Cet ouvrage est la synthèse d’un projet global et pluridisciplinaire fruit d’une réflexion sur les anonymes et l’anonymat dans le champ de l’Art Brut et la société en général. Pour questionner ce thème sociétal de manière transversale, cette publication comprend trois volets : une exposition à la Collection d’Art Brut, sous le commissariat de Gustavo Giacosa, metteur en scène et curateur indépendant, et de Pascale Jeanneret, conservatrice à la Collection de l’Art Brut ; une enquête auprès de chercheuses et chercheurs à l’Université de Lausanne, présentée sous la forme d’interviews, et un spectacle.

Gustavo Giacosa a été trois ans en résidence d’artiste à l’Université de Lausanne, de 2018 à 2021, où il a exploré le sujet de l’anonymat auprès de plusieurs facultés. Dans le même temps, il a imaginé une écriture scénique pour le spectacle « La Grâce », présenté à la Grange de Dorigny, et découvert nombre d’oeuvres anonymes en Italie et en Allemagne, parallèlement à la sélection de travaux opérée par Pascale Jeanneret dans les collections du musée lausannois.

Les oeuvres d’Art Brut présentées dans le cadre de cette exposition ont été conçues par des auteurs autodidactes qui ne se considèrent pas comme des artistes. Certaines d’entre elles sont également issues de pratiques artisanales populaires. Cependant, si les contextes de production diffèrent, tous ces travaux, qui datent de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, ont un point commun : avoir vu le jour dans des milieux très éloignés de l’art, comme les prisons ou les hôpitaux, où leurs auteurs étaient souvent privés de leur identité, alors réduite à un simple matricule.

Certaines de ses productions orphelines sont conservées dans le fonds de la Collection de l’Art Brut ou au sein d’autres institutions muséales européennes, comme La Collection Prinzhorn, à Heidelberg, le musée d’ethnologie et d’anthropologie de Turin et celui d’anthropologie criminelle, également à Turin.

À l’été 1945, le peintre Jean Dubuffet désigna sous le nom d’Art Brut des créations confrontant l’histoire de l’art à une forme de perplexité, tant les productions retenues, situées hors du champ officiel de l’art et dont les auteurs étaient tous autodidactes, interrogeaient les conventions artistiques de l’époque.

Depuis, l’Art Brut a intégré le champ de l’art notamment sur le plan des expositions et du marché. Il demeure toutefois un pôle qui semble irrésistiblement échapper à qui tente de le cerner de trop près.

Objet frontière de réflexion par excellence, l’Art Brut a la capacité de réunir sur le plan de l’organisation sociale des savoirs, autant le sociologue des institutions, l’historien de l’art ou de la psychiatrie, l’analyste de discours que le psychologue.

Le concert interdisciplinaire auquel invite le présent ouvrage réunit des spécialistes de l’Art Brut de tous bords et discute en particulier de la prospection de créateurs contemporains, de modalités actuelles d’exposition et du rôle d’opérateur critique dont se dote aujourd’hui encore l’Art Brut, tant pour ce qui concerne l’histoire culturelle que pour la pensée de l’art et du langage.

Cet ouvrage, richement illustré, s’adresse aux spécialistes de l’Art Brut ainsi qu’à toute personne intéressée par le sujet,ainsi que par l’organisation du champ de l’art et celle des pratiques artistiques sur les plans culturels, institutionnels et politique.