Identifier – s’identifier

A propos des identités politiques

Surdez, Muriel, Voegtli, Michaël, Voutat, Bernard,

2010, 424 pages, 25 €, ISBN:978-2-88901-014-1

Les identités structurent les mobilisations politiques et la formulation des revendications. Pour autant, elles ne sont pas des essences immuables ni des données intangibles. Si on ne peut en parler dans l’absolu, il faut alors en rendre compte à partir de leurs usages et des logiques d’identification par lesquelles elles se constituent, se hiérarchisent, s’entrecroisent et se transforment.

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Description

Les identités structurent les mobilisations politiques et la formulation des revendications. Pour autant, elles ne sont pas des essences immuables ni des données intangibles. Si on ne peut en parler dans l’absolu, il faut alors en rendre compte à partir de leurs usages et des logiques d’identification par lesquelles elles se constituent, se hiérarchisent, s’entrecroisent et se transforment. Les études empiriques réunies dans cet ouvrage collectif abordent cette problématique selon deux axes d’analyse complémentaires: le premier, identifier, renvoie à la formation des catégories d’appartenance au monde social, alors que le second, s’identifier, désigne la perception individuelle et collective de ces identités héritées. D’un côté, il s’agit de rendre compte des spécificités du travail politique de mobilisation des groupes constitués, le plus souvent, selon des critères stigmatisés. De l’autre, les différentes contributions éclairent la façon dont les individus et/ou les groupes mobilisés (partis, mouvements sociaux, associations) gèrent les définitions externes dont ils sont l’objet et les retraduisent dans le cours même de leur mobilisation.

Au final, il apparaît que c’est au croisement de ces deux logiques souvent contradictoires, identifier—-s’identifier, que se lisent le mieux les enjeux et l’impact politique des questions identitaires, qui ont en commun de mettre en cause la valeur des individus et des groupes dans le monde social, et par conséquent les rapports de force symboliques qui le structurent.

Table des matières

Introduction

  • A propos des identités politiques (Muriel Surdez, Michaël Voegtli et Bernard Voutat)

Faire sens

  • Les enjeux de l’identification. Le cas de la mobilisation autour de la loi genevoise sur le partenariat (Marta Roca i Escoda)
  • Un sabre à double tranchant. Théories et usages de la caste dans le mouvement anti-caste des dalits (Nicolas Jaoul) [ERRATA] Télécharger l’article corrigé
  • Commémoration ou invention de la tradition. Les ressorts mémoriels de l’identification partisane dans l’extrême droite italienne (Stéphanie Dechezelles)
  • La découverte ou l’ignorance. Contribution à l’étude des opérateurs d’alternation dans la formalisation des identités militantes (Gildas Renou)
  • Désactiver les fonctions identitaires de « la langue »: l’identification des pratiques linguistiques à l’ombre de l’identité linguistique nationale (Frédérique Niel)

Faire corps

  • Organisation du travail militant, luttes internes et dynamiques identitaires: le cas des « mouvements de chômeurs » (Xavier Dunezat)
  • La politique de l’identité comme enjeu de luttes. Logiques de constitution et de transformation du collectif dans deux associations homosexuelles en Suisse (Michaël Voegtli)
  • Ce que la professionnalisation de la politique fait aux militants. L’identité du permanent socialiste, du militant professionnel au salarié encarté (Philippe Aldrin et Thierry Barboni)
  • « Petits arrangements avec son militantisme ». Le désarroi identitaire des militants au Parti socialiste (Rémi Lefebvre)

Faire voir

  • Faire « citoyen anonyme » dans les débats télévisés. Analyse de l’identité discursive comme facteur d’élargissement de l’espace public (Pierre Lefébure)
  • Pratiques médiatiques multiples dans les mobilisations italiennes contre la précarité (Alice Mattoni)
  • La banlieue comme enjeu de lutte symbolique. Une ville se mobilise pour réhabiliter son image médiatique (Julie Sedel)
  • Autour des caractéristiques physiques des militants (Alexandre Lambelet)

Presse

Paru dans la Revue française de science politique

La révélation des masques, inépuisables identifications1

La couverture d’Identifier – s’identifier s’orne d’un « Ensor aux masques » (1899) qui propose une forme d’allégorie sur les thématiques de ce volume. Ce tableau montre le peintre coiffé d’un chapeau rouge, emplumé et fleuri qui évoque l' »Ensor au chapeau fleuri », d’environ dix ans antérieur, mais avec une vivacité s’harmonisant à la foule des masques qui l’entoure. Le peintre James Ensor fournit une figure d’artiste inclassable, car toujours mouvant et inattendu. Sa fascination pour le carnaval l’a poussé à imaginer ces moments fragiles où tout un chacun peut être à la fois soi-même et un autre, absorbé dans la foule et irréductiblement unique. Son itinéraire, ses toiles2 constituent un manifeste de l’instabilité et de la transmutation. La couverture d’Identifier – s’identifier en accentue le trait puisqu’elle modifie la toile originale, rendue ici en noir et blanc, tronquée vers le bas et détourée en haut… C’est assez proclamer d’emblée que cet ouvrage s’inscrit dans le courant – désormais dominant dans le champ universitaire même si les politiques en négligent les conclusions – qui refuse toute essence aux identités et les envisage comme des constructions sociales, fondées sur des principes de classement qui relèvent de logiques de pouvoir (et d’opposition aux pouvoirs).

Les textes rassemblés par Muriel Surdez, Michaël Voegtli et Bernard Voutat sont issus d’un colloque réuni à Lausanne fin 2006: « Identifier, s’identifier – Faire avec, faire contre: transformations identitaires et mobilisations dans l’espace public ». À la suite d’une introduction rédigée par les trois co-directeurs du volume, il regroupe des communications portant sur la France, la Suisse, l’Italie et l’Inde en trois rubriques: « Faire sens », « Faire corps » et « Faire voir ». L’approche qui les réunit consiste à considérer l' »identité » non comme un concept explicatif mais comme un objet d’étude: l’objectif n’est pas de définir l’indéfinissable puisque insubstantiel, mais de tenter de comprendre comment cette idée est utilisée dans les mobilisations politiques. Les auteurs ont adopté une « problématique constructiviste conséquente » (p.19) pour étudier les usages pratiques de l' »identité » dans les mobilisations, la manière dont des identités collectives sont discursivement élaborées et mises à l’oeuvre dans les processus politiques: « Il s’agit de penser ensemble les conditions sociales de production et de réception des narrations identitaires pour saisir alors plus complètement leurs effets dans le monde social, sur les individus ainsi que sur les catégories ou groupes constitués » (p.19-20; souligné par les auteurs). Dans cette perspective, la reconstruction des processus génétiques d’identification se fait à partir de deux des sens que le terme peut revêtir: comme attribution de l’extérieur, assignation plus ou moins fortement imposée, et comme autodéfinition, subjectivement vécue en tant qu' »identité ». Il semble possible de discerner quelques grands axes qui traversent les communications et permettent d’apprécier l’apport du travail de ce collectif aux débats en cours sur l' »identité »: les opérations d’assignation et les réactions qu’elles suscitent; l’éveil des attachements et la manière dont ils peuvent tramer les mobilisations; l’hétérogénéité inéluctable des configurations identitaires; enfin, la variabilité des projections identitaires.

L’assignation identitaire (identification-par) est toujours liée à l’établissement de classements et de hiérarchies3, elle est encadrée par des rapports de domination et engendre donc nécessairement des luttes4, y compris dans des arènes où on ne les perçoit pas toujours, comme les débats télévisés. S’y jouent l’imposition d’une identité sociale à des individus, les mécanismes pour entraîner l’identification des spectateurs au « citoyen anonyme » adoubé représentatif et les ajustements opérés par l’un et les autres aux catégories naturalisées par les présentateurs5. Dans la pratique, identité assignée et autodéfinition sont loin de se recouvrir toujours parfaitement, situation qui provoque des tensions et des conflits mais ouvre aussi des possibilités de reclassement selon les contextes politiques, les rapports de force et les enjeux (F. Niel). On le saisit dans la manière dont les intouchables (dalits) indiens se sont efforcés de manier les catégories qui les stigmatisaient6. Les dirigeants politiques ont, selon leur position dans le système indien et leur origine, employé trois stratégies: la resignification de l’extérieur de la catégorie intouchable (Gandhi; organismes internationaux de défense des droits de l’Homme); la resignification de l’intérieur par production de nouveaux récits historiques émanant d’entrepreneurs politiques dalits; et le rejet de la catégorie même, et de ce qu’elle impose à ceux qui y sont relégués, par évasion, notamment vers le bouddhisme, sous la houlette de Bim Rao Ambedkar. L’exemple indien indique clairement que l’assignation n’est jamais reçue de manière passive mais que, même lorsqu’elle manifeste une oppression brutale, son intériorisation au moins partielle aboutit à nourrir une variété de mobilisations allant de l’ajustement au rejet absolu.

L’intériorisation de l’assignation dégradante souligne la complexité des mécanismes d’attachement à un groupe, de la formation des sentiments d’appartenance qui constituent un des versants des processus d’identification-à. L’attention prêtée dans l’analyse à la dimension narrative des efforts de mobilisation sur une base identitaire, préconisée dans l’introduction (p.17), fait ressortir plusieurs types de récits produits pour provoquer l’adhésion à un mouvement et à ses actions. Certaines de ces « histoires » peuvent se maintenir dans une durée relativement longue et être transmises de génération en génération dans des canaux de socialisation familiaux et politiques; d’autres sont échafaudées en vue d’objectifs plus immédiats et proposent des « traditions inventées »7. Dans la plupart des cas, un Autre hostile doit figurer au centre de ces narrations: le récit identitaire noue des intrigues dont la menace est un des mécanismes, il façonne sa singularité face à l’altérité et en s’y opposant8 car un danger mettant en question les statuts, les positions ou les valeurs peut déclencher un changement de matrice affective et cognitive susceptible d’aboutir à l’émergence d’une conscience de groupe9. Pourtant l’identification à un ensemble plus ou moins flou, à un groupe, à un mouvement n’est pas toujours induite de l’extérieur, elle peut aussi être le résultat d’un cheminement personnel jalonné par des « opérateurs de conversion et d’authentification » (G. Renou, p.120), des lectures, des paysages, des musiques, symboles introduisant à un idéal que l’objet de l’identification est supposé représenter ou permettre de réaliser.

La multiplicité des réactions aux assignations et des mécanismes par lesquels survient l’attachement à un groupe explique que les configurations identitaires en résultant sont, en dépit des discours et récits qui les prétendent homogènes et soudées, profondément hétérogènes. La mobilisation demande « la production de cadres cognitifs communs » qui, en fait, sont rarement partagés en totalité (N. Jaoul). Les interprétations données au sens de l' »identité », les différents objectifs assignés à l’action pour laquelle convoque la mobilisation sont sources de dynamiques internes, de compétitions et de conflits (X. Dunezat; M. Voegtli10). Lorsque le groupe est solidement structuré en organisation politique mais que ses « cadres cognitifs » ne sont pas vraiment communs, l’organisation doit se faire élastique, renoncer à imposer une ligne trop précise, tolérer en son sein des « identités contradictoires », ce qui n’empêche au fil des ans ni « désajustements idéologiques », ni « désidentification » au parti11. Dans d’autres situations, quand l’organisation n’est pas intrinsèquement politique même si elle intervient en politique, cette hétérogénéité peut devenir un atout. Elle facilite le déploiement ou l’offuscation de certains traits de l’identité collective selon les enjeux et les situations. L’anticipation des coûts et des risques de la mobilisation en fonction des rapports de force conduit à des modifications dans la présentation du groupe; un changement de contexte drastique peut même entraîner une transformation de l’identité collective du groupement et un remaniement de l’identité sociale des militants (M. Voegtli).

Les « identités » mises en avant dans un but de mobilisation politique sont donc immanquablement variables, en contradiction totale avec le sens du mot et les idéologies qu’il désigne. En règle générale, elles fluctuent selon les publics visés par l’action, les contextes sociopolitiques et les objectifs recherchés; la « cause » mobilisatrice se transforme et le groupe mobilisateur change de nature12, l' »identité » recouvre d’autres contenus, d’autant plus que tendent à se multiplier aujourd’hui les mouvements aux contours fluides et les multi-appartenances révélant au grand jour le potentiel infini d’identifications disponibles pour chaque individu13. Dans ces projections identitaires, les medias jouent évidemment un rôle insigne et facilitent le repérage des évolutions et des mutations. C’est dans les medias que s’articule le rapport entre individus, symboles d’une cause identitaire, et mouvement organisé pour soutenir cette cause (M. Roca i Escoda). La mobilisation passe par la mise au point d’images médiatiques capables de provoquer l’attachement et l’engagement; chaque mouvement doit se doter d’une « identité médiatique » configurée à l’aide de techniques qu’il doit inventer pour démontrer sa particularité car, au travers des médias, l' »identité » du mouvement est mise en scène pour ses membres aussi bien que pour ceux de l’extérieur que l’on cherche à rallier (A. Mattoni). De ce point de vue, les luttes identitaires sont aussi des luttes pour l’image alimentées par la fabrication de récits médiatiques perpétuellement renouvelés14. Comme l' »identité, un volume collectif issu d’un colloque est nécessairement hétérogène. Les décalages et discordances qui peuvent être décelées entre l’introduction et les communications, entre certains chapitres et d’autres manifestent que les débats sont loin d’être clos et signalent quelques-uns des problèmes autour desquels ils se développent. Une fois affirmé le caractère socialement construit des phénomènes identitaires et des récits qui les sous-tendent, l’enchevêtrement des mécanismes qui confèrent une efficace sociale et politique à une notion qui ne recouvre aucune essence est si difficile à démêler qu’en résultent le plus souvent des flottements quant au vocabulaire analytique. Les relever ici, comme il serait possible de le faire ailleurs, est une manière de continuer la discussion et d’y contribuer. Derrière « identité », il y a identification, qui peut être déclinée en identification-par et identification-à; en référence aux assignations (identifications-par) se dressent des autodéfinitions, ce que les auteurs illustrent abondamment. Le rôle des identifications-à dans l’élaboration des autodéfinitions est décisif; mais il est peut-être, dans les communications rassemblées ici, un peu trop cantonné aux identifications à des mouvements déjà constitués, à des propositions déjà formulées par des entrepreneurs identitaires. G. Renou introduit bien l’idée que la « conversion » identitaire, la « découverte » individuelle d’une appartenance fondamentale, trop longtemps oubliée » (p.118) peut advenir à l’écart de toute affiliation immédiate à une organisation existante, sur la base d’une identification à une nébuleuse largement imaginaire. Cette piste, comme celle mentionnée par N. Jaoul, observant en passant que les Dalit Panthers s’étaient inspirées des Black Panthers afro-étasuniennes, aurait méritée d’être explorée plus avant afin de montrer à quel point l’identification à des entités sociales auxquelles les agents n’appartiennent pas et qui ne leur sont pas imposées peut contribuer à l’autodéfinition, notamment lorsqu’elle cherche à échapper aux assignations15. S’identifier signifie certes « produire, gérer, s’approprier, assumer, incorporer, intérioriser, revendiquer ou au contraire rejeter les actes d’attribution identitaire, c’est-à-dire construire et sélectionner l’appartenance par référence à un groupe, une catégorie ou une propriété distinctive » (p.24), mais les références peuvent être extrêmement diverses et inclure des assemblages imaginaires.

La question des identifications renvoie à un autre problème de définition, celle de groupe. On en trouve dans ce volume un très grand nombre de types, plus ou moins structurés, plus ou moins ouvertement politiques: de mouvements constitués ad hoc pour la défense d’une cause qui sont conduits à intervenir dans le champ politique, aux partis dont c’est la vocation première. S’agissant de groupes et de mobilisations, dans des situations définies par des rapports de pouvoir et des efforts pour les modifier, et sur la base de la distinction entre catégorie et groupe proposée par Rogers Brubaker16, s’inspirant de Pierre Bourdieu17, il serait sans doute souhaitable de préciser et d’homogénéiser le vocabulaire pour vérifier si, dans les processus de construction identitaire aussi bien que dans les actions entreprises sur leur base, des spécificités distinguent les mouvements sans vocation politique (M. Roca i Escoda; M. Voegtli) des partis officiellement politiques (N. Jaoul; S. Dechezelles; R. Lefebvre). Cela permettrait sans doute de mieux comprendre le rapport de l’individu aux groupes et d’affiner la notion de mobilisation. On en perçoit la labilité dans l’exemple des tentatives pour organiser les luttes des « sans » (X. Dunezat), mais on ne voit pas toujours très bien qui est mobilisé en vertu de l' »identité », comment et pourquoi, dans les exemples qui portent, par exemple, sur les tensions à l’intérieur du parti socialiste (Ph. Aldrin; T. Barboni) ou sur le façonnage télévisuel des collectifs (P. Lefébure; J. Sedel), même si les mobilisations contre la précarité en Italie illustrent bien la force mobilisatrice des médias (A. Mattoni).

Enfin, ce que met en lumière la diversité des approches utilisées dans ce volume, comme dans bien d’autres textes consacrés aux phénomènes identitaires, est la nécessité d’une réflexion sur la méthodologie. De manière assez classique, les auteurs d’Identifier – s’identifier utilisent, d’une part, le dépouillement d’archives et de textes, accompagné parfois d’une analyse institutionnelle et juridique, à quoi peut être ajouté l’étude du contenu des productions télévisuelles; de l’autre, des entretiens et récits de vie. Deux chapitres seulement (Ph. Aldrin; T. Barboni; X. Dunezat) ont tenté une entrée plus ethnographique dans des mouvements et formations dont leurs auteurs voulaient appréhender les usages de l' »identité ». Les enquêtes menées à Cluj par Rogers Brubaker, Jon Fox, Margit Feischmidt et Liana Grancea, incitent à penser que, en complément du travail sur les textes et des entretiens, c’est par l’observation fine dans la vie quotidienne des affichages identitaires que peuvent être saisies sans réductionnisme les variations contextuelles de la manière dont les individus énoncent leur(s) appartenance(s) ou leur(s) identification(s) à des groupes et répondent à des sollicitations identitaires, donc peuvent être analysés les écarts manifestes entre la saillance de l' »identité » sur la scène politique locale et sa moindre visibilité dans l’ordinaire de la vie18.

Identifier – s’identifier se lit donc comme une contribution majeure à la réflexion sur les phénomènes identitaires. Ce volume en enrichit la dimension comparative, confirme que les mouvements identitaires reposent sur des fondations hétérogènes, qu’ils sont divisés en leur sein même et que les entreprises identitaires doivent, pour être capables de mobiliser, être « reçues », acceptées et appropriées, ce qui implique le plus souvent des écarts entre le projet des entrepreneurs et la dynamique propre des mouvements qui s’en suivent. En outre, il attire l’attention sur certaines des dimensions encore sous-étudiées des phénomènes identitaires, comme la possibilité de « conversions » spontanées stimulées par des opérateurs symboliques ou la place que tiennent désormais les médias dans la configuration des « identités » et leur projection à des fins de mobilisation. Dans cette perspective, il aurait pu se refermer avec « L’entrée du Christ à Bruxelles en 1889 » (James Ensor, 1888-1889) où la figure fantastique du Christ est portée par (bien plus qu’elle ne les emmène) des foules bigarrées et mouvantes, réunies en masques et uniformes sous la bannière « Vive la sociale », comme pour contredire l’enseigne plus discrète des « Fanfares doctrinaires » et leur devise « Toujours réussi »…

Denis-Constant Martin, Revue française de science politique, vol. 61 no. 4, 2011, pp.744-748

1. À propos de Muriel Surdez, Michaël Voegtli, Bernard Voutat (dir.), Identifier – s’identifier. À propos des identités politiques, Lausanne, Antipodes, 2009 (Le Livre politique), 344 p.
2. Voir, parmi bien d’autres publications sur James Ensor: Ulrike Becks-Malorny, James Ensor, 1860-1949, les masques, la mer et la mort, Cologne, Taschen, 2006 (Le musée du Monde).
3. Frédérique Niel, « Désactiver les fonctions identitaires de « la langue »: l’identification des pratiques linguistiques à l’ombre de l’identité linguistique nationale » (pp.133-152).
4. Xavier Dunezat, « Organisation du travail militant, luttes internes et dynamiques identitaires: le cas des « mouvements de chômeurs » » (pp.155-175).
5. Pierre Lefébure, « Faire « citoyen anonyme » dans les débats télévisés, analyse de l’identité discursive comme facteur d’élargissement de l’espace public » (pp.247-269).
6. Nicolas Jaoul, « Un sabre à double tranchant, théories et usages de la caste dans le mouvement anticaste des Dalits » (pp.67-90).
7. Stéphanie Dechezelles, « Commémoration ou invention de la tradition, les ressorts mémoriels de l’identification partisane dans l’extrême droite italienne » (pp.91-108).
8. Gildas Renou, « La découverte ou l’ignorance, contribution à l’étude des opérateurs d’alternation dans la formalisation des identités militantes » (pp.109-132).
9. Philippe Aldrin et Thierry Barboni, « Ce que la professionnalisation de la politique fait aux militants, l’identité du permanent socialiste, du militant professionnel au salarié encarté » (pp.203-224).
10. Michaël Voegtli, « La politique de l’identité comme enjeu de luttes, logiques de constitution et de transformation du collectif dans deux associations homosexuelles en Suisse » (pp.177-201).
11. Rémi Lefebvre, «  »Petits arrangements avec son militantisme », le désarroi identitaire des militants du parti socialiste » (pp.225-243).

12. Marta Roca i Escoda, « Les enjeux de l’identification, le cas de la mobilisation autour de la loi genévoise sur le partenariat » (pp.49-65).

13. Alice Mattoni, « Pratiques médiatiques multiples dans les mobilisations italiennes contre la précarité » (pp.271-293).
14. Julie Sedel, « La banlieue comme enjeu de lutte symbolique, une ville se mobilise pour réhabiliter son image médiatique » (pp.295-311).
15. Daniel Yon en fournit d’intéressants exemples dans son étude de la manière dont des élèves d’un lycée de Toronto construisent ce qu’ils veulent être leur « identité »: Daniel A. Yon, Elusive Culture, Schooling, Race and Identity in Global Times, Albany, State University of New York Press, 2000.16. Rogers Brubaker, Ethnicity without Groups, Cambridge, Harvard University Press, 2004.
17. Pierre Bourdieu, « L’identité et la représentation, éléments pour une réflexion critique sur l’idée de région », Actes de la recherche en sciences sociales, 35, novembre 1980, pp.63-72.
18. Rogers Brubaker, Margit Feischmidt, Jon Fox, Liana Grancea, Nationalist Politics and Everyday Ethnicity in a Transylvanian Town, Princeton, Princeton University Press, 2006. Voir le compte rendu critique de cet ouvrage et de celui qui est cité en note 1 ci-dessus publié par Antonela Capelle-Pogacean dans Critique internationale, 40, juillet-septembre 2008, pp.153-158.