Banquiers et diplomates suisses (1938-1946)

Perrenoud Marc,

2011, 543 pages, 33 €, ISBN:978-2-88901-030-1

Les relations entre banquiers et diplomates suisses pendant la Seconde Guerre mondiale et au tout début de la guerre froide sont analysées dans cette thèse qui résulte, d’une part, des recherches pour l’édition des documents diplomatiques suisses et d’autre part des travaux de la Commission Bergier dont l’auteur fut le conseiller scientifique de 1997 à 2001. Le développement de la place financière suisse au cours de la première moitié du XXe siècle et son renforcement pendant la Seconde Guerre mondiale constituent des caractéristiques des relations extérieures de la Suisse, ce qui entraîne une évolution des activités diplomatiques. Les prestations financières de la Suisse contribuent à améliorer les relations avec des belligérants, mais elles provoquent aussi des tensions en particulier avec les Alliés de 1943 à 1946.

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Description

La place financière suisse pendant la Seconde Guerre mondiale a été analysée en particulier par la Commission Bergier et par d’autres historiens. Cet ouvrage analyse les relations entre banquiers et diplomates suisses de 1938 à 1946 en approfondissant et en élargissant les travaux déjà publiés. Les rapports entre les milieux financiers et les diplomates suisses sont très importants au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les belligérants bénéficient des multiples prestations de la place financière suisse, tandis que les autorités politiques sont de plus en plus sollicitées: elles accordent des crédits pour financer les relations avec l’Axe et avec les Alliés, en acceptant ainsi des risques liés à l’évolution de la guerre. Elles sont impliquées dans les efforts pour répondre aux critiques des Alliés à cause de l’or et d’autres valeurs pillés par les nazis et parvenus en Suisse. En 1944-1946, l’isolement international de la Confédération oblige les autorités politiques à intervenir pour justifier les transactions opérées par les milieux d’affaires et à agir pour promouvoir l’image d’une Suisse neutre et humanitaire.

Cet ouvrage se fonde sur les résultats des recherches de la Commission Bergier et les prolonge par des analyses fondées sur des archives suisses et étrangères.

Table des matières

1. Les données d’un problème complexe: les relations entre banquiers et diplomates suisses (1938-1946)

  • Recherches historiques et questions ouvertes
  • Les débats et les travaux sur la Suisse et la Seconde Guerre mondiale

 – Les recherches et publications de 1996 à 2002
– Les analyses récentes des relations entre banquiers et diplomates

  • Les objectifs du présent ouvrage
  • Fil conducteur de cet ouvrage synthétique

 – Les étapes de la carrière de Walter Stucki de 1938 à 1946: Berne-Paris-Vichy-Berne-Washington-Berne

2. Analyse géographique des relations financières extérieures de la Suisse

  • Comment se présentent en 1938 les relations économiques de la Suisse avec le monde?
  • Aperçu de la répartition géographique des avoirs suisses dans le monde

 – L’Allemagne
– L’Autriche et l’extension de la « Grande Allemagne »
– La France
– La Grande-Bretagne et la zone sterling
– L’Italie
– L’Europe centrale et balkanique
– Les pays du Nord de l’Europe
– L’Espagne
– Les Amériques
– Le Japon
– L’Afrique

  • Récapitulation: avoirs suisses et actifs bancaires à l’étranger
  • Aperçu sur les avoirs étrangers en Suisse

3. Pouvoirs publics, milieux bancaires et relations internationales de la Suisse

  • L’Association suisse des banquiers et son rôle dans la politique étrangère de la Confédération
  • Attitudes des autorités fédérales à l’égard de la place financière suisse

 – Portée et limites de la législation économique
– La liberté des transactions et des admissions de titres étrangers dans les Bourses suisses
– Les discussions politiques sur les exportations de capitaux
– Les préparatifs à l’évacuation et à l’émigration

  • Les finances fédérales sous le choc de la guerre et le poids des emprunts
  • Problèmes financiers et appareil diplomatique suisse: la création et le développement de la section du contentieux et des intérêts privés à l’étranger du DPF
  • Quelques aspects des relations entre l’État fédéral et les banques suisses de 1938 à 1946

4. Banquiers et diplomates suisses face à l’Allemagne à la fin des années 1930

  • Les rencontres multilatérales dans le cadre de la Banque des règlements internationaux (BRI)
  • Les négociations sur la prorogation des dettes allemandes à court terme
  • Les négociations dans le cadre des accords de compensation

5. Banquiers et diplomates suisses face à la France à la fin des années 1930

  • Les capitaux français en Suisse
  • L’accord en vue d’éviter la double imposition
  • Les emprunts français

6. L’année 1940: bouleversements, nouvelles orientations et continuités

  • Quatre problèmes majeurs pour la place financière suisse
  • Le projet de crédit bancaire à la Grande-Bretagne
  • Les négociations avec l’Allemagne
  • Les relations avec la France: secret bancaire et blocages des avoirs
  • Les facilités financières pour l’Italie
  • Les relations avec les États-Unis
  • Quelles fonctions pour les banques suisses dans l’ »Europe nouvelle »?

 – La BNS, la BRI et la Reichsbank
– Les activités des établissements bancaires privés

7. Banquiers et diplomates suisses dans l’Europe sous l’hégémonie allemande

  • Les relations avec les dirigeants et clients allemands
  • La BNS, le IIIe Reich et la diplomatie suisse
  • Les aryanisations
  • L’Alsace française ou allemande?
  • La France de Vichy, les diplomates et les banquiers suisses
  • Les relations avec l’Italie fasciste
  • Les atouts de la place financière et la diplomatie suisses de 1940 à 1945

 8. Banquiers et diplomates suisses face aux Alliés (1940-1945)

  • Importance et problèmes des relations avec les Alliés anglo-saxons
  • Les pressions alliées sur la place financière suisse

 – Les premières escarmouches (1940-1942)
– Les premières réactions et mesures de l’ASB
– Les banques suisses au centre d’entretiens diplomatiques en 1944

  • Le maintien des relations financières avec l’Allemagne
    Les relations financières avec les États-Unis

 – Mesures américaines de blocage et réactions suisses
– La délégation de l’ASB aux États-Unis en 1944

  • Les négociations financières du printemps 1945

 – L’isolement relatif de l’ASB en Suisse et face à l’étranger
– Les mesures financières décidées par le Conseil fédéral avant le 8 mars 1945
– Les négociations avec les délégués alliés à Berne au printemps 1945
– Ultimes tractations avec la Reichsbank

9. La Suisse, ses problèmes et ses atouts d’une guerre à l’autre

  • L’économie suisse et la reconstruction de l’Europe
  • Les relations financières avec la France gaulliste (1944-1945)
  • Les relations difficiles avec les États-Unis

 – Concurrents ou partenaires?
– L’affaire IG Chemie-Interhandel

  • Les négociations à Washington en 1946
  • Les avoirs en déshérence (1945-1947)
  • Diplomates suisses, coffres blindés et rideau de fer (1944-1946)

10. Conclusion: croix blanche et coffres-forts

11. Notices biographiques

12. Sources et bibliographie

Presse

Dans Business History Review

In December 1941, Joseph Goebbels noted his deep disdain for the Neutrals and in particular berated Switzerland, a country that was in his opinion « not anymore a State but a puny association of hotel doormen [Portiervereinigung] » (p. 283). Yet, in contrast to this scornful characterization, this study reminds readers that soberer Axis officials highly regarded Swiss financial and economic services during the dark years of World War II. Some, like the Italian Foreign Minister, went so far as to call Switzerland « our only banker » (p. 329). In a June 1943 report, Walther Funk of the Reichsbank also estimated that Germany would have quickly run into serious problems without access to either Swiss Francs or Swiss gold transactions (p. 301).

As Marc Perrenoud’s remarkable study shows repeatedly, alpine hotels and lakeside resorts may have indeed played a significant role as discreet meeting points between Swiss bankers and diplomats and their foreign counterparts. However, the key argument remains that Swiss financial interests not only withstood their ground, but also greatly increased the scale and scope of their international operations during World War II, thus laying the foundations for Switzerland’s postwar position in the leading pack of financial centers. With a (sometimes overwhelming) wealth of archival documents, Marc Perrenoud’s study underscores how the 1938–1946 period was pivotal in Swiss banks’ remarkable success during the years of war that ravaged Continental Europe. Indeed, it was during this period that the Swiss financial place, despite the intensity of the links it entertained with the Axis, shifted the center of gravity of its activities away from the German sphere of influence by reinforcing, in particular, their operations across the Atlantic. For the Swiss, World War II really started around 1944, when Allied pressure began to be fully exerted on the Neutrals. The price Switzerland had to pay for ensuring its entry in the new Atlantic order, the 250 million Francs that had been settled on during the 1946 Washington Agreement regarding Swiss gold transactions with the Nazis, was not too high.

Indeed, Swiss capital stock abroad was already estimated at 10 to 17 billion SFr. before 1939, a sum equal to three times the Swiss GNP. Considered in 1941 as Switzerland’s « colonial possessions, » these monies were vital and were fiercely defended through a parallel strategy of public and private diplomacy (p. 164). Perrenoud underscores not only the collaborative efforts, but also the dissent and conflicts between banking, state, and industrial elites that shared the aim of securing and developing Switzerland’s autonomy on the global financial stage. Perrenoud’s description of this « polycratic power system » is often fascinating and his mastery of sources reveals truly eye-opening episodes to the reader (p. 466). For example, confidential diplomatic letters written in December 1937 reveal that the Swiss Bankers’ Association gathered and distributed around 1 million SFr. (8 million SFr. in 2011 terms) to key French notables, thus smoothing tricky fiscal negotiations that were underway at the time between Swiss and French authorities (p. 213). The study also underscores how Swiss bankers and diplomats used to their advantage their close links with institutions such as the Bank of International Settlements, founded in Basel during the interwar period.

Perrenoud is undoubtedly one of the finest connaisseurs of Swiss economic and financial history. His authority on the subject derives in no small part from his long-term contribution to two major research undertakings. Since the early 1980s, Perrenoud has much contributed to the development of the multiple-volume edition of the Diplomatic Documents of Switzerland (DDS). Besides his deep knowledge of the DDS – which are available online (with additional supplements, see www.dodis.ch) and have become a renowned benchmark for similar editorial projects abroad – Perrenoud was also a leading researcher in the Independent Commission of Experts (ICE) set up from 1997 to 2001 by the Swiss Federal Council with the mission to analyze the economic and financial relations between Switzerland and the Third Reich, as well as Switzerland’s dealings with Jewish refugees trying to flee Nazi extermination policies. Also known as the Bergier Commission (from the name of its president), the ICE has published two dozen studies, totaling over 10’000 pages, that explore issues ranging from alpine transport to gold transactions, in passing with insurance and banking operations, clearing and trade, shadowy financial practices such as the camouflaging of German financial operations, as well as asylum and refugees issues. Ten years after the publication of the final report of the Bergier Commission (available in English on www.uek.ch), Perrenoud’s intention was not to deliver a final synthesis but rather to build bridges between the DDS collections and the numerous ICE studies, as well as weave together the various threads elaborated by recent analyses of the international operations of the Swiss financial place.

This is no book for the neophyte. Despite its strict chronological structure, clear narrative style, as well as its invaluable indexes, Perrenoud’s study may be sometimes hard to navigate for those unfamiliar with the intricacies of Swiss banking. However, the overall result is truly impressive, and a tenacious reader will come out of the book with a clearer sense of how, despite the many odds, the Swiss financial center was able to secure its strong postwar position. In addition, thanks to countless links to DDS documents and ICE studies, Perrenoud’s book is a genuine invitation for further explorations in Swiss financial history.

Matthieu Leimgruber, Business History Review, Vol. 87/2, Summer 2013, pp. 374-376

Dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains no.3/2012 (n° 247)

Un compte rendu de l’ouvrage publié par André Nouschi est obtenable à cette adresse: www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2012-3-page-127.htm. (pp.127-144)

Les derniers jours de la désobéissance statistique

Deux banques privées de Genève changent de culture et se plient, par souci de sécurité, aux règles de dévoilement des comptes qui vont avec leur choix de nouvelle structure d’entreprise. Une page d’histoire est tournée

Entrant dans une nouvelle organisation des pouvoirs et des responsabilités, les deux banques privées genevoises Lombard Odier et Pictet vont maintenant publier leurs comptes. C’est une révolution culturelle. Exposées à des risques incomparables à ceux du passé, elles cherchent à s’en protéger et consentent, pour ce faire, à une transparence qu’elles ont toujours vilipendée comme poison de la civilisation bancaire.

La banque privée est l’ennemie historique de la statistique. En 1900, l’annuaire suisse, qui en est à sa 10e édition, publie un grand nombre de données sur l’industrie, le commerce et les assurances. Les affaires des banques ne sont mentionnées que pour les 35 d’entre elles qui ont des droits d’émission, et qui sont placées sous la surveillance d’un inspectoratat autorisé à compiler les informations. Sur les autres, silence. L’annuaire 1910 n’est pas plus bavard. On sait presque tout sur la pêche en rivière et les institutions d’accueil des déficients mentaux, mais sur l’industrie bancaire, presque rien. Elle est pourtant, dans ces années-là, une puissance. Des économistes ont calculé qu’en 1913, elle est le plus gros exportateur de capitaux par tête d’habitant, devant la Grande-Bretagne. Les recettes se montent à 365 millions de francs, soit entre 7 et 8% du revenu national brut. En outre, les banques se sont fait une spécialité de la garde et de la gestion des titres, activité « fondée sur un territoire politiquement neutre et placé sous la protection d’une législation favorable aux sociétés de trust », selon la formule de l’industriel allemand Emil Rathenau, qui a domicilié son Elektrobank à Zurich dès 1898.

La Banque nationale, fondée en 1907, a beau réclamer des informations sur les mouvements de capitaux, elle n’est pas entendue. L’entrée en vigueur, en 1935, de la loi sur les banques, lui permet de recueillir des données tirées des bilans, mais à titre confidentiel. Cette année-là, raconte l’historien Marc Perrenoud, les membres de la Société suisse de statistique proposent qu’une enquête soit organisée en Suisse, sur le modèle des tableaux de la Société des Nations, pour établir avec précision la balance des revenus. L’Association suisse des banquiers s’y oppose. En 1938, le Département de l’économie en est encore à devoir « estimer » le montant des exportations suisses de capitaux, 7 à 8 milliards selon lui, avec des revenus avoisinant le demi-milliard, somme colossale pour l’époque. Est-il en deçà? Au-delà?

Marc Perrenoud relate une nouvelle tentative de la BNS, en 1938, d’obtenir des données. Réponse du Groupement des banquiers genevois: « Nous sommes convaincus […] par la longue expérience que nous avons de notre métier, que l’intérêt de posséder des renseignements statistiques n’est pas proportionné aux dangers qu’une telle enquête […] ferait courir non seulement à nos banques, mais à une grande partie de l’économie suisse. […] Nous sommes persuadés que l’on connaîtra immédiatement à l’étranger cette enquête et ses résultats. Certains gouvernements n’hésiteront pas à en exiger la communication à l’occasion de négociations internationales. Etant donné l’importance considérable de ces capitaux, cela soulèvera infailliblement des demandes et des appétits auxquels la Suisse ne saura ou ne pourra peut-être pas résister. » Et les banquiers genevois de relever les risques que de telles « indiscrétions » pourraient faire encourir aux déposants de l’Allemagne nazie ou de l’Italie fasciste. L’Association suisse des banquiers réagit dans les mêmes termes.

L’immédiat après-guerre met à mal cette culture du secret. Les Alliés veulent savoir ce qu’il y a dans les coffres suisses. Sous la pression, la BNS propose une enquête sur le montant des avoirs français en Suisse. Le projet en est abandonné à la suite d’une démarche d’Albert Pictet.

La question des avoirs allemands est plus compliquée. Les Etats-Unis exigent des noms et des chiffres. Les banquiers acceptent de fournir les informations sous forme d’affidavits émis par eux-mêmes. Les Américains n’ont pas confiance. Berne suggère de faire authentifier ces affidavits par l’Office suisse de compensation, organisme semi-public. Haut-le-cœur des banquiers. Albert Pictet met en garde: « Les Américains cherchent à tirer profit de la situation créée par l’existence probable en Suisse de biens spoliés pour intensifier leur espionnage économique. Nous avons affaire à des concurrents d’importance, qui cherchent à s’approprier le marché financier suisse pour leur profit. » Des arrangements sont néanmoins trouvés. Le grand accord, signé en 1946 à Washington, règle le contentieux de la guerre entre les Etats-Unis et la Suisse. Le secret des affaires est préservé.

Ce n’est qu’en 1971, et plus clairement en 1978, que la BNS acquiert un droit explicite de collecte d’informations bancaires. Et qu’en 2004, pour la première fois, elle obtient une base légale uniforme pour son activité statistique, publique.

Si les banques suisses gardent encore le secret des noms de leurs clients (et encore, sans garantie), elles ont peu à peu abandonné le secret des chiffres. (De presque tous les chiffres, si l’on considère la surprise de la BNS face à la situation catastrophique d’UBS en 2008). A Genève, une nouvelle génération de Pictet et de Lombard se coule dans le mouvement. La désobéissance statistique n’est plus un moyen de sécurité familiale. Alors ciao! La transparence ira aussi.

Joëlle Kuntz, Le Temps, 8 février 2013

Dans Bankhistorisches Archiv

Die wechselwirkungen zwischen dem Geschehen am Finanzplatz Schweiz und der Gestaltung der eidgenössischen Außenbeziehungen in der Zeit seit dem Ausbruch des zweiten Weltkriegs bis zum Beginn des Kalten Krieges hat Marc Perrenoud, Historiker am Eidgenössischen Departement für Auswärtige Angelegenheiten in Bern, in seiner im Jahr 2008 an der Universität Genf angenommenen und drei Jahre später veröffentlichten Dissertation untersucht. Die Studie bietet mehr als nur eine solide und kenntnisreiche Zusammenschau der schon zuvor publizierten Untersuchungsergebnisse der « Unabhängigen Expertenkommission Schweiz – Zweiter Weltkrieg » (« Bergier-Kommission ») sowie der Forschungsgruppe « Die Diplomatischen Dokumente der Schweiz » (DDS), an denen Perrenoud selbst als wissenschaftlicher Berater beziehungsweise Mitarbeiter beteiligt war. Perrenoud setzt zwar bei den Resultaten an, die schon aus den Projektveröffentlichungen bekannt sind, geht aber darüber hinaus und richtet den Blick auf die zuvor noch nicht detailliert untersuchten Beziehungen zwischen Finanzwirtschaft und Diplomatie. Diese engen Verbindungen hatten, so der Autor, unter anderem weitreichende Konsequenzen für den Verlauf des Krieges, denn sie wurden, die weitere Eskalation der internationalen Lage billigend in Kauf nehmend, nicht zuletzt auch dazu genutzt, schweizer Banken die Möglichkeit zu eröffnen, auf allen seiten des Krieges Kredite zu vergeben. Das Beziehungsgeflecht der Entscheidungsträger aus Finanzwirtschaft und Politik und der sich mehr und mehr zur Routine verfestigende Rückzug der Eidgenossen darauf, dem Bankgeheimnis und der Neutralität verpflichtet zu sein, trugen dazu bei, die Finanztransaktionen sowohl mit den Achsenmächten als auch den Alliierten zu vertuschen. Als in den Jahren 1944-46 der Druck der Alliierten zunahm, die Finanzbeziehungen zu Deutschland abzubrechen, waren es abermals erfolgreiche Interventionen der Politik, die eine internationale Isolation der Schweiz verhinderten und das Fortbestehen der Geschäftsbeziehungen ermöglichten.

Franck Dreisch, Bankhistorischen Archivs, Band 38, Heft 2, 2012, p. 193

 

Marc Perrenoud « les Américains appliquent la loi sans états d’âme »

Les attaques américaines contre les banques suisses et le secret bancaire ne datent pas d’hier, explique l’historien Marc Perrenoud. Il faut remonter aux années 1930.

Les relations entre la place financière suisse et les USA n’ont jamais été un long fleuve tranquille. C’est ce que démontre Marc Perrenoud dans Banquiers et diplomates suisses (1938-1946), un passionnant ouvrage – sa thèse de doctorat en fait – qui s’appuie sur des documents inédits trouvés à Berne, à Zurich dans les archives de la Banque nationale et aux Archives d’histoire contemporaine, ainsi que dans les archives de la Banque des règlements internationaux à Bâle. Interview de l’ancien conseiller scientifique de la Commission Bergier (1997-2001) qui travaille à la publication des Documents diplomatiques suisses (dodis.ch).

Le spécialiste en histoire bancaire que vous êtes n’a pas l’air surpris des démêlés actuels de la place financière suisse avec les autorités judiciaires américaines…

Pas vraiment. Depuis la fin des années 1930, les relations entre les banquiers suisses et Washington sont difficiles, essentiellement à cause des questions de l’évasion fiscale et du secret bancaire.

Les premières passes d’armes remontent d’ailleurs aux années 1930, écrivez-vous dans votre thèse de doctorat.

Et cela ne doit rien au hasard. Depuis la Première Guerre mondiale, nos établissements financiers défendent leurs propres intérêts à l’abri de la neutralité et des conflits. La Suisse a tout pour plaire: stabilité politique, bases solides de son organisation économique, financière, technique et juridique, ferme politique monétaire, respect de la propriété privée, mais aussi son secret bancaire, renforcé par la loi en 1934. Pour faire court, les banques suisses inspirent confiance et, durant l’entre-deux-guerres, l’argent afflue, notamment de France au moment du Front populaire (coalition de partis de gauche qui gouverne de 1936 à 1938, ndlr).

Les nazis ont donc raison en 1938 quand ils décrivent la Suisse comme le réservoir financier de l’Europe.

Bien sûr. Et dès le début de la guerre, les belligérants, notamment les Allemands, comprennent très bien qu’il faut ménager la Suisse. Elle peut offrir de multiples prestations, dont les crédits de clearing, qu’un pays envahi serait incapable d’accorder.

Et les Américains dans l’affaire?

Dès les années 1930, les banques suisses placent une grande partie de leurs avoirs et ceux de leurs clients à l’étranger, aux Etats-Unis essentiellement.

Pourquoi?

Depuis 1931, l’économie allemande subit en effet une crise bancaire qui limite considérablement les possibilités d’y développer des affaires fructueuses. Le dépôt d’or de la Banque nationale à New York, qui s’élève à 701 millions de francs en septembre 1938, va ainsi augmenter de manière exponentielle. En quelques années, notre pays y devient même le deuxième importateur de capitaux aux USA. Or, dès 1938, les autorités américaines se demandent d’où vient cet afflux exponentiel. Et leurs enquêteurs commencent à se frotter au secret bancaire helvétique. Cette pression ne se relâchera pas durant la guerre, les USA redoutant que notre pays ne serve de plateforme pour camoufler les avoirs de leurs ennemis et pour transférer les biens pillés. Dès 1943, les Alliés menacent de mettre sur leurs listes noires des banques collaborant avec l’Axe. Ils pratiquent alors une guerre économique qui oblige nos banquiers et nos diplomates à réagir.

Après la guerre, les Alliés, Américains en tête, exigeront aussi des comptes sur l’or volé par les nazis dans les pays occupés…

Raison pour laquelle la Suisse conclut l’Accord de Washington le 25 mai 1946 par lequel elle s’engage à verser 250 millions de francs pour solde de tout compte sur ses transactions en or « volé ». C’est en gros une amende qui permet à la place financière de s’intégrer dans le nouvel ordre mondial sans atteinte au secret bancaire.

Un « miracle diplomatique », estime le professeur William Rappard qui conseille la délégation suisse. Mais il ajoute aussi que « l’avenir dira si les millions d’économies n’auront pas été trop chèrement payés en bienveillance par la partie adverse, qui se défend difficilement de la sensation d’avoir été roulée ». Prophétique non?

Une grande partie des dirigeants des banques suisses de l’époque éprouvent des difficultés à comprendre que les Américains sont beaucoup plus incisifs que les braves fonctionnaires suisses. Les Américains ont derrière eux une tradition d’investigation énergique dans la sphère privée. Et surtout, ils appliquent la loi sans états d’âme. C’est un choc pour les banquiers suisses qui parlent de socialisme d’Etat…

Pourquoi les Américains lâchent-ils la pression en 1946?

C’est le début de la guerre froide. Ils ménagent désormais la Suisse qui a joué la montre dans ces négociations parce que ses usines et ses banques intactes dans une Europe dévastée leur sont utiles.

Or les Américains reviendront à la charge après la chute du mur de Berlin en 1989…

Très rapidement après la fin de la guerre froide, la bienveillance des Américains à l’égard de la Suisse s’étiole. On retrouve la même intransigeance que durant les années 1940. Ce sera l’affaire des fonds en déshérence.

Une intransigeance qui ne doit rien à celle des milieux bancaires suisses prêts à tout pour défendre le secret bancaire. Vous révélez notamment que, en 1937, les Associations des banquiers suisses, des banquiers genevois ainsi que le Crédit Suisse, notamment, ont versé un million de francs à des élus français pour qu’ils acceptent un accord de double imposition favorable à notre pays…

Tout est permis pour défendre le secret bancaire. Même la corruption ou le mensonge. Les banquiers vont jusqu’à occulter la réalité de l’afflux financier dans leurs coffres en livrant de fausses statistiques à la Confédération.

Rétrospectivement, la Confédération est-elle trop faible pour contrôler ses banques?

Les autorités politiques, animées par des convictions libérales et conservatrices, n’acceptent qu’avec réticence les interventions étatiques dans les affaires des banques. Et au final, ce sont souvent les pressions internationales qui provoquent les décisions du Conseil fédéral. Par exemple, les informations communiquées par les Alliés amènent les diplomates à se renseigner sur des transactions financières qui échappaient auparavant à leur connaissance. Pendant la guerre, l’Etat accepte d’assumer des risques politiques et économiques, tandis que les milieux bancaires contribuent au financement des dépenses fédérales. Ils peuvent ainsi placer des capitaux à court terme sans assumer directement les risques liés à la guerre. Quand les menaces extérieures s’atténuent, la Confédération réduit ses activités d’autant que sa dette est passée de 2750 millions de francs en 1938 à 11490 millions en 1946. Du jamais vu qui place les autorités politiques dans une relation de dépendance accrue vis-à-vis de leurs banquiers. Comme le déclare en janvier 1945 le chef de la section chargée de combattre le marché noir, « les banques savent toujours tirer leur épingle du jeu ».

Sauf dans le cas des fonds en déshérence…

En 1946, les diplomates avaient pourtant accepté les demandes des Alliés d’examiner « avec bienveillance » les problèmes posés par les avoirs déposés en Suisse par des victimes des nazis. Par la suite, les projets de mesures gouvernementales ont été combattus par l’Association suisse des banquiers. En août 1947, son secrétaire général a parlé de « mesures stupides » pour justifier son veto. Les autorités fédérales n’ont pas voulu s’opposer aux banquiers sur ce problème qui est devenu de plus en plus compliqué au fil des décennies.

Reste que sans la pression internationale, la Suisse n’aurait probablement pas réglé cette question…

Les banquiers ont pensé que la question des avoirs en déshérence était comme un cheval de Troie devant la muraille du secret bancaire. Cette incompréhension de l’ampleur des crimes commis par le IIIe Reich résulte de ce que j’appelle une helvétisation de la place financière suisse. Vivant dans un réduit national culturel, de nombreux banquiers ne saisissent pas la gravité des drames humains et sous-estiment une série de problèmes engendrés par les crimes nazis qui ont provoqué une rupture de la normalité.

Mais cela ne les empêche pas d’utiliser le nazisme et surtout le génocide juif pour justifier l’existence du secret bancaire…

Dès 1958, les banquiers suisses commencent à raconter aux Américains qu’ils ont créé le secret bancaire pour protéger les avoirs des Juifs persécutés par les nazis. C’est une légende qu’on fait passer dès les années 1960 pour la “vérité“. Et cette mémoire historique instrumentalisée est devenue avec le temps un mythe, un tabou même, qui empêche l’élaboration de statistiques précises sur les activités de la place financière et qui entrave la connaissance par les autorités de la situation réelle des banques. Voilà aussi ce qui a favorisé de nombreuses légendes sur l’histoire des banques suisses.

Comme si la défense des banques est une composante de l’ADN helvétique…

Effectivement. Durant mes recherches, je me suis rendu compte que les diplomates, les hauts fonctionnaires, les hommes politiques, les journalistes et les universitaires ont tous contribué de près ou de loin à la défense des banques. Avec le temps, elles deviennent un élément consensuel de l’identité nationale de la Confédération.

Vous écrivez qu’une porte s’est ouverte durant 5 ans sur les archives bancaires privées, durant la période de la commission Bergier. Une parenthèse enchantée?

En décembre 1996, l’Assemblée fédérale a décidé que les membres et les collaborateurs de la Commission Bergier étaient autorisés à consulter les archives privées sans que le secret des affaires ne soit un obstacle. Ainsi, de 1997 à 2001, des investigations dans les archives bancaires ont permis de découvrir des informations sur des faits qui échappaient à la connaissance de l’immense majorité de la population. En ouvrant ces archives privées et en finançant nos recherches, les autorités fédérales ont permis la publication d’analyses novatrices qui élargissent et précisent considérablement les connaissances sur cette période compliquée. On doit regretter que ce ne fût qu’une parenthèse.

Est-ce à dire que ces archives sont de nouveau fermées?

Dès janvier 2002, des archives privées ont de nouveau été fermées. Or, les publications de la Commission Bergier ont fait apparaître des pans entiers de l’histoire suisse jusqu’alors méconnus. C’est comme la partie immergée de l’iceberg. Le mandat de la Commission Bergier était limité dans le temps et sur des aspects définis des relations économiques internationales de la Suisse. Il faudrait encore pouvoir étudier d’autres dimensions de l’histoire de la Suisse et des Suisses.

Est-ce que la Confédération doit intervenir?

Si les milieux bancaires refusent d’ouvrir les archives privées, il faudrait une décision étatique. Il serait nécessaire de pouvoir approfondir et compléter nos premières analyses.

Ceci dit, de manière générale, la question de l’histoire bancaire helvétique n’attire pas les foules des historiens. Pourquoi?

L’histoire bancaire exige non seulement de consulter des archives mais aussi des analyses approfondies. Ces recherches semblent fastidieuses et réservées à des spécialistes qui maîtrisent les techniques bancaires. Et il faut bien avouer qu’avec le système de Bologne, les universitaires sont désormais soumis à la pression des délais. Il peut sembler plus rapide et plus sûr de choisir des sujets plus faciles à traiter et à cerner que les problèmes économiques et financiers. Or, l’histoire des banques est trop importante pour la laisser seulement aux banquiers.

Est-ce que les Suisses ont peur de leur passé?

Comme les autres peuples, les Suisses ont traversé la Seconde Guerre mondiale comme une période angoissante et traumatisante, même si la Confédération n’a pas été envahie et n’a pas subi les ravages de la guerre. Après 1945, en Suisse comme ailleurs, des visions rétrospectives ont été diffusées afin de conforter les peuples dans leurs certitudes. En Suisse, le consensus général a contribué à rendre plus difficiles d’autres analyses, notamment les études basées sur les archives qui font apparaître des informations inconnues de l’immense majorité de la population.

Patrick Vallélian, l’Hebdo, 8 février 2012

Sur Perspectivia.net

Der schweizerische Finanzplatz, von dem heute viel die Rede ist, hat eine lange, aber leider nur schlecht aufgearbeitete Geschichte. Schon in der Zeit vor dem Ersten Weltkrieg erreichten die Auslandsguthaben der Schweiz eine Summe, die zwei- bis dreimal höher als das Bruttosozialprodukt war. Gleichzeitig kamen, um den Fiskalabgaben zu entgehen, vermehrt ausländische Guthaben in die Schweiz. Zum Schutze und zur Beförderung dieser internationalen Finanzverflechtungen entwickelte sich ab dem Ersten Weltkrieg eine enge, gelegentlich auch konfliktbeladene Zusammenarbeit zwischen Regierung und Banken. Perrenouds Genfer Dissertation greift diese Problematik auf und gibt eine profunde und materialreiche, auf die Zeit des Zweiten Weltkrieg fokussierte Analyse. Der Autor, Mitarbeiter der Diplomatischen Dokumente der Schweiz und von 1997 bis 2001 Mitglied der Unabhängigen Expertenkommission Schweiz-Zweiter Weltkrieg (UEK, auch Bergier-Kommission genannt), ist einer der besten Kenner dieser Materie.

Wie wichtig der Finanzplatz für die Außenbeziehungen während des Zweiten Weltkriegs war, mögen zwei kurze Zitate illustrieren. Die Schweiz sei, meinte 1942 der italienische Außenminister, « l’unico nostro banchiere » (S.329), und die deutsche Botschaft in Bern bezeichnete im selben Jahr die Schweiz als « Gold- und Devisenwechselstube des Reiches » (S.365). Um die Bedeutung dieser Rolle auch quantitativ zu erfassen, gibt Perrenoud–nach einem einführenden Kapitel zu Forschungslage–eine nach Ländern organisierte Übersicht der schweizerischen Finanzbeziehungen. Er zeigt dabei auch auf, wie sich die nicht immer harmonische Zusammenarbeit zwischen den Banken, der Schweizerischen Bankiersvereinigung (gegründet 1912), den Bundesbehörden und dem Politischen Departement (zuständig für die Außenpolitik) entwickelte.

Die finanziellen Dienstleistungen der Schweiz wurden in dieser Konstellation eine wichtige Waffe, die in der Krise der 1930er-Jahre und während des Zweiten Weltkriegs mit Erfolg eingesetzt wurde. Anhand der Verhandlungen zum Kompensationsabkommen mit dem Dritten Reich (Kap.4) zeigt Perrenoud auf, wie die Politik den Banken Rückhalt verschaffte. Dass die Schweiz damals ihre Finanz- und Handelsinteressen einigermaßen zu bewahren vermochte, lag allerdings nicht zuletzt auch daran, dass sie sich der deutschen Expansionspolitik kritiklos anpasste. Der Anschluss Österreichs wurde im Milieu des Finanzsektors begrüßt und die Protektorate Mähren und Böhmen ohne viel Aufhebens in die deutsch-schweizerischen Abkommen integriert. Schon 1938 stellte der deutsche Unterhändler Johannes Hemmen–im Kriege dann der wichtigste Verhandlungspartner–fest, die Schweiz bilde « das finanzielle Reservoir Europas » (S.199). Die Beziehungen zu Frankreich (Kap.5) hingegen waren geprägt durch die leidige Frage der Steuerhinterziehung der vermögenden Franzosen, die beträchtliche Summen in Schweizer Banken platziert hatten. Gleichzeitig vergab die Schweiz umfangreiche Kredite nach Frankreich. Doch die Beziehungen blieben wegen der Steuerhinterziehung und Bestechungsaffären angespannt. Auch das Doppelbesteuerungsabkommen von 1938 vermochte die Lage nicht zu entschärfen.

Zu Beginn des Zweiten Weltkrieges schuf die Regierung die notwendigen Rahmenbedingungen, die der Wirtschaft und den Banken erlaubten, sich in die Kriegswirtschaft des Auslandes einzuklinken. Da nach dem Fall Frankreichs eine rasche Anpassung an die Forderungen des Dritten Reiches erforderlich war, übernahm die Politik vorerst die Führung. Es gelang ihr, am 9. August 1940 einen Handelsvertrag mit Deutschland zu unterzeichnen, wobei zugleich ein Clearingkredit gewährt wurde, der am Ende des Krieges 1,1 Milliarden Franken (ein Zehntel des schweizerischen Bruttosozialproduktes) betrug. Hinzu kam dann noch der Goldhandel, der dem Dritten Reich erlaubte, Raubgold gegen frei konvertierbare Devisen auszutauschen (77% des von der Reichsbank verschobenen Goldes übernahm die schweizerische Nationalbank). Perrenoud stellt nun diese zentralen Momente in den Rahmen der gesamten Außenpolitik, wobei er detailliert aufzeigt, wie sich die komplexe und gelegentlich wirre Zusammenarbeit von Bundesrat, Nationalbank und Finanzplatz entwickelte (Kap.7). Obwohl insbesondere die wirtschaftlichen und finanziellen Beziehungen zum Dritten Reich und zu Italien in den Publikationen der UEK schon ausführlich behandelt worden sind, finden sich in den Analysen von Perrenoud zahlreiche Details, die die subtile Strategie der Schweizer Protagonisten vorzüglich erhellen.

In den folgenden Kapiteln 8 und 9 geht der Autor auch auf die Beziehungen zu den Alliierten ein. Nachdem man sich anfänglich in der Schweiz wenig um die Anliegen der Engländer und Amerikaner gekümmert hatte, musste man sich dann ab 1943 zusehends dem immer intensiver werdenden Druck dieser Seite beugen. Auch in diesem Bereich spielten die finanziellen Beziehungen eine zentrale Rolle. Die vorliegende Studie zeigt eindringlich, wie sich die schweizerische Außenpolitik den neuen machtpolitischen Konstellationen–wenn gelegentlich auch nur mit zögerlichen Schritten–anzupassen vermochte. Dabei gelang es dem Finanzplatz, sich eine für die Entwicklung der Nachkriegszeit vorteilhafte Position aufzubauen. So sah sich die Schweiz insgesamt, wie ein Zirkular des Politischen Departements aus dem Jahre 1946 festhielt (S.172), gut für die Zukunft gerüstet. « Die Schweiz », wird hier betont, « befindet sich glücklicherweise in einer privilegierten Position: Sie ist von Zerstörungen verschont geblieben und der Produktionsapparat ist intakt; ihr Bankensystem ist gut entwickelt, und der Kapitalmarkt verfügt über ein beträchtliches Potential; die öffentlichen Finanzen sind intakt, und die Währung hat eine gesunde und solide Basis ».

Wie schon eingangs erwähnt ist die hier angesprochene Thematik auch ausführlich in den Publikationen der UEK, sowie in weiteren, in den letzten Jahren veröffentlichten Studien zu finden. Dennoch bringt Perrenouds Darstellung neue, nicht unwesentliche Aspekte. Sie zeigt mit vielen Details das komplexe politische und diplomatische Spiel, in dem sich der Finanzplatz zu behaupten hatte. Man sieht aber auch, dass diese erfolgreiche Politik mit bedenklichen moralischen und politischen Hypotheken belastet war. Diese kenntlich gemacht zu haben, ist zweifellos auch ein Verdienst von Marc Perrenouds Studie.

Hans-Ulrich Jost, Perspectivia.net, Publikationsplattform für die Geisteswissenschaften, 2/2012

 

Dans la Revue suisse d’histoire

Marc Perrenoud ist zweifellos einer der besten Kenner der Quellen des Bun­des der 1930er und 1940er Jahre und der Finanzgeschichte in diesem Zeitraum. Als Mitarbeiter der « Diplomatischen Dokumente der Schweiz » (DDS) war er an der Auswahl und der Herausgabe der Quellen für die Bände, die den Zeitraum 1939 bis 1946 abdecken, mitbeteiligt. Später, als wissenschaftlicher Berater der Unabhängigen Expertenkommission Schweiz – Zweiter Weltkrieg (UEK), zeichnete er als Mitverfasser zweier Studien der UEK und als Leiter der Untersuchungen der Kommission über den Finanzplatz Schweiz und die Beziehungen der Schweiz zu Frankreich während des Zweiten Weltkriegs verantwortlich. Entsprechend hoch sind die Erwartungen an die hier zu besprechende Dissertation Perrenouds, die unter der Leitung von Jean-­Claude Favez und Antoine Fleury entstanden ist und mit der höchsten Auszeichnung der Universität Genf bedacht worden ist.

Es ist in der Tat beeindruckend, wie Perrenoud bei der Präsentation von Quellen aus dem Vollen schöpfen kann. So berücksichtigt er neben den Bestän­den des Bundesarchivs auch diej enigen der Schweizerischen Nationalbank (SNB), der Bank für Internationalen Zahlungsausgleich (BIZ), des Archivs für Zeitgeschichte und der Universität Basel (Tagebuch von Per Jacobsson). Die Akteure und ihre Positionen werden durch die sprechenden Quellenzitate sehr plastisch. In einem ersten Kapitel zeigt Perrenoud die beträchtlichen finanziellen Verflechtungen der Schweiz mit dem Ausland anhand zeitgenössischer Quellen auf. Da die Banken den Behörden aus Angst vor den ausländischen und den eigenen Steuerbehörden möglichst wenige Informationen zukommen liessen – ein wiederkehrendes Thema in der Monografie -, sind nur grobe Schätzungen aufgrund zeitgenössischer Angaben möglich, die Perrenoud für eine Reihe von Ländern präsentiert. Für den Zeitraum 1938 bis 1946 bewegen sich die Schätzun­gen für die schweizerischen Direktinvestitionen zwischen 7,5 Mrd. und 21,6 Mrd. Franken. Die Aktiven der Banken im Ausland machten 1938 schätzungsweise rund 1,5 Mrd. und 1945 1,2 Mrd. Franken aus. Bedeutend umfangreicher war das ausländische Kapital, das in der Schweiz investiert war. Ab den 1930er Jahren waren die USA der wichtigste Markt für die Banken, dies im Unterschied zur  Industrie, die noch stärker dem alten Kontinent verhaftet blieb.

Es ist klar, dass diese bedeutenden Vermögenswerte der Schweiz im Ausland in einer Zeit, die durch Devisenbewirtschaftung und wirtschaftliche Kriegsfüh­rung gekennzeichnet war, durch Blockierungen, Nationalisierungen und andere Massnahmen gefährdet waren. Gleichzeitig waren die Finanzkraft der Schweiz und insbesondere der im zwischenstaatlichen Verkehr in Gold konvertible Schweizer Franken sehr begehrt. Aus dieser Konstellation ergab sich im Hinblick auf die Wirtschaftsverhandlungen mit den Achsenmächten und den Alliierten zwangsläufig ein grosser Koordinationsbedarf zwischen den Bankiers und den Diplomaten der Schweiz, wobei die Interessenlagen nicht immer kongruent waren. So mussten die Diplomaten, beziehungsweise die Behörden auch die Bedürfnisse anderer Branchen, insbesondere die der Exportindustrie, die öffent­liche Meinung und die sich im Kriegsverlauf ändernde geopolitische Situation berücksichtigen. Schliesslich waren die Beziehungen auch von einzelnen Akteuren geprägt, wie beispielsweise von Walter Stucki, dessen Persönlichkeit und Wirken Perrenoud besonders hervorhebt.

Den in der Kriegszeit weitläufigen Berührungspunkten zwischen den finan­ziellen und staatlichen Interessen und ihrer Regelung gilt das Hauptinteresse der Dissertation. Im Unterschied zu den bisherigen Untersuchungen, die in der Regel bilateral ausgerichtet sind, versucht Perrenoud, eine umfassende Sicht zu prä­sentieren. Behandelt werden so unterschiedliche und vielfältige Themen wie das
Verhältnis von Neutralität und Finanztransaktionen, die Kreditvergabe an krieg­führende Länder, die Blockierung der französischen Vermögenswerte in der Schweiz, die Beziehungen zwischen der SNB, der deutschen Reichsbank und der BIZ, die Bedeutung der Finanzgeschäfte für das nationalsozialistische Deutsch­land (Clearing­-Kredite, Goldtransaktionen, Tarngeschäfte, Arisierungen), die wirtschaftlichen Beziehungen mit Vichy-­Frankreich und die Reaktion der Be­hörden und der Banken auf den Druck der Amerikaner und der Briten, die finan­ziellen Transaktionen mit dem Dritten Reich einzuschränken (schwarze Listen, Blockade der schweizerischen Vermögenswerte in den USA). Perrenoud betont dabei die Wichtigkeit der wirtschaftlichen Leistungen der Schweiz für Deutsch­land; deutlich wird auch, dass die Verhandlungen der Schweiz mit dem Ausland teilweise schlecht koordiniert waren. So waren die Banken nicht bereit, den Be­hörden volle Auskunft über ihre Geschäfte zu geben, und verfolgten ihre Interessen teilweise auf eigene Faust, während die SNB ihre Politik möglichst unab­hängig betreiben wollte und die Goldgeschäfte nicht in die Verhandlungen mit Deutschland einfliessen liess. Auch die verschiedenen Stellen beim Bund hatten nicht immer die gleiche Agenda. Perrenoud prägt in diesem Zusammenhang den Begriff des système polycratique helvétique.

Auch wenn Perrenoud dies nicht explizit schreibt, so lässt sich doch der Schluss ziehen, dass die Behörden zwar auf die Interessen der Banken Rücksicht genommen haben und ihnen auch immer wieder weit entgegengekommen sind, aber die Politik letztlich unabhängig blieb und auch Entscheide traf, welche die Interessen der Finanzwirtschaft empfindlich berührten. Dies war bei der Aus­gestaltung des Clearings mit Deutschland der Fall, die unter der Devise « Arbeit geht vor Kapital » stand, bei der Blockade der französischen Vermögenswerte in der Schweiz und bei den Verhandlungen mit den Alliierten am Ende des Kriegs und kurz danach (Currie­-Abkommen, Washingtoner Abkommen). Hier wurden die Bankenvertreter, die sich in den Augen der Alliierten zu stark kompromit­tiert hatten, bei der Zusammensetzung der Schweizer Delegation nicht berücksichtigt. Trotz des alliierten Drucks gelang es den Banken während des Kriegs, – nicht zuletzt wegen des konvertiblen Frankens – neue Märkte zu erobern und ihre Position als Kapitaldrehscheibe zu festigen, eine Entwicklung, die von Perrenoud als double mouvement de mondialisation et d’helvétisation bezeichnet wird.

Die grosse Stärke der Untersuchung, die ausführliche Präsentation von auf­schlussreichem Quellenmaterial, ist gleichzeitig eine ihrer Schwächen, weil Per­renoud zu stark auf sein Material vertraut und den Leser bei der Interpretation oft allein lässt. Man würde sich wünschen, dass Perrenoud etwas weniger beschei­den wäre und dem Leser seine Meinung und Interpretation wissen liesse. Dazu gehörte auch ein gewisses Mass an fundierter Spekulation, denn die Quellen schweigen sich zuweilen auch zu zentralen Fragen aus. Neben zusätzlicher Ana­lyse und Kommentierung wäre hie und da auch eine stärkere Betonung des Kontexts nützlich gewesen. Beispielsweise werden die prekäre Situation der Banken nach der Krise in der ersten Hälfte der 1930er Jahre und die Währungs­ und Geldpolitik der SNB zu wenig deutlich herausgearbeitet.

Ein weiterer Kritikpunkt ist die mangelnde Einordnung in den Forschungs­stand. Seit den Pionierarbeiten in den 1970er und 1980er Jahren (Bourgeois, Durrer, Rings, Tanner, etc.) sind die umfangreichen Arbeiten der UEK und zahl­reiche weitere Monografien hinzugekommen, welche fast alle die von Perrenoud erörterten Sachverhalte auch behandeln. Es ist zu bedauern, dass Perrenoud es versäumt, dem Leser zu signalisieren, wo er in seinen Forschungen zu neuen Ergebnissen gekommen ist und inwiefern sie Anlass zu Neuinterpretationen geben. So erwähnt er beispielsweise die meines Wissens noch nicht bekannten engen Beziehungen zwischen Pilet­-Golaz und dem amerikanischen Präsidenten der BIZ (McKittrick), ohne aber den Bezug zur Aussenpolitik herzustellen. Es wäre sehr verdienstvoll gewesen, wenn er eine Bilanz des Forschungsstands ge­zogen und aufgezeigt hätte, wo nach all den Untersuchungen und Debatten heute Konsens herrscht, wo divergierende Interpretationen weiterbestehen und welche offenen Fragen der Klärung harren. Marc Perrenoud wäre hierzu prädestiniert, und es bleibt zu hoffen, dass er es an anderer Stelle nachholt. So ist das Werk vor allem aufschlussreich für die Spezialisten, die auf unzählige interessante und aufschlussreiche Zitate sowie weitere Fundstellen in den Fussnoten bei den DDS und den erwähnten Archiven stossen.

Patrick Halbeisen, Revue suisse d’histoire, Vol. 61, N°4, 2011, , pp.490-492

Banquiers et diplomates suisses dans un monde en guerre

L’historien Marc Perrenoud publie un imposant ouvrage sur les relations, faites de tensions et de complicité, entre banquiers et diplomates suisses durant la Seconde Guerre mondiale. Prolongement du travail colossal effectué en son temps par la Commission Bergier, cet ouvrage s’impose déjà comme un livre incontournable de l’histoire économique de la Suisse au 20e siècle.

Marc Perrenoud a été le conseiller scientifique mais surtout la cheville ouvrière de la Commission Bergier qui, entre 1997 et 2001, a mis à nu, sans complaisance, la nature et l’ampleur des relations économiques tissées entre la Suisse et l’Allemagne nazie. Près de dix ans après la publication des rapports de la Commission, Marc Perrenoud approfondit l’analyse des liens entre Place financière suisse et neutralité, ces deux piliers de l’identité helvétique dans ses relations internationales contemporaines.

La familiarité toute particulière de l’historien avec les Archives fédérales, ainsi qu’avec celles de la Banque nationale suisse, de la Banque des règlements internationaux et des Archives d’histoire contemporaine à Zurich lui permet d’entrer dans les coulisses où se jouent les relations entre banquiers et diplomates suisses. Dans cet ouvrage, Marc Perrenoud analyse le lien de dépendance croissante qui s’instaure entre la Confédération et les milieux financiers durant la guerre. La politique de guerre économique qui s’instaure entre les belligérants pousse les banquiers à recourir aux services des diplomates pour défendre leurs intérêts. C’est que les créances financières suisses dans le monde, « cette propriété coloniale », sont énormes étant donné le rôle de plaque tournante de capitaux que la place financière suisse était parvenue à s’arroger déjà dans l’entre deux guerres. Malgré le refus des banquiers de fournir les informations sur leurs activités, ce qui est source de fortes tensions, les diplomates s’attèlent à préserver les intérêts privés dans le monde. Ainsi la Confédération intervient de façon croissante sur les questions financières et, en octroyant d’importants crédits à l’Allemagne et à l’Italie, elle assume elle-même les risques financiers de telles transactions. De l’autre côté, les établissements bancaires contribuent dans une large mesure au financement des dépenses fédérales. La Confédération devient ainsi le principal débiteur des grandes banques. Ce ne sont pas moins de 26 emprunts à long terme qui sont mis en souscription publique durant la guerre. Sous cet effet, la dette publique de la Confédération passe de 2.7 milliards en 1938 à 11.5 milliards à la fin 1946. C’est à travers les relations de la Suisse avec les principaux belligérants que Marc Perrenoud analyse, avec finesse, l’origine, l’évolution et les conséquences de l’ »expansionnisme financier au profil discret » qui opère, de 1938 à 1946 un « double mouvement de mondialisation et d’helvétisation. »

Isabelle Lucas, Solidarités, N° 189 (10/06/2011), p. 18 .

Dans Le cartable de Clio

[Marc Perrenoud nous propose] un gros livre sur les banquiers et les diplomates suisses durant la Seconde Guerre mondiale qui rend compte de sa thèse de doctorat. Il porte sur une période qui va de 1938, avec l’Anschluss de l’Autriche et les débuts de l’économie de guerre, jusqu’en 1946, avec les Accords financiers de Washington entre la Suisse et les Alliés. L’auteur a été le conseiller scientifique de la Commission internationale d’experts Suisse-Seconde Guerre mondiale que Jean-François Bergier a présidée. Et cette étude est une sorte de prolongement de cette importante expérience scientifique dans la mesure où il ne répond évidemment pas aux mêmes questions. C’est un travail rigoureux, fondé sur un fastidieux dépouillement d’archives, des archives publiques et privées, des archives bancaires, financières et diplomatiques, une enquête dont il n’allait pas de soi de rendre compte. L’auteur y parvient par une écriture précise, rythmées par une série de citations fortes qui illustrent parfaitement son propos, et qui le concrétisent d’une manière bienvenue.

« On peut dire que sous un ciel de cendres, le dieu Dollar [évoqué dans une chanson par Gilles, en 1932] et les montagnes d’or s’élèvent tandis que les hommes crèvent de faim et que les machines fonctionnent pour alimenter la guerre mondiale menée avec des méthodes industrielles » (p.41). Il n’est en tout cas pas concevable d’écrire l’histoire de cette époque en portant son regard critique sur les élites helvétiques sans affronter les réalités matérielles et comptables d’une politique financière et industrielle qui s’étendait par nature bien au-delà des frontières d’un pays épargné par la guerre. Perrenoud cite d’ailleurs le conseiller fédéral Max Petitpierre qui déclare en 1948 ce qui valait sans doute déjà bien avant: « Notre statut de neutralité perpétuelle nous interdisant toute alliance politique et militaire, l’histoire de nos relations extérieures est, en somme, depuis près d’un siècle, celle de nos échanges commerciaux et financiers avec les autres pays » (p.20).

Cet ouvrage porte donc sur les deux piliers fondamentaux de la politique suisse vis-à-vis de l’étranger que sont la neutralité et le secret bancaire. Il s’intéresse ainsi par nécessité aux relations, parfois difficiles, entre les deux milieux qui les ont en charge, les diplomates et les banquiers, qui évoluent au sein de l’administration fédérale pour les uns, dans la sphère privée pour les autres. Ces deux catégories d’acteurs ne sont pas forcément faites pour s’entendre, et l’ouvrage porte en particulier sur la complexité de leurs relations.

Une histoire diplomatique et financière ne s’écrit pas sans évoquer ceux qui en sont les acteurs. Perrenoud en cite un certain nombre et nous propose une vingtaine de notices biographiques. Son travail rend particulièrement compte du rôle joué par Walter Stucki (1888-1963), un avocat bernois qui dirige la politique économique extérieure de la Confédération durant l’entre-deux-guerres avant d’être nommé ministre de Suisse à Paris, puis à Vichy. « Maréchaliste », Stucki demeure un ami loyal de Pétain, même s’il joue un rôle majeur de médiateur lors de la Libération de Vichy. Au lendemain de la guerre, il défend avec force le point de vue de la Suisse auprès des nouvelles instances internationales. Ainsi, son parcours est emblématique d’une recherche qui vise à analyser les relations spécifiques entre banquiers et diplomates « dans la défense d’intérêts qui ont constitué des enjeux et des atouts considérables […] pour la Suisse dans son ensemble durant ces années de profonds bouleversements à ses frontières et dans le monde » (p.53).

Dans ses conclusions, l’auteur évoque cinq tendances générales. Tout d’abord, l’économie suisse procède à une discrète mais impressionnante expansion financière. Cet essor relève en réalité d’un double mouvement de mondialisation et d’helvétisation par lequel la place financière suisse parvient à défendre ses propres intérêts sans mesurer l’ampleur des drames humains alentour. Dans ce contexte, les relations entre milieux diplomatiques et milieux d’affaires vont être assez difficiles, seules des activités de secours aux victimes les rapprochant vraiment. Il faut dire que cette politique financière est appliquée par un grand nombre d’acteurs, banques, assurances, holdings industrielles et autres sociétés financières, qui mènent l’auteur à évoquer un « système polycratique helvétique ». Enfin, les stratégies financières de ces acteurs, marquées par une accommodation décisive, se préoccupent de la défense d’intérêts pécuniaires plutôt que de considérations éthiques à propos d’un monde en pleine tourmente (pp.460-469).

Comme le précédent, cet ouvrage est donc à lire absolument. Quant à la question de la critique de l’attitude des élites suisses pendant la Seconde Guerre, elle reste décidément d’une très grande actualité.

Charles Heimberg, Le cartabe de Clio, N°11/2011

 

Compte rendu de Hans Ulrich Jost sur H-Soz-u-Kult

Zu Beginn des Jahres 1942 erklärte der italienische Außenminister, die Schweiz sei « l’unico nostro banchiere » (S.329), und die deutsche Botschaft in Bern hob in einem Telegramm vom 1. Juil desselben Jahres « die Rolle der Schweiz als Gold- und Devisenwechselstube des Reiches » (S.365) hervor. Wie die Schweiz zu dieser Position kam und wie dabei eine aus Bankiers, Spitzenbeamten und Nationalbankdirektoren gebildete Polykratie enstand, wird in dieser Genfer Dissertation aus dem Jahre 2008 dargestellt.

Der Autor Marc Perrenoud (geboren 1956) arbeitet seit den 1980er-Jahren für die Diplomatischen Dokumente der Schweiz1. Von 1997 bis 2001 war er zudem leitender Mitarbeiter der vom Bundesrat eingesetzten Unabhängigen Expertenkommission Schweiz-Zweiter Weltkrieg (UEK). Er hat während dieser langen Forschungstätigkeit zahlreiche wegweisende Artikel und Studien verfasst, die sich nun auch in dieser umfang- und materialreichen Dissertation widerspiegeln. Im Zentrum steht die Geschichte des schweizerischen Finanzplatzes und seines politischen Hintergrundes in den 1930er-Jahren und während des Zweiten Weltkriegs. Es handelt sich um eine Gesamtschau, die breiter angelegt ist, als die bisher zu diesem Thema publizierten Studien.

Das erste Kapitel gibt eine Einführung in den Stand der Forschung und diskutiert die sich in den letzten zwei Jahrzehnten herausgeschälten Fragestellungen in Bezug auf die Bedeutung der wirtschaftlichen und finanziellen Außenbeziehungen der Schweiz. Zu Recht weist der Autor darauf hin, dass trotz der heute umfangreichen Literatur zur Geschichte der Schweiz während des Zweiten Weltkrieges die Finanzbeziehungen immer noch weitgehend im Dunkeln liegen. Am Schluss dieses einleitenden Kapitels gibt der Autor mit der Biographie von Walter Stucki (1888-1963), der als Spitzenbeamter von 1917 bis 1960 einer der zentralen Akteure dieses « polykratischen Systems » (S.466) war, einen ersten konkreten Einblick in die angezeigte Problematik. Man hätte vielleicht, um auch die Finanzwelt mit einer Persönlichkeit zu charakterisieren, die Biographie des allmächtigen Chefs des Credit Suisse, Adolf Jöhr (1878-1953), anfügen können.

Experten schätzen die Auslandsguthaben der Schweiz vor dem Ersten Weltkrieg auf 10 bis 17 Milliarden Franken, eine Summe, die dem zwei- bis dreifachen des Bruttosozialproduktes entspricht. Perrenoud versucht im 2. Kapitel die Entwicklung dieser Anlagen zu verfolgen. Dies ist insofern nicht einfach, als die Banken sich damals weigerten, einigermaßen verwertbare Angaben herauszugeben (und auch heute diesen sensibeln Bereich kaum der Forschung zugänglich machen). Perrenoud legt dennoch einen brauchbaren Überblick vor. Es fällt dem Leser allerdings nicht immer leicht, die Bedeutung der verschiedenen monetären Angaben zu erfassen, und man wünschte sich gelegentlich Referenzzahlen (wie zum Beispiel das Volkseinkommen), um die verschiedenen Finanztransaktionen besser gewichten zu können. Die Entwicklung des schweizerischen Finanzplatzes präfiguriert übrigens nicht nur die schweizerische Außenpolitik, sondern auch die innenpolitischen Strategien. Etwas verkürzt gesagt lässt sich festhalten, dass die finanziellen Diensleistungen die wichtigste Trumpfkarte bildete, mit der die Schweiz erfolgreich die Krise der 1930er-Jahre und den Zweiten Weltkrieg überstand.

Im dritten Kapitel beschreibt Perrenoud, mit Schwerpunkt 1930er-Jahre, die verschiedenen Akteure und Strategien. Er weist auch darauf hin, wie die im Ersten Weltkrieg gemachten Erfahrungen aufgenommen und für die Politik während des Zweiten Weltkrieges umgesetzt wurden. Ein Abschnitt fasst außerdem Entstehung und Funktion des Bankgeheimisses zusammen. Anfänglich bestanden zwischen der Bundesverwaltung und den Banken beträchtliche Differenzen, doch spätestens mit dem Ausbruch des Zweiten Weltkrieges entwickelt sich eine die Banken begünstigende Zusammenarbeit. Die internationale Lage führt die Kreditinstitute gewissermaßen unter den Schutzschirm des Staates, dank dem sie ihre Position bewahren und am Ende des Krieges erfolgreich neu ins Auslandgeschäft einsteigen konnten. Dabei verfestigte sich, als Abwehr- und Vertuschungsinstrument, das geradezu beschwörend vorgetragene Begriffspaar Bankgeheimnis und Neutralität.

In Kapitel 4 und 5 werden die Beziehungen zu Deutschland respektive Frankreich vertieft. Trotz nationalsozialistischer Herrschaft gelang es der Schweiz, bei den Kompensationsabkommen mit Deutschland relativ gute Bedingungen auszuhandeln, wobei hier vor allem die Handelsabteilung des Volkswirtschaftsdepartements eine wichtige Rolle spielte. Die Schweiz passt sich jeweils auch der Expansionspolitik des Dritten Reiches an. So begrüßte man im Milieu der Finanzen den Anschluss Österreichs, während die Protektorate Mähren und Böhmen ohne viel Aufhebens in die deutsch-schweizerischen Abkommen integriert wurden. Die Beziehungen zu Frankreich waren geprägt durch die Rolle der Schweiz als Tresor für französische Steuerflüchtlinge, die schon seit dem ausgehenden 19. Jahrhundert beträchtliche Summen in die Schweiz transferierten. Frankreich bezog aber zugleich umfangreiche Kredite und bildet somit für die Schweizer Banken eines der wichtigsten Aktionsfelder. Die Finanzbeziehungen mit Frankreich werden weniger ausführlich behandelt, als jene zu Deutschland. Eine nach der Redaktion von Perrenoud’s Dissertation veröffentlichte Studie füllt nun diese Lücke weitgehend aus2.

Die Kapitel 6 und 7 behandeln das Jahr 1940 und die nachfolgende Anpassung der helvetischen Finanzwelt an das neue vom Dritten Reich dominierte Europa. In diesem Teil kommt deutlich zum Ausdruck, dass die Finanzdienstleistungen die wirksamsten Waffen zur Verteidigung schweizerischer Interessen bildeten. Der Schweizer Franken, in Europa nun praktisch die einzige frei konvertierbare Währung, stärkte die Schweiz als internationalen Finanzplatz. Dabei half auch die in Basel ansässige Bank für internationalen Zahlungsausgleich mit, die den gesamten Krieg über funktionsfähig blieb und gewissermaßen eine die beiden Kriegslager verbindende Drehscheibe bildete. Verständlicherweise war in dieser Phase die Verhandlungskompetenz der Bundesverwaltung gefordert. Verschiedene Sonderkommissionen wie beispielsweise die Ständige Delegation für Wirtschaftsverhandlungen oder die Sektion für Rechtswesen und private Vermögensinteressen bewirtschafteten erfolgreich den Außenhandel und die Finanzbeziehungen. Mit Deutschland wurde am 9. August 1940 ein Handelsvertrag unterzeichnet und ein Clearingkredit gewährt, der am Ende des Krieges 1,1 Milliarden Franken (ein Zehntel des schweizerischen Bruttosozialprodukts) betrug. Hinzu kam dann die Annahme von Gold der Reichsbank – darunter auch Raubgold – mit dem das Dritte Reich zu dringend benötigten Devisen kam. Die Bedeutung dieser Transaktionen lässt sich allein an der Tatsache erkennen, dass die Schweiz 77 Prozent des von der Reichsbank verschobenen Goldes übernahm. Dieser Teil der Geschichte ist bekanntlich durch schon umfangreiche Publikationen dokumentiert, und der Autor selber hat im Rahmen der UEK diese Thematik eingehend erforscht3. Wenn wir hier auch einen umfassenden Einblick in die komplizierten Finanzbeziehungen erhalten, so hatte ich doch gelegentlich den Eindruck, dass die beinahe überbordenen Detailkenntnisse den Autor gehindert haben, eine leicht lesbare und mit klaren Literaturhinweisen versehene Zusammenfassung zu schreiben.

Die Beziehungen zu den Alliierten (Kp. 8 und 9) werden etwas knapper dargestellt, wobei vor allem die Jahre 1944-1946 im Brennpunkt stehen. Hier stehen ebenfalls beträchtliche finanzielle Interessen im Spiel, wobei die USA und Großbritannien der Schweiz wegen deren Gold- und Tarngeschäften mit Misstrauen begegnen. Entsprechende Kritik war schon 1943 auf der diplomatischen Ebene vorgebracht worden, und in der Folge mussten dann auch die anstehenden Probleme in großem Maße von den Schweizer Spitzenbeamten angegangen werden. Ihnen gelang dabei ein verwegenes Doppelspiel, indem sie bis zum Kriegsende und trotz massivem Druck der Alliierten die Geschäfte mit Deutschland aufrecht erhalten konnten und so für den Neuanfang mit dem Nachkriegsdeutschland vorteilhafte Voraussetzungen schufen. Perrenoud gibt einige treffende Beispiele, wie 1945 die Angleichung an die Forderungen der Sieger ohne allzu große eigene Verluste gelang. Die Zusammenarbeit von Banken und Verwaltung dieser Jahre bildete eine wichtige Grundlage für die weitere, bis heute reichende Entwicklung des helvetischen Finanzplatzes.

Eine Gesamtwürdigung der Arbeit Perrenoud’s ist nicht einfach. Die gewaltigen Detailkenntnisse und das breite Wissen können nicht genug hoch gewürdigt werden. Dennoch bedauert man gelegentlich einen gewissen Mangel an zusammenfassenden Orientierungen, die dem mit dieser Materie und den komplexen helvetischen Verhältnissen wenig vertrauten Leser den Zugang erleichtern würden.

Hans Ulrich Jost, H-Soz-u-Kult, novembre 2011

Notes:

1. www.dodis.ch (16.11.2011).

2. Janick Marina Schaufelbühl, La France et la Suisse ou la force du petit. Évasion fiscale, relations commerciales et financières (1940-1954), Paris, 2009.

[3] Neben dem Bd. 13 der UEK, Marc Perrenoud u.a., La place financière et les banques suisses à l’époque du national-socialisme, Zürich 2002, siehe auch Bd. 10: Martin Meier u.a., Schweizerische Aussenwirtschaftspolitik 1930-1948 (Titel der UEK-Publikationen: www.uek.ch/de/index.htm (16.11.2011).

Banquiers et diplomates suisses dans un monde en guerre

L’historien Marc Perrenoud publie un imposant ouvrage sur les relations, faites de tensions et de complicité, entre banquiers et diplomates suisses durant la Deuxième Guerre mondiale. Prolongement du travail colossal effectué en son temps par la Commission Bergier, cet ouvrage s’impose déjà comme un livre incontournable de l’histoire économique de la Suisse au XXe siècle.

Marc Perrenoud, a été le conseiller scientifique mais surtout la cheville ouvrière de la Commission Bergier qui, entre 1997 et 2001, a mis à nu, sans complaisance, la nature et l’ampleur des relations économiques tissées entre la Suisse et l’Allemagne nazie. Près de dix ans après la publication des rapports de la Commission, Marc Perrenoud approfondit l’analyse des liens entre place financière suisse et neutralité, ces deux piliers de l’identité helvétique dans ses relations internationales contemporaines.

La familiarité toute particulière de l’historien avec les Archives fédérales, ainsi qu’avec celles de la Banque nationale suisse, de la Banque des règlements internationaux et des Archives d’histoire contemporaine à Zurich lui permet d’entrer dans les coulisses où se jouent les relations entre banquiers et diplomates suisses. Dans cet ouvrage, Marc Perrenoud analyse le lien de dépendance croissante qui s’instaure entre la Confédération et les milieux financiers durant la guerre. La politique de guerre économique qui s’instaure entre les belligérants pousse les banquiers à recourir aux services des diplomates pour défendre leurs intérêts. C’est que les créances financières suisses dans le monde, « cette propriété coloniale », sont énormes étant donné le rôle de plaque tournante de capitaux que la place financière suisse était parvenue à s’arroger déjà dans l’entre deux guerres. Malgré le refus des banquiers de fournir les informations sur leurs activités, ce qui est source de fortes tensions, les diplomates s’attèlent à préserver les intérêts privés dans le monde. Ainsi la Confédération intervient de façon croissante sur les questions financières et, en octroyant d’importants crédits à l’Allemagne et l’Italie, elle assume elle-même les risques financiers de telles transactions. De l’autre côté, les établissements bancaires contribuent dans une large mesure au financement des dépenses fédérales. La Confédération devient ainsi le principal débiteur des grandes banques. Ce ne sont pas moins de 26 emprunts à long terme qui sont mis en souscription publique durant la Guerre. Sous cet effet, la dette publique de la Confédération passe de 2,7 milliards en 1938 à 11,5 milliards à la fin 1946. C’est à travers les relations de la Suisse avec les principaux belligérants que Marc Perrenoud analyse, avec finesse, l’origine, l’évolution et les conséquences de l' »expansionnisme financier au profil discret » qui opère, de 1938 à 1946 un « double mouvement de mondialisation et d’helvétisation. »

Isabelle Lucas, SolidaritéS, N° 189, 10.6.2011

Banquiers et diplomates suisses pendant la Seconde Guerre: les dissonances

L’historien Marc Perrenoud publie une vaste étude sur les relations complexes entre deux mondes proches mais qui ont dû parfois s’opposer

L’historiographie de la place financière suisse a longtemps été aussi mince que l’industrie bancaire était importante. Avec d’autres, l’historien Marc Perrenoud, ancien conseiller scientifique de la Commission Bergier, exerçant aujourd’hui la même fonction pour la publication des Documents diplomatiques suisses (dodis.ch), contribue à combler cette lacune. Banquiers et diplomates suisses (1938-1946), qui vient de paraître, est la version abrégée de la thèse qu’il a soutenue à l’Université de Genève en 2008.

Ce travail a pour toile de fond le rôle, complexe, joué par la place financière suisse durant le second conflit mondial. Un rôle dont chacun s’accorde à dire, aujourd’hui, qu’il a fortement contribué à l’expansion du secteur bancaire. Malgré certains recoupements, les recherches de Marc Perrenoud se distinguent des travaux de la Commission Bergier, car les thèmes abordés ne se trouvaient pas dans le mandat attribué en 1996 aux experts désignés par le Conseil fédéral.

Diplomates et banquiers sont souvent issus du même moule socioprofessionnel. Les événements vont néanmoins les opposer à quelques reprises. L’historien met en évidence le manque de coordination entre la diplomatie et les activités internationales des banquiers suisses, qui renseignent peu ou mal les autorités sur certains aspects très sensibles de leurs activités.

La réticence des banquiers s’explique bien sûr par leur souci de préserver le secret bancaire. Mais leurs préoccupations les empêchent de saisir l’ampleur des bouleversements. L’historien parle de « réduit national culturel ».

En face, le camp des diplomates va se renforcer à cause de la guerre et sous l’autorité de Walter Stucki. Ambassadeur  à Paris dès 1937 où il négocie l’accord de double imposition, puis à Vichy de 1940 à 1944, celui-ci fut aussi, au cours de sa longue carrière,  le responsable de la politique économique extérieure au titre de directeur de la Division du commerce, et surtout le principal négociateur suisse en 1945 et 1946, notamment pour l’accord de Washington de 1946. Cet accord capital a obligé la Suisse à verser 250 millions de francs en guise de réparation pour ses transactions sur l’or durant la guerre. La Confédération s’est également engagée à trouver des solutions pour les fonds en déshérence des victimes des persécutions nazies, mais les banquiers y mettront si peu de zèle que le problème, on le sait, est demeuré pratiquement entier jusqu’à la fin du siècle.

C’est à dessein que Stucki écarte les banquiers des négociations de Washington: il juge qu’ils n’ont plus la crédibilité nécessaire auprès des interlocuteurs américains. Le Suisse avait pleinement conscience des nouveaux rapports de force issus de la victoire alliée. « Tous les États qui ont connu la guerre ont complètement modifié leur politique et seules en Europe la Suisse et la Suède restent encore fidèles aux idées d’avant-guerre. Cette fidélité nous vaut la haine du monde entier: la Suisse est tenue pour  le dernier refuge de la ploutocratie », déclare-t-il lors d’une séance au Palais fédéral le 9 fevrier 1945. Malgré toute son énergie, Walter Stucki n’atteindra pas pleinement ses objectifs. L’intervention étatique restera modérée. « L’asymétrie d’information persiste en faveur des milieux bancaires et s’accentuera après 1946 avec l’expansion massive qui renforcera la puissance des intérêts matériels. »

Denis Masmejan, Le Temps, 14 mai 2011

En 1944, Walter Stucki préserva la ville de Vichy de combats sanglants après le départ du maréchal Pétain. De nouvelles études éclairent l’itinéraire du grand diplomate suisse.

Sur le site web de la ville de Vichy, un Suisse figure dans la rubrique « personnages célèbres ». « Par ses interventions pressantes auprès des Forces Françaises de l’Intérieur et du Commandement allemand, Walter Stucki obtient l’évacuation de l’occupant au lendemain de la Libération, sans effusion de sang », lit-on sur la notice consacrée au Bernois, qui côtoie celles de Vichyssois fameux, tels l’écrivain-journaliste Albert Londres.
 
Walter Stucki, sauveur de Vichy en 1944? Dans la ville d’eau, personne ne conteste le rôle éminent du « ministre » (ambassadeur) suisse dans les derniers jours du régime du maréchal Pétain. « Il a sans doute évité un massacre », résume l’historien Alain Carteret, auteur de plusieurs ouvrages sur la ville auvergnate.

Fin de règne à Vichy

Août 1944. Ambiance de fin de règne à Vichy. Stucki est l’un des derniers diplomates occidentaux encore en poste dans la capitale de l’Etat français. Quand Pétain est « délocalisé » vers la frontière allemande par l’occupant, « Walter Stucki prend la situation en main », relate Carteret.
 
 »Des combats sanglants risquant d’éclater entre la Résistance, la Gestapo, la Milice et les SS, Walter Stucki décide de se rendre auprès d’Henry Ingrand, le chef résistant au Mont-Dore, écrit l’historien vichyssois Thierry Wirth. Le voyage est dangereux, car les Allemands tiennent encore Clermont-Ferrand avec de nombreuses troupes. »
 
Stucki raconte l’épisode dans son ouvrage Les derniers jours de Vichy, paru après-guerre. Pistolet en poche, il franchit par miracle les barrages allemands. Au centre de Riom, « nous nous trouvons brusquement en présence d’un important barrage allemand. Les mitrailleuses sont aussitôt braquées sur nous. Je descends et d’un ton tranquille, paternel: ‘Allons! Allons! Leur dis-je, ne tirez pas tout de suite, au moins!' » Il faut dire qu’il en impose, le Bernois, du haut de ses presque deux mètres.

Devant la Garde républicaine

Le 26 août, rebelote. C’est cette fois une colonne allemande qui menace de traverser Vichy. Stucki va à leur encontre et convainc les Allemands de modifier leur itinéraire. La ville est libérée. Des photos de l’époque montrent Stucki en costume clair défilant devant la Garde républicaine.
 
Dans son ouvrage Banquiers et diplomates suisses (1938-1946), publié récemment aux éditions Antipodes, l’historien Marc Perrenoud rappelle la brillante carrière de Walter Stucki.
 
Né en 1888 à Berne, Stucki dirige la Division du Commerce de 1925 à 1937. Chez ce radical, fils d’enseignant, le consensus helvétique a ses limites. « Il est capable de répliquer sur un ton cassant aussi bien au président de la Reichsbank et ministre de Hitler, Hjalmar Schacht, qu’au président du Comité Allemagne de l’Association suisse des banquiers, Adolf Jöhr, directeur général du Crédit Suisse », rappelle Perrenoud.

Pétainiste ou maréchaliste?

Quand il est nommé à Paris fin 1937, cette décision « est interprétée par quelques journaux comme une manière d’éloigner de Berne la trop forte personnalité de Stucki », ajoute l’historien.
 
L’historien Edgar Bonjour dresse en 1970 un portrait plutôt flatteur du ministre Stucki. « À Vichy, où il ne recevait souvent pas d’instruction de Berne, il devait prendre lui-même et rapidement des décisions très importantes, qu’il mettait à exécution avec une rare habileté diplomatique. » L’auteur de l’Histoire de la neutralité suisse ajoute: « Pétain avait une confiance illimitée dans ce représentant loyal et intelligent de la Suisse et Stucki le lui rendait par sa fidélité ».
 
Pétainiste, Walter Stucki? « Maréchaliste » plutôt, suggère Marc Perrenoud. Plein d’admiration pour la personnalité du vainqueur de Verdun. Mais pas adepte de sa « Révolution nationale ». « Bien que porté à commander, Stucki avait peu de sympathie pour la démocratie autoritaire du régime Pétain et continuait de défendre ses idées libérales », note Edgar Bonjour.

Préserver les relations financières

Les recherches historiques récentes apportent de nouveaux éclairages sur cet épisode de la carrière de Walter Stucki. Dans son livre, Marc Perrenoud dissèque les liens entre banquiers et diplomates suisses dans ces années (1938-46) où les premiers ont rudement besoin des seconds. Stucki illustre, à sa façon énergique, cette union, parfois agitée, entre les représentants des deux piliers helvétiques que sont la neutralité et le secret bancaire.
 
Pour régler ses dettes à l’égard de la Suisse, le gouvernement de Vichy propose de vendre de l’or à la Banque nationale suisse (BNS), jusqu’à concurrence de 100 millions de francs. Henri Grandjean, directeur général du Crédit suisse et responsable du Comité France de l’Association suisse des banquiers (ASB), appuie cette initiative, contre l’avis de la BNS.
 
L’essentiel pour l’ASB, omniprésente dans ces tractations, est de préserver « les relations financières et industrielles entre les deux pays », malgré la guerre. En octobre 1941, une délégation de l’ASB se rend à Vichy. Walter Stucki « reçoit les vifs remerciements des grands banquiers pour son appui à leurs démarches », note Perrenoud.

Un statut particulier

Banquiers et diplomates se retrouvent aussi sur un autre terrain, plus inattendu: la philanthropie. Quand Henri Grandjean lance à Zurich en 1942 une collecte pour la ville de Lyon, Stucki préside le comité de patronage. On achètera et rénovera une maison pour les enfants nécessiteux. Un exemple parmi d’autres du « rattrapage humanitaire », dont parle l’historien Jean-Claude Favez.
 
À Vichy, Walter Stucki tisse des liens avec des dignitaires du régime. Il fréquente assidûment Charles Rochat, secrétaire général du Quai d’Orsay, mais aussi Jean Borotra, commissaire à l’Education nationale.
 
Quand vient la Libération, ses amis se rappellent à son bon souvenir. À partir de l’été 1944, Stucki « disposa d’un statut particulier qui lui conféra le pouvoir de dispenser des autorisations d’entrée spéciales (en Suisse) selon son bon vouloir », remarque l’historien Luc Van Dongen, dans son ouvrage Un purgatoire très discret.
 
Grâce à Stucki, Charles Rochat -condamné à mort par contumace en 1946- trouve refuge en Suisse. Tout comme l’épouse du ministre Borotra, et d’autres anciens mandarins de Vichy.

Mathieu van Berchem, Paris, swissinfo.ch

Diplomatie financière pour l’essentiel

Dans « Banquiers et diplomates suisses », l’historien Marc Perrenoud explique comment le développement de la place financière suisse au cours de la première moitié du XXe siècle et son renforcement pendant la Seconde Guerre mondiale ont constitué les caractéristiques des relations extérieures de la Suisse. Et comment cette tendance a conditionné une évolution des activités diplomatiques.

On sait que la Suisse se distingue par l’importance de ses capitaux placés à l’étranger, même s’il est très difficile d’en mesurer l’ampleur. Paul Bairoch estime que le stock brut du capital suisse dans le monde atteint un montant considérable, entre 11 et 17 milliards de francs à la veille de la Première Guerre mondiale. Par tête d’habitant, il s’agit du montant le plus élevé d’Europe.

Ce stock détenu par la Suisse dans le monde est loin d’être dilapidé par la Première Guerre mondiale. Certes, la révolution russe provoque des pertes considérables. Les milieux d’affaires suisses organisent l’Association de secours mutuel et de protection des intérêts suisses en Russie (Secrusse), qui multipliera les démarches. Une enquête sur les créances financières suisses sur la Russie aboutit en décembre 1919 à la somme de 526’640’390 francs suisses. En 1939, selon une estimation approuvée par le Conseil fédéral, le total des dommages subis s’élève à 1’476’700’000 francs. Ce montant peut être considéré comme une limite supérieure dans la mesure où il émane d’un groupe de pression qui s’efforce de plaider sa cause auprès des autorités fédérales.

De plus, l’annexion des États baltes par l’URSS entraîne la perte de créances recensées par l’OSC en 1940 et évaluées à 14,2 millions de francs. L’importance de ces capitaux tombés en mains soviétiques joue un certain rôle dans le refus de la Suisse de renouer des relations diplomatiques avec l’URSS avant 1946. En août 1938, le directeur de la DC du DFEP, Jean Hotz, rédige un exposé synthétique sur la position de la Suisse dans l’économie mondiale. Il analyse les performances et les caractéristiques de l’économie suisse qui réussit à exporter sur le marché mondial des quantités impressionnantes de marchandises malgré les petites dimensions de son territoire et des facteurs géographiques peu favorables (minces ressources en matières premières et accès indirects à la mer). Le déficit structurel du commerce extérieur est compensé par les revenus des banques, des assurances, du tourisme et du transit. Depuis l’époque médiévale, les activités bancaires constituent une longue tradition qui a permis à la Suisse de devenir une place bancaire importante qui s’appuie sur sa situation géographique et son ordre politique. En particulier de 1914 à 1918 et lors des années troublées qui suivirent, les bouleversements politiques qui agitent l’Europe permettent à la Suisse de se définir en tant qu’île paisible qui accueille les capitaux étrangers en fuite. Les établissements financiers helvétiques offrent ainsi la sécurité et la liquidité nécessaires pour que la Suisse remplisse son rôle de banquier international. Elle exporte ces capitaux et ceux confiés par des étrangers vers d’autres destinations. Ces moyens financiers permettent aux partenaires étrangers de disposer de ressources pour acheter des équipements industriels en Suisse et ailleurs. Hotz estime que les capitaux suisses à l’étranger atteignent 7 à 8 milliards de francs. En temps normal, les revenus annuels avoisinent le demi-milliard, mais la crise mondiale les a abaissés au niveau de 250 à 300 millions. La publication de Hotz fourmille de statistiques au sujet de l’agriculture et de l’industrie, mais se contente de grandeurs approximatives pour les activités financières dont l’importance centrale est soulignée. Ce flou et ces lacunes sont liés aux caractéristiques de l’économie et de la société suisses. L’analyse des relations commerciales de la Confédération avec un État étranger se fonde sur les statistiques douanières qui indiquent la nature et la quantité des marchandises échangées. Dans le domaine des relations financières internationales, l’analyse se heurte à de nombreux obstacles, en particulier parce que les transferts de capitaux ne figurent pas dans les statistiques officielles. De plus, l’importance financière d’un pays ne peut pas être déduite des caractéristiques de son commerce extérieur ou de sa situation géographique. Pour mesurer l’attrait d’un pays pour les milieux bancaires helvétiques, il est indispensable d’estimer le montant des investissements suisses dans ce pays et celui des capitaux que ses ressortissants ont placés en Suisse. Mais cela est loin d’être simple. En effet, si l’importance des avoirs suisses à l’étranger est mise en évidence en maintes occasions, ni la BNS ni l’OSC ne disposent de renseignements statistiques précis, car les milieux bancaires s’opposent avec vigueur à toute investigation officielle. En 1933, la banque centrale tente de convaincre le Conseil fédéral de la nécessité de dresser des statistiques pour pouvoir défendre les intérêts financiers avec efficacité. En 1935, les membres de la Société suisse de statistique et d’économie politique avaient déjà proposé qu’une enquête, inspirée des tableaux publiés par la Société des Nations, soit organisée pour établir avec précision la balance suisse des revenus. Cette résolution avait bénéficié du soutien de la BNS et du Conseil fédéral, mais s’était heurtée au veto de l’ASB, qui, dans une longue déclaration, considérait cette investigation comme une remise en cause du secret bancaire et de la prospérité financière de la Suisse. La Suisse limite au maximum sa participation aux efforts de la Société des Nations pour produire des statistiques.

En 1938, une nouvelle tentative de la BNS de convaincre les établissements financiers de fournir les données nécessaires à une statistique sur les transactions internationales se heurte à une opposition virulente des banquiers, en particulier ceux de Genève. Le Groupement des banquiers privés genevois rédige ainsi ces arguments:

Nous ne contestons pas que, dans la période d’économie dirigée que nous traversons, des renseignements sur la balance des paiements aient quelque utilité. Nous sommes convaincus cependant, par la longue expérience que nous avons de notre métier, que l’intérêt de posséder des renseignements statistiques n’est pas proportionné aux dangers qu’une telle enquête, même restreinte à la formule plus modeste actuellement présentée, ferait courir, non seulement à nos banques, mais à une grande partie de l’économie suisse. […] La Banque Nationale n’ignore pas le rôle considérable que jouent les capitaux étrangers dans l’économie de notre pays qui n’a ni matières premières, ni accès à la mer et colonies. Aucune comparaison n’est possible à cet égard avec d’autres pays, car, pour aucun de ceux-ci, les capitaux étrangers ne jouent proportionnellement un rôle économique aussi important que chez nous. C’est pourquoi nous ne pouvons comprendre que l’on cherche à imposer à la Suisse une enquête en imitant plus ou moins ce qui se fait peut-être ailleurs.

Or, nous estimons qu’il est très dangereux pour le marché des capitaux étrangers en Suisse et leur investissement dans notre pays, que nos autorités aient en mains des renseignements précis à leur sujet. Nous pensons en premier lieu à la nervosité de la clientèle étrangère à laquelle la lettre de la Banque Nationale fait allusion, et qui est incontestable. Il ne faut pas oublier, en effet, que les détenteurs étrangers de capitaux déposés dans les banques suisses ont déjà été alertés à plusieurs reprises ces derniers mois. Il nous suffira de rappeler les menaces d’assistance fiscale lors des négociations sur la double imposition, les craintes d’un impôt spécial sur les coupons, les exigences du récent « gentlemen’s agreement » sur les dépôts en Suisse, et tout dernièrement, les événements politiques internationaux, notamment l’Anschluss de l’Autriche.

C’est au moment où les banques suisses doivent constamment s’employer à apaiser les inquiétudes et les appréhensions d’une clientèle de plus en plus craintive, que la Banque Nationale fait un pas de plus dans une voie dont nous avons à maintes reprises signalé tous les dangers.

Nous sommes persuadés, en outre, que l’on connaîtra immédiatement à l’étranger cette enquête et ses résultats. Certains gouvernements ne manqueront pas d’en exiger la communication à l’occasion de négociations internationales, s’ils ne trouvent pas le moyen de les obtenir autrement. Étant donné l’importance considérable de ces capitaux, cela soulèvera infailliblement des demandes et des appétits auxquels la Suisse ne saura ou ne pourra peut-être pas résister. Nous vous signalons en passant les risques que pourraient faire courir de telles indiscrétions aux capitalistes appartenant à des pays vivant en économie fermée, tels que l’Allemagne et l’Italie.

Bref, le Groupement des banquiers privés genevois exprime sa profonde conviction: une enquête sur la balance suisse des paiements serait tout à fait contraire à l’intérêt de la Confédération et les autorités politiques ne doivent pas disposer de statistiques précises. Face à ces multiples arguments qui légitiment l’autonomie de gestion et la rétention d’informations, la BNS doit renoncer à son projet. D’autres initiatives de ce genre n’ont pas plus de succès. Ainsi, en juillet 1943, la BNS tente une nouvelle fois de justifier l’organisation d’une enquête générale. Elle estime en effet que les mesures de contrôle des changes à l’étranger et de blocage par les autorités suisses des avoirs de différents pays occupés en 1940 fournissent autant d’arguments supplémentaires; en particulier le manque d’informations quantitatives limite les possibilités pour la Suisse de négocier une sauvegarde des capitaux bloqués à l’étranger et de contrôler si les arrêtés du Conseil fédéral bloquant des avoirs étrangers étaient respectés et appliqués. Mais les résistances des milieux bancaires pèsent plus lourd que les intentions de la BNS. Quelques semaines plus tard, l’ancien président de la Direction générale de la BNS, G. Bachmann, devenu conseiller national radical, pose une question parlementaire au Conseil fédéral pour l’inviter à organiser de telles enquêtes. Pilet-Golaz et son adjoint pour les questions financières, Robert Kohli, ne manifestent guère d’enthousiasme et, après avoir demandé l’avis d’un conseiller aux États libéral, le banquier genevois Albert Pictet, ils obtiennent que, grâce au retrait de Bachmann du Conseil national, le Conseil fédéral ne soit pas obligé de répondre à cette question qui restera lettre morte.

Dès lors, on comprend que les estimations des avoirs suisses à l’étranger ne peuvent être qu’approximatives et n’aboutir qu’à des résultats fort différents: d’aucuns articulent le chiffre de 6 à 8 milliards de francs, d’autres parlent de 12 milliards. En 1943, la BNS estime que plus de 6 milliards sont investis sur le seul continent européen.

L’Agefi, 14 avril 2011