée, signée Bernard Andenmatten, Prisca Lehmann et Eva Pibiri (elle fait l’objet d’un chapitre d’une récente étude collective, lire ci-dessous) précise qu’ils sont recrutés à 8 ans, aussitôt tondus, puis relâchés à 16 ans. A la mue fatidique de leur voix. Ils n’auront profité que d’une pédagogie cléricale mais, outre le chant et la liturgie, ils ont un peu appris la grammaire-dans le sillage des écoles monastiques fondées par Charlemagne, sept siècles plus tôt…

Le chant, qui leur était enseigné par un cantor surnommé l' »écolâtre » (du latin scholasticus), primait. Etait-ce encore du plain-chant, ou déjà de la polyphonie? Ont-ils chanté la sublime Messe de Nostre Dame de Guillaume de Machault? On l’ignore. 

L’enseignement vaudois sous la loupe des chercheurs

Le passé éducatif vaudois, du XIIIe siècle à nos jours, est une matière complexe et polymorphe qu’une quinzaine de chercheurs viennent de décortiquer pour l’édition 2009 de l’excellente Revue historique vaudoise. De l’enseignement du plain-chant catholique dispensé par des chanoines à l’irruption de l’informatique dans le matériel scolaire ordinaire, historiens, pédagogues et sociologues dressent un riche tableau âe cette évolution.
Elle fut lente, conformément à la mentalité légendaire de notre contrée. Mais elle se déclina en remaniements et restructurations au fil d’étapes politiques ou économiques: Réforme instaurée par LL EE de Berne, héritage rousseauiste des Lumières et de la Révolution française, avènement de l’ère industrielle et des mouvements ouvriers,
courants philanthropiques hygiénistes de la fin du XIXe siècle, innovations plus ou moins heureuses de réformes issues du structuralisme des dernières années 1970, et l’on en passe.

Ce dossier thématique met en lumière des pans méconnus de l’histoire de l’enseignement en terres vaudoises. Que de développements disparates sur un territoire plus petit que le département du Rhône,
en France voisine! Dans son introduction générale, Danièle Tosato-Rigo -qui signe aussi un chapitre sur l’ère de la République helvétique-soit la période comprise entre 1798 et 1803-, y repère un courant unique, un fil rouge ancien qu’elle dévide en écrivant: « Ce qui s’apparente, d’une certaine manière, à des utopies pédagogiques traverse également les siècles. »

 Gilbert Salem, 24 Heures, 9-10 janvier 2010

Retracer l’éducation vaudoise à travers les siècles

Un recueil d’articles relate l’évolution de l’enseignement vaudois. Avec un regard appuyé sur la formation des jeunes filles.

Le volume 117 de la Revue historique vaudoise sort de l’imprimerie. Depuis plusieurs années, la revue commence par un dossier thématique. Le tome de 2009 ne fait pas exception et consacre plusieurs articles à l’éducation en terre vaudoise, du Moyen Age à nos jours. Trois contributions s’intéressent notamment aux filles dans la formation, du XVIIIe au début du XXe siècle.

L’historienne Sylvie Moret Petrini a exhumé le Journal de Cécile Constant. Chaque jour, de 1809 à 1819, les préceptrices de cette écolière lausannoise issue d’une excellente famille ont noté dans des carnets les bonnes et mauvaises actions de leur unique élève. On peut suivre Cécile de 6 ans jusqu’à 17 ans. Principal objectif de l’éducation: l’enfant « doit plaire et être aimée de tout ce qui l’approche », grâce aux qualités que sont l’obéissance, la docilité et le bon cœur. Le moyen d’acquérir ces belles vertus? Ne jamais laisser la petite fille dans l’oisiveté. Cécile est occupée du matin au soir sans le moindre répit: leçons, promenades, jeux, piano, broderie… Et le fouet comme ultime recours.

Une étude de Mariama Keba traite de la préoccupation des médecins lausannois que suscita l’école obligatoire au XIXe siècle. Selon eux, les longues heures sur les bancs conduisaient à la multiplication des scolioses chez les jeunes. Les spécialistes s’inquiétaient particulièrement du cas des jeunes filles. Pour deux raisons: la déformation dorsale met leur beauté en péril et risque de porter préjudice à une future grossesse.

Fribourg plus inégalitaire que Vaud

Enfin, Anne-Françoise Praz s’est intéressée à l’égalité des sexes dans les écoles vaudoises et fribourgeoises entre le XIXe et le XXe siècle. Elle soutient, chiffres à l’appui, que Fribourg discriminait bien davantage les filles que Vaud. L’historienne a établi une statistique dans quatre villages des deux cantons, entre 1860 et 1930. Les garçons fribourgeois avaient 4,75 fois plus de chances que les Fribourgeoises d’accéder à une école post-obligatoire, alors que leurs homologues vaudois n’avaient que 2,45 fois plus de chances. En outre, Vaud instaure très vite (en 1865) la mixité pour l’école obligatoire, alors que Fribourg délègue aux congrégations religieuses l’éducation des filles, avec des programmes différents. Dans ce dernier canton, l’école est obligatoire jusqu’à 15 ans pour les filles et 16 ans pour les garçons.

A travers le prisme de l’école et de l’éducation, la Revue historique vaudoise ouvre ainsi des perspectives plus larges sur l’histoire des mentalités.

J. FD, 24 Heures, 19 novembre 2009