Nouvelles Questions Féministes Vol. 26, No 1

Genre et frontières - frontières de genre

Benelli, Natalie, Dahinden, Janine, Hanselmann, Magaly, Lempen, Karine, Rosende, Magdalena,

2007, 152 pages, 13 €, ISBN:978-2-940146-87-1

Les études présentées dans ce numéro permettent de mieux connaître les conditions dans lesquelles les femmes migrent et vivent en Suisse. Cette compréhension est d’autant plus importante que les migrations ne sont plus présentées comme des exceptions temporaires, mais comme un phénomène structurel du monde contemporain. 

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Description

Les recherches féministes sur les processus migratoires sont le parent pauvre de la production scientifique en Suisse. Dans son dernier numéro, Nouvelles Questions Féministes fait non seulement un état des lieux des études dans ce domaine, mais ose sortir des sentiers battus pour montrer des aspects peu explorés du phénomène. Le mariage avec un homme suisse représente-t-il vraiment une émancipation pour les femmes étrangères qualifiées? Quels effets ont les nouvelles dispositions en matière d’asile et d’autorisation de séjour pour les femmes migrantes? Comment les prisons gèrent-elles la diversité culturelle de la population pénitentiaire féminine et masculine?

Les études présentées dans ce numéro permettent de mieux connaître les conditions dans lesquelles les femmes migrent et vivent en Suisse. Cette compréhension est d’autant plus importante que les migrations ne sont plus présentées comme des exceptions temporaires, mais comme un phénomène structurel du monde contemporain. 

Sommaire

Edito

  • Migrations: genre et frontières-frontières de genre (Janine Dahinden, Magdalena Rosende, Natalie Benelli, Magaly Hanselmann, Karine Lempen)

 Grand angle

  • Le genre et la législation suisse en matière de migration (Magalie Gafner et Irène Schmidlin)

  • « Je pensais que je pourrais avoir une relation plus égalitaire avec un Européen. » Le rôle du genre et des imaginaires géographiques dans la migration des femmes (Yvonne Riaño et Nadia Baghdadi)

  • Éclairage sur la migration féminine économique en Suisse: trois parcours (Corinne Dallera)

  • Femmes et hommes en milieu pénitentiaire fermé en Suisse: réflexions sur les questions de genre et de migrations (Christin Achermann et Ueli Hostettler)

 Champ libre

  • « Sports à risque »: production, permanences et résistances à la domination masculine (Nicolas Penin)

 Parcours

  • Trajectoire d’immigrée-miroir de la société d’accueil. Entretien avec Dounia (Natalie Benelli et Magaly Hanselmann)

 Comptes rendus

  • Christine Verschuur et Fenneke Reysoo (éds), Genre, nouvelle division internationale du travail et migrations (Janine Dahinden)

  • Bérangère Marques-Pereira et Petra Meier, Genre et politique en Belgique et en Francophonie (Christine Michel)

  • Dominique Bourque, Ecrire l’inter-dit. La subversion formelle dans l’oeuvre de Monique Wittig (Jelena Ristic)

 Collectifs

  • FIZ Centre d’information pour les femmes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe de l’Est-une petite ONG qui aide à résoudre de grands problèmes (Marianne Schertenleib)

Presse

La Suisse déçoit les migrantes

La revue Nouvelles questions féministes s’intéresse aux femmes migrantes en Suisse.

Un Eldorado de l’égalité hommes-femmes: telle est l’image que se font de la Suisse les migrantes non européennes qui arrivent en Suisse pour des motifs non seulement économiques, mais de genre, et trouvent une Suisse « encore plus traditionnelle que leur pays d’origine. » C’est la conclusion d’une étude publiée dans la revue Nouvelles questions féministes et consacrée aux Migrations: genre et frontières – frontières de genre. Rédigée par Yvonne Riano et Nadia Baghdadi, respectivement chargée de cours et doctorante au Département de géographie sociale et politique de l’Université de Berne, l’étude, intitulée « Je pensais que je pourrais avoir une relation plus égalitaire avec un Européen », met en évidence l’augmentation de la proportion des migrantes femmes, diplômées et pensant trouver en Suisse un pays d’émancipation socio-économique. « Or, surtout en Suisse alémanique, la société, plus que les hommes eux-mêmes, est patriarcale et macho, les crèches rares. » Résultat: un tiers reste à la maison, et 60% des autres font un travail sous-qualifié.

IF, L’Hebdo, 22 février 2007

Les migrantes, parent pauvre des études sociales

PUBLICATION • Longtemps, le concept de « féminisation » des migrations a été absent du champ scientifique. Les analyses actuelles rattrapent le temps perdu.

Elles sont restées dans l’ombre durant plus de deux décennies. Les femmes migrantes ont fait l’objet d’études pionnières dans les années 1970. Ensuite, le silence des chercheurs s’est abattu sur elles. Ce n’est qu’au milieu des années 1990 que les migrantes refont leur apparition dans le champ scientifique. Le dernier numéro de la revue Nouvelles Questions Féministes revient sur cette lacune et ouvre de nouvelles pistes de recherche.

Celles-ci partent toutes du même constat: les femmes ont été et sont les protagonistes de la migration. Mais les migrantes « ont le plus souvent été perçues comme des sujets passifs », relève Magaly Hanselmann, l’une des coordinatrices de la revue. Et en l’absence d’études sur leurs conditions de vie, les autorités ont ignoré l’ampleur de « leur apport en termes de cohésion sociale et d’évolution économique ». Nombre de préjugés auraient pu être démontés en présence de données chiffrées. Lorsqu’on sait, par exemple, qu’en Suisse, entre 1970 et 2000, le taux d’activité des étrangères est plus élevé que celui des Suissesses.

Seule consolation: les analyses actuelles rattrapent le temps perdu. Placée sous la loupe des chercheurs, la migration féminine contredit les représentations dominantes. Grâce à des études récentes, il ressort clairement que l’intégration des femmes a des liens très étroits avec le développement social des pays d’accueil et la croissance de son tissu économique. Liens pas toujours considérés à leur juste valeur par les politiques. Le travail des migrantes est tellement intégré dans la société qu’il passe presque inaperçu. Sans parler de la productivité féminine étrangère dont les économistes de la Banque mondiale découvrent le très haut rendement. Pour toutes ces raisons, la migration ne peut plus être abordée sous le seul angle de la main-d’œuvre masculine.

Phénomène structurel

Et si elle l’a été entre les années 1970 et 1990, « c’est parce qu’on considérait les flux migratoires comme provisoires et uniquement liés au déplacement des hommes », explique Magaly Hanselmann. Mais la donne a changé. Désormais, la migration est un élément constitutif des sociétés contemporaines. Un phénomène d’autant plus visible que son ampleur est en hausse et touche toutes les régions du globe. « Sans distinction de sexe. »

Les femmes représentent en effet près de la moitié des migrants internationaux dans le monde, soit quelque 95 millions. En Suisse, la proportion est presque égale: quelque 46% des personnes étrangères sont des femmes. Et elles migrent de plus en plus de façon autonome, relevait en 2005 la Commission mondiale sur les migrations internationales. Celle-ci a réussi à placer le thème des migrations dans l’Agenda global des Nations Unies.

Les activités de réseau

L’an dernier, l’organisation onusienne a publié un rapport retentissant. Elle confirmait un aspect relevé quelques mois auparavant par les universitaires européens et suisses: les femmes sont davantage impliquées que les hommes dans les « activités de réseau », comme réceptrices d’envois de fonds et comme initiatrices de transfert d’argent. Cette activité semble autant propice aux pays d’origine que les programmes d’aide au développement. Contraire- ment aux hommes, l’argent que les femmes redistribuent est davantage tourné vers l’éducation et la santé, plus ciblé sur la vie quotidienne et les besoins réels des familles.

Toute la question est de savoir quelle suite le nouveau secrétaire général de l’ONU et les Etats membres donneront à ce rapport. En Suisse, les ambitions des chercheuses réunies autour de la revue Nouvelles questions féministes sont plus modestes. Elles espèrent que leurs travaux feront mieux connaître les migrations sous l’angle « genre » et motiveront de nouvelles études.

Fabio Lo Verso, Le Courrier, 16 février 2007

« Les lois suisses perpétuent leurs difficultés »

Magaly Hanselmann est l’une des coordinatrices du numéro spécial de la revue Nouvelles Questions Féministes consacré aux migrations des femmes. Responsable de campagne auprès d’Amnesty International, elle s’est étonnée de l’absence quasi totale d’études « genre » sur les migrations entre 1970 et 1995. Elle a alors proposé au comité de rédaction de la revue-dont elle fait partie-d’apporter un éclairage sur ce constat. Entretien.

Pourquoi les femmes sont-elles à nouveau au centre de l’attention des chercheurs?

Magaly Hanselmann: Cette résurgence de l’intérêt scientifique est liée à un changement dans la façon d’aborder les migrations. Celles-ci sont désormais présentées comme un phénomène structurel et non temporaire. De plus, il y a autant de femmes que d’hommes parmi la population migrante. Et une proportion grandissante d’entre elles migre de façon autonome.

La perception de la migration féminine a-t-elle également changé en Suisse?

Il y a une prise de conscience assez large sur le fait que les expériences migratoires sont variées. Le but principal du travail de recherche publié dans la revue Nouvelles Questions Féministes est justement de montrer que les approches unilatérales ne sont plus permises. Même dans l’analyse des migrations féminines. Les pratiques sont hétérogènes et souvent elles mettent en cause les modèles dominants.

Faut-il dès lors revoir les instruments d’analyse des migrations?

Il suffirait déjà d’envisager les femmes comme protagonistes de la migration. Mais il est nécessaire surtout de dépasser une vision schématique de leur rôle. Entre « victimes » et « actrices », leur trajectoire migratoire est plus nuancé. Il y a en effet autant de variétés d’expériences migratoires que de groupes nationaux ou ethniques, de sexe et d’âge.

Les femmes continuent-elle de connaître plus de difficultés que les hommes?

Oui. Cela n’a pas changé. Elles subissent une double discrimination, dans une relation inégalitaire de personnes migrantes face aux nationaux. Et en tant que femmes, elles sont discriminées sur le marché du travail. En Suisse, l’immigration et l’intégration continuent d’être influencées par la politique migratoire dictée par les autorités, au travers des lois.

Quels effets les nouvelles lois sur l’asile et les étrangers ont-elles sur les migrantes?

Les modèles de travailleurs imposés par ces lois correspondent davantage au profil masculin que féminin, car elles réclament du personnel hautement qualifié. Déjà, avec les anciennes lois; les femmes étaient systématiquement « déqualifiées ». Ingénieurs dans leur pays d’origine, elles devenaient concierges ou femmes de ménage en Suisse. Aujourd’hui, avec les lois actuelles, ce sera encore plus dur. Il suffit de voir les stratégies que certaines femmes adoptent pour migrer en Suisse sans correspondre aux profils imposés par ces nouvelles lois.

Propos recueillis par FLV